Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021 par lequel le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2107629 du 23 mars 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 21 juin 2023, M. D... A..., représenté par Me Huard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 7 octobre 2021 du préfet de la Savoie ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour en lui délivrant dans l'attente un récépissé de demande de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet ne pouvait considérer que sa demande était incomplète sans lui demander de régulariser son dossier en application de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il n'avait pas à justifier de son état civil dans le cadre d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour en application de l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 30 avril 2021 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour ; le préfet ne pouvait exiger la présentation d'un passeport dans le cadre d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ;
- le préfet ne démontre pas le caractère frauduleux de son état civil ;
- l'arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2024, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., se disant ressortissant gabonais né le 30 décembre 1969, est entré en France le 3 avril 2017 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 25 janvier 2019 au 24 janvier 2020. Par arrêté du 7 octobre 2021, le préfet a refusé de renouveler son titre de séjour. M. D... A... relève appel du jugement du 23 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus de titre de séjour.
2. Le refus de renouvellement opposé par le préfet tient à ce que, après avoir fait des vérifications auprès du service d'état civil du Gabon, il s'est avéré que l'acte de naissance produit par l'intéressé, et qui avait servi de base pour la délivrance de son passeport, n'était pas authentique et qu'en conséquence, malgré l'avis favorable émis par le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, son identité n'étant pas formellement prouvée, sa demande de titre de séjour devait être considérée comme incomplète compte tenu de l'obligation pour tout demandeur de justifier de son identité et de sa nationalité par application de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet arrêté, qui comprend les considérations de droit et les éléments de fait sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé.
3. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des dispositions spéciales régissant le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour, en particulier les demandes incomplètes, que le préfet peut refuser d'enregistrer. Dans ces conditions, M. D... A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que celles-ci ne sont pas applicables à sa demande. En tout état de cause, si le préfet a indiqué que la demande de M. D... A... n'était pas complète, il ressort de la décision litigieuse, et ainsi que l'a indiqué le tribunal, que le préfet a estimé que les pièces produites par l'intéressé ne permettaient pas de justifier notamment de sa nationalité, de sorte qu'il ne pouvait être fait droit à sa demande. En opposant un tel motif, le préfet n'a pas entendu opposer au requérant le caractère incomplet de son dossier de demande de titre de séjour, mais constater qu'il ne remplissait pas une des conditions pour obtenir un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû l'inviter à régulariser sa demande sur le fondement de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, avant de la rejeter, ne peut qu'être écarté.
4. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article R. 433-1 du même code : " L'étranger qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande les pièces prévues pour une première délivrance et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci ainsi, le cas échéant, que les pièces particulières requises à l'occasion du renouvellement du titre conformément à la liste fixée par arrêté annexé au présent code ". Selon le point 47 de l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relative aux pièces à fournir à l'appui d'une demande de titre de séjour, dans le cas d'une demande portant sur une carte de séjour temporaire délivrée sur le fondement de l'article L. 425-9 de ce code à l'étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale, l'étranger doit fournir, en cas de première demande ou de renouvellement de titre de séjour, " un justificatif d'état civil : (sauf si vous êtes déjà titulaire d'une carte de séjour) une copie intégrale d'acte de naissance comportant les mentions les plus récentes accompagnée le cas échéant de la décision judiciaire ordonnant sa transcription (jugement déclaratif ou supplétif) ;/ -justificatif de nationalité : passeport (pages relatives à l'état civil, aux dates de validité, aux cachets d'entrée et aux visas) ou, à défaut, autres justificatifs dont au moins un revêtu d'une photographie permettant d'identifier le demandeur (attestation consulaire, carte d'identité, carte consulaire, certificat de nationalité, etc.) ; ".
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de l'instruction de la demande de renouvellement de titre de séjour de M. D... A..., le préfet a noté des incohérences entre les mentions portées sur son passeport gabonais, sur le fondement duquel il avait obtenu son visa, à savoir M. D... A... né le 2 juin 1971 à Libreville, et la carte nationale d'identité produite, à savoir M. A... né le 30 décembre 1969 à Pointe Noire, et a en conséquence demandé à M. A... de compléter sa demande en produisant un acte d'état civil, lequel s'est avéré être frauduleux. Si l'annexe 10 du code prévoit qu'en cas de demande de renouvellement, il n'est pas nécessaire de produire de copie intégrale d'acte de naissance, le préfet pouvait cependant, en application des dispositions précitées, refuser le renouvellement du titre de séjour au motif que M. D... A... ne justifiait pas, par les pièces qu'il avait produites, de son identité. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il n'avait pas à justifier de son état civil dans le cadre d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour en application de l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 30 avril 2021 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour doit être écarté.
6. Le préfet n'ayant pas rejeté la demande de M. D... A... au motif qu'il n'avait pas présenté de passeport, mais au motif que, par les pièces qu'il produisait, il ne justifiait pas de son identité et de sa nationalité, le requérant ne peut utilement faire valoir que le préfet ne pouvait exiger la présentation d'un passeport dans le cadre d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade.
7. M. D... A... reprend en appel le moyen tiré de ce que le préfet ne démontre pas le caractère frauduleux de son état civil. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal d'écarter ce moyen.
8. Le refus de titre de séjour n'a pas été assorti d'une obligation de quitter le territoire français de sorte que M. D... A... ne peut utilement faire valoir qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Gabon au motif que le collège des médecins de l'OFII a considéré que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les soins nécessités par son état ne sont pas disponibles en République gabonaise. De même, il ne justifie nullement, par les pièces qu'il produit, qu'il ne pourra poursuivre son traitement en France du fait du refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. M. C... soutient que l'arrêté attaqué porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant mineure, née en 2006 et scolarisée en France depuis son arrivée en 2017, et l'empêche de subvenir aux besoins de celle-ci. Cependant, et alors que le refus de titre de séjour litigieux n'a ni pour objet ni pour effet d'obliger le requérant et sa fille à quitter le territoire français, l'intéressé n'apporte aucun élément sur les conditions dans lesquelles sa fille est actuellement prise en charge de sorte qu'il n'apparaît pas que le refus de titre de séjour porterait atteinte à son intérêt supérieur. Il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. Enfin, en refusant de délivrer à M. C... un titre de séjour en qualité d'étranger malade au motif que celui-ci ne justifie pas de son identité et de sa nationalité, alors même que l'intéressé nécessite des soins qu'il poursuit actuellement en France, qu'il a occupé différents emplois en contrat à durée déterminée et que sa fille est scolarisée en France, le préfet de la Savoie n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de ce qui précède que M. D... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre,
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure,
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02076
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