Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Alikats Mountain Holidays a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 octobre 2018, ainsi que des intérêts de retard.
Par un jugement n° 2004273 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 mai 2023, 29 février et 16 avril 2024, la SARL Alikats Mountain Holidays, représentée par Me Daly, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et intérêts de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle assure une activité de transport public de voyageurs lui permettant de déduire la taxe sur la valeur ajoutée relative aux frais se rapportant à cette prestation de service ;
- les paragraphes 120 et 130 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-DED-30-30-20, et la réponse ministérielle Lesage n° 7457 du 29 janvier 2013, sont opposables à l'administration ;
- les locations de chalets meublés selon la formule de type self-catered ne se trouvent pas en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.
Par des mémoires, enregistrés les 10 novembre 2023 et 27 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 avril 2024, la clôture d'instruction, initialement fixée au 17 avril 2024, a été reportée au 17 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Alikats Mountain Holidays dont le siège social était à Montriond (Haute-Savoie) et qui avait pour activité principale la location meublée avec ou sans prestations para-hôtelières, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 octobre 2018 à la suite de laquelle l'administration a, d'une part, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les recettes locatives perçues au titre des séjours en formule dite self-catered qu'elle n'avait pas déclarées et, d'autre part, remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses d'acquisition, de location et d'utilisation de véhicules de tourisme. En conséquence de ce contrôle, l'administration lui a réclamé, par avis de mise en recouvrement du 16 septembre 2019, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée, auxquels ont été appliqués des intérêts de retard. La SARL Alikats Mountain Holidays relève appel du jugement du 17 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et intérêts de retard.
Sur l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des locations dites self-catered :
2. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. (...) ".
3. Le b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts a pour effet d'inclure dans le champ de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'il prévoit toute mise à disposition d'un local meublé qui n'est pas assortie de l'offre, par l'exploitant, d'au moins trois des quatre services que constituent la fourniture du petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle. Ces dispositions sont ainsi susceptibles d'entraîner l'exonération de locations de logements meublés au seul motif que deux de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de trois de ces quatre prestations n'apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier. Par suite, ce b. est incompatible avec les objectifs de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 en tant qu'il subordonne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des activités de mise à disposition d'un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu'il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers. En revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs dudit article en tant qu'elles excluent de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'impôt, d'apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l'hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
5. La SARL Alikats Mountain Holidays qui prenait à bail des chalets meublés auprès de propriétaires, personnes morales et personnes physiques, donnait ces biens en location pour des séjours d'une semaine selon deux formules comportant un niveau de prestations différent. Elle proposait, d'une part, des locations selon une formule dite catered incluant, outre la réception personnalisée des clients, la fourniture du linge de maison et le service de conciergerie Alikats Food et Service donnant accès, moyennant paiement, à des prestations de restauration, de location d'équipement de ski, d'achat de forfaits et de cours de ski, de garde d'enfant et de massage et soins corporels, des prestations de type hôtelier, fournies par son personnel sur place (petit déjeuner, thé au retour des pistes, repas du soir et ménage quotidien) et, d'autre part, une formule de location sans service traiteur, dite self-catered, comprenant seulement la fourniture de serviettes et de linge et la mise à disposition de thé et de café. L'administration a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les recettes des locations dites self-catered que la société n'avait pas fait figurer dans ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée.
6. La SARL Alikats Mountain Holidays ne conteste pas que les clients optant pour la formule self-catered bénéficiaient du service de réception personnalisé et de l'offre Alikats Food et Service permettant à la clientèle de bénéficier, moyennant un supplément de prix, aux services additionnels décrits au point 5 ci-dessus et, notamment, de prestations de fourniture de repas, d'un service de livraison sur place de produits de boulangerie et d'un service de ménage en milieu de séjour. Il résulte de l'instruction que la SARL Alikats Mountain Holidays employait, au cours la période vérifiée, deux personnes en contrat à durée indéterminée ainsi qu'une quinzaine d'employés en contrat à durée déterminée, soit une moyenne de deux employés par logement en prenant en compte l'ensemble des chalets. Si la société produit des tableaux d'affectation de son personnel aux différents chalets, en distinguant selon qu'ils étaient donnés en location selon la formule catered ou self-catered, il ne résulte pas de ces seuls tableaux, qui sont invérifiables et donc sans valeur probante, qu'elle n'était pas en capacité de fournir aux clients de la formule dit self-catered, qui bénéficiaient d'office de deux des quatre prestations prévues par les dispositions précitées, l'ensemble des prestations offertes sur demande de la clientèle. Il suit de là que la SARL Alikats Mountain Holidays doit être regardée comme ayant été en mesure d'assurer l'ensemble des prestations mentionnées et se trouvait, ainsi, pour la partie de son activité de location en formule dite self-catered, en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières exploitées de manière professionnelle quand bien même il n'existait pas d'entreprise hôtelière à proximité immédiate des biens exploités. Dans ces conditions, c'est par une exacte application de la loi fiscale que l'administration a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les recettes tirées des locations en formule dite self-catered.
Sur la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les biens et services afférents aux véhicules de tourisme :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II de ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe : " IV. - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 5° Pour les prestations de transport de personnes et les prestations accessoires à ce transport, à l'exclusion de celles réalisées soit pour le compte d'une entreprise de transports publics de voyageurs, soit en vertu d'un contrat permanent de transport conclu par les entreprises pour amener leur personnel sur les lieux de travail ; 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : (...) f. Acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports ; (...) 10° Pour les prestations de services de toute nature, notamment la location, afférentes aux biens dont le coefficient d'admission est nul en application des dispositions du 1° au 8°. (...) ".
8. La SARL Alikats Mountain Holidays proposait à ses clients, moyennant paiement du prix du service, des prestations de transport entre l'aéroport de Genève, les lieux d'hébergements et les zones de départ à ski en station. L'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les frais d'entretien du véhicule appartenant à la société requérante ainsi que les frais de carburant, les frais de location de véhicules et les frais de sous-traitance de transport qu'elle a exposés.
9. La SARL Alikats Mountain Holidays, qui assure des prestations de transport de personnes pour son propre compte et à destination de sa seule clientèle, ne peut être regardée comme une entreprise de transports publics de voyageurs au sens et pour l'application de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts quand bien même le transport public routier de personnes était inclus dans son objet social, selon l'extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés, et quand bien même elle était titulaire de l'autorisation administrative d'exercice de la profession de transporteur public routier de personnes, aucune de ces deux circonstances n'ayant d'incidence sur la qualification fiscale de la prestation fournie. Elle ne peut pas davantage se prévaloir du fait que le véhicule qu'elle possédait était inscrit en comptabilité dans l'actif immobilisé pour revendiquer la qualité d'entreprise de transports publics de voyageurs pour faire échec à l'application de ces dispositions.
10. Par ailleurs, la prestation d'hébergement fournie dans un établissement de type hôtelier et la prestation de transport de personnes constituent des opérations matériellement et économiquement distinctes, relevant d'un régime différent au regard de l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée que la SARL Alikats Mountain Holidays facturait d'ailleurs séparément. Si l'acheminement de la clientèle vers les lieux d'hébergement et vers les zones de départ des stations de ski peut être vu par l'exploitant d'un établissement de type hôtelier comme un moyen de mieux parvenir à la finalité de la prestation principale d'hébergement, le transport des clients, qui était facultatif et n'est pas indispensable à l'exercice de l'activité d'hébergement, peut être réalisé indépendamment, ces deux prestations pouvant constituer une fin en soi pour le client. Dans ces conditions, la prestation de transport des clients ne peut être regardée comme une prestation accessoire à la prestation d'hébergement fournie par la SARL Alikats Mountain Holidays.
11. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déduite se rapportant aux dépenses liées aux prestations de transport de personnes.
12. En second lieu, la SARL Alikats Mountain Holidays n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes 120 et 130 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-DED-30-30-20, ni de la réponse ministérielle Lesage n° 7457 du 29 janvier 2013, qui ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui résulte du présent arrêt.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Alikats Mountain Holidays n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Alikats Mountain Holidays est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Alikats Mountain Holidays et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01665