Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 janvier 2022 par laquelle le préfet du Rhône a rejeté la demande de regroupement familial présentée par son époux au bénéfice de leur premier enfant mineur.
Par un jugement n° 2206559 du 27 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2024, Mme D... représentée par Me Frery, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2023 ;
2°) d'annuler la décision du préfet du Rhône du 19 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, à titre principal, de délivrer une autorisation de regroupement familial au bénéfice de leur premier enfant mineur dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de leur demande dans un délai d'un mois à compter de la même date et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation personnelle ;
- en l'absence d'avis du maire sur ses conditions de logement et de ressources, la décision est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La procédure a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 12 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 1er juillet 2024.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,
- et les observations de Me Troncquet substituant Me Frery, représentant Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Selon ses déclarations, Mme D..., ressortissante arménienne née le 9 octobre 1986, est entrée en France au cours de l'année 2009, accompagnée de son époux et de leur premier enfant, né le 16 juillet 2008, en Arménie. Le 25 septembre 2019, l'époux de l'intéressée a saisi les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) d'une demande de regroupement familial au bénéfice de cet enfant. Conformément aux dispositions combinées de l'article R. 421-20, alors applicable, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, le silence gardé pendant un délai de six mois par le préfet du Rhône, suspendu du 12 mars au 23 juin 2020 inclus, a fait naître une décision implicite de rejet. Par une décision du 19 janvier 2022, qui s'est substituée à cette décision, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par son époux au bénéfice de leur premier enfant mineur. Par la présente requête, Mme D... relève appel du jugement du 27 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de la demande de regroupement familial, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 434-2 du même code : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". L'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 434-6 du même code, prévoit toutefois que : " Peut être exclu du regroupement familial : / (...) 3° Un membre de la famille résidant en France. ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle se prononce sur une demande de regroupement familial, l'autorité préfectorale est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une des conditions légalement requises, notamment en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Elle dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenue par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit du demandeur de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou lorsqu'il est porté atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant tel que protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
4. Pour rejeter par la décision en litige la demande de regroupement familial, le préfet du Rhône s'est fondé sur les motifs pris de ce que, d'une part, les dispositions de l'article L. 434-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui permettaient de refuser le bénéfice du regroupement familial au motif que le membre de la famille résidait déjà en France, d'autre part, celles de l'article R. 434-6 du même code étaient réservées à l'étranger, résidant régulièrement en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'au moins un an ou d'une carte de séjour pluriannuelle, qui contracte mariage avec le demandeur résidant régulièrement en France et ne s'appliquaient pas aux enfants du demandeur pris isolément, et, enfin, de ce que les mineurs n'étaient pas tenus de détenir un titre de séjour et que le refus opposé à la demande de l'intéressé n'avait pas pour effet de contraindre son fils mineur à être séparé de ses parents qui résidaient régulièrement en France, ni d'empêcher sa scolarisation sur le territoire français. Il ressort des termes mêmes de la motivation de l'arrêté contesté que le préfet du Rhône, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale, a procédé à un examen particulier de la demande de regroupement familial présentée par l'époux de Mme D... au bénéfice de leur premier enfant mineur. Par suite, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté litigieux ni des autres pièces du dossier que le préfet se serait estimé en compétence liée ou qu'il n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de l'appelante et de sa famille avant de prendre la décision en litige. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
5. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de la demande de regroupement familial : " L'autorisation d'entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée par l'autorité administrative compétente après vérification des conditions de logement et de ressources par le maire de la commune de résidence de l'étranger ou le maire de la commune où il envisage de s'établir. (...) ". L'article L. 421-3 de ce code dispose que : " A l'issue de l'instruction, le maire émet un avis motivé. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication du dossier par l'autorité administrative. (...) ".
6. Si l'appelante soutient que sa demande de regroupement familial n'a pas été soumise pour avis au maire de la commune de résidence, il ressort des termes mêmes de la décision contestée, tels qu'ils viennent d'être exposés au point 4 du présent arrêt, que pour rejeter cette demande de regroupement familial, le préfet du Rhône ne s'est pas fondé sur le non-respect des conditions de logement et de ressources, mais sur la présence anticipée en France du membre de la famille concernée et sur son appréciation, au regard de la situation familiale, d'une absence d'atteinte excessive au droit du demandeur de mener une vie familiale normale et d'une absence d'atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant. Par suite, à la supposer même établie, la circonstance que le maire de la commune de résidence n'aurait pas été consulté n'a pu exercer aucune influence sur le sens de la décision prise et ni priver le destinataire de cette décision d'une garantie. Par suite, ledit moyen ne peut être qu'écarté.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. A hauteur d'appel, l'appelante fait valoir qu'au regard de la procédure de divorce prononcée par le juge des affaires familiales du tribunal judiciaire de Lyon du 7 décembre 2023, elle doit pouvoir bénéficier des mêmes prestations pour son fils, B..., afin de prendre en charge les frais qui lui sont liés. Toutefois, la seule circonstance qu'un refus de regroupement familial, opposé en raison de la présence en France de l'enfant, fasse obstacle à la perception des prestations familiales, ne saurait, en principe, faire regarder cette décision comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur ou l'intérêt supérieur de l'enfant. Il ne saurait en aller différemment, par exception, qu'en raison de circonstances très particulières tenant à la fois à la situation du demandeur et à celle de l'enfant, notamment à son état de santé, justifiant du caractère indispensable de l'ouverture du droit aux prestations familiales. En se bornant à soutenir que la décision contestée fait obstacle à la perception des prestations familiales, l'appelante n'invoque pas de telles circonstances. Pour le surplus, Mme D... reprend en appel, dans les mêmes termes et sans critique utile du jugement attaqué, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, auquel les premiers juges ont suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges au point 8 du jugement en litige.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées en application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00135