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11/12/2024 | FRANCE | N°23LY00504

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 11 décembre 2024, 23LY00504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Domaine du Chancelier a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 du préfet de Saône-et-Loire en tant qu'il n'autorise un défrichement de la parcelle ZL 10 à Mercurey que sur une surface de 51 ares et lui applique un coefficient de compensation de 4, ensemble la décision du 25 février 2021 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2101170 du 13 décembre 2022, le tribunal

administratif de Dijon a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Domaine du Chancelier a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 du préfet de Saône-et-Loire en tant qu'il n'autorise un défrichement de la parcelle ZL 10 à Mercurey que sur une surface de 51 ares et lui applique un coefficient de compensation de 4, ensemble la décision du 25 février 2021 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2101170 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 10 février 2023, 19 avril 2024 et 7 novembre 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la SCEA Domaine du chancelier, représentée par la SCP Themis Avocats et associés, agissant par Me Ciaudo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 décembre 2022 ainsi que l'arrêté du 25 novembre 2020 susvisés ;

2°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de l'autoriser à défricher la totalité de sa parcelle cadastrée ZL 10 et d'appliquer un coefficient multiplicateur de 2 dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCEA Domaine du chancelier soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen tiré de l'erreur matérielle commise dans le décompte du nombre d'érables de Montpellier et celle au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation s'agissant du coefficient multiplicateur retenu pour déterminer la surface à boiser ou reboiser ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il ne lui a pas été permis d'assister au marquage et au décompte des érables de Montpellier dans le cadre d'une visite contradictoire des lieux en méconnaissance des dispositions des articles R. 341-4 et R. 341-5 du code forestier ;

- en lui refusant le défrichement sur une partie de la parcelle ZL 10 d'un bois de moins de 30 ans, le préfet de Saône-et-Loire a méconnu les dispositions de l'article L. 342-1 du code forestier ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur matérielle dès lors que seuls 30 spécimens et non 61 érables de Montpellier sont présents sur la partie de parcelle en cause ;

- en lui refusant le défrichement sur une partie de la parcelle ZL 10, le préfet de Saône-et-Loire a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 341-5 du code forestier ;

- il a également commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant un coefficient de reboisement de 4.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 22 avril 2024 a fixé en dernier lieu la clôture de l'instruction au 7 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- l'arrêté du 27 mars 1992 relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Bourgogne complétant la liste nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ciaudo pour la SCEA Domaine du Chancelier.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Domaine du Chancelier, qui exerce une activité de culture de la vigne, est propriétaire d'une parcelle, d'une superficie de 6 200 mètres carrés, cadastrée ZL 10, sur le territoire de la commune de Mercurey. Elle a sollicité le 6 octobre 2020 une autorisation de défrichement de cette parcelle afin de la planter en vigne. Par un arrêté du 25 novembre 2020, le préfet de Saône-et-Loire a autorisé le défrichement d'une surface de 51 ares de bois (article 1), refusé le défrichement de la surface restante d'une superficie de 11 ares de bois, au motif de la conservation de cette zone rendue nécessaire en raison de l'équilibre biologique du territoire, en vue de la préservation de l'espèce Acer monspessulanum ou érable de Montpellier (article 2), fixé un coefficient multiplicateur de 4 pour la détermination de la surface à boiser ou reboiser, et enfin fixé à 4 590 euros le montant équivalent des travaux d'amélioration sylvicoles à réaliser (article 3). Par une décision du 25 février 2021, le préfet de Saône-et-Loire a rejeté le recours gracieux du 6 janvier 2021 de la société dirigé contre les articles 2 et 3 de l'arrêté du 25 novembre 2020. La SCEA Domaine du Chancelier relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions en tant qu'elles n'autorisent un défrichement de la parcelle ZL 10 à Mercurey que sur une surface de 51 ares et lui appliquent un coefficient de compensation de 4.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Contrairement à ce que soutient la SCEA Domaine du chancelier, le tribunal a répondu par des motifs suffisants et circonstanciés aux points 6, 10 et 11 de son jugement aux moyens qui étaient soulevés devant lui tirés de l'erreur matérielle commise dans le décompte du nombre d'érables de Montpellier situés sur la parcelle litigieuse et de l'erreur manifeste d'appréciation s'agissant du coefficient multiplicateur retenu pour déterminer la surface à boiser ou reboiser. Ces motifs ont permis à la société requérante de comprendre les motifs pour lesquels les premiers juges ont écarté ces moyens. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué à ces deux titres doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 341-1 du code forestier : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière./ Est également un défrichement toute opération volontaire entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences, sauf si elle est entreprise en application d'une servitude d'utilité publique./ La destruction accidentelle ou volontaire du boisement ne fait pas disparaître la destination forestière du terrain, qui reste soumis aux dispositions du présent titre ". Aux termes de l'article L. 341-3 du même code : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. L'autorisation est délivrée à l'issue d'une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Le dernier alinéa de l'article R. 341-4 du code forestier indique : " Lorsque le préfet estime, compte tenu des éléments du dossier, qu'une reconnaissance de la situation et de l'état des terrains est nécessaire, il porte le délai d'instruction à quatre mois et en informe le demandeur dans les deux mois suivant la réception du dossier complet. Il peut, par une décision motivée, proroger ce délai d'une durée complémentaire de trois mois, notamment lorsque les conditions climatiques ont rendu la reconnaissance impossible. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 341-5 du même code : " Huit jours au moins avant la date fixée pour l'opération de reconnaissance, le préfet en informe le demandeur par tout moyen permettant d'établir date certaine, en l'invitant à y assister ou à s'y faire représenter. Au cas où la demande d'autorisation n'est pas présentée par le propriétaire, le préfet adresse à ce dernier le même avertissement. ".

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. En l'espèce, il est constant qu'au moins huit jours avant l'opération de reconnaissance, qui a eu lieu le 5 novembre 2020 sur la parcelle en litige, le préfet de Saône-et-Loire n'a pas informé la société requérante et son représentant d'une telle visite entachant ainsi d'irrégularité la procédure suivie, cette exigence n'étant pas uniquement prescrite, contrairement à ce que fait valoir le ministre, lorsque le préfet envisage de porter à 4 mois le délai d'instruction de la demande en vertu des dispositions de l'article R. 341-5 du code forestier. Toutefois, il ressort des pièces versées au dossier que le représentant de la société a indiqué à la technicienne forestière de la direction départementale des territoires (DDT) de Saône-et-Loire en charge de cette visite, par courriel du 2 novembre 2020, être présent pour la visite prévue le 5 novembre suivant. Il n'est pas contesté que ce représentant y a participé et qu'il a pu présenter des observations. Si la société soutient, sans l'établir, que son représentant a été " invité à quitter les lieux " avant le décompte des érables de Montpellier effectué par les services de la DDT, la société a présenté des observations dans son recours gracieux s'agissant précisément du décompte effectué. Dans ces conditions, l'irrégularité relevée n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision prise dès lors qu'elle n'est pas susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de cette décision ou d'avoir privé la société d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 341-5 du code forestier doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 342-1 du code forestier : " Sont exemptés des dispositions de l'article L. 341-3 les défrichements envisagés dans les cas suivants : / (...) 4° Dans les jeunes bois de moins de trente ans sauf s'ils ont été conservés à titre de réserves boisées ou plantés à titre de compensation en application de l'article L. 341-6 ou bien exécutés dans le cadre de la restauration des terrains en montagne ou de la protection des dunes. ".

8. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les photographies de la parcelle litigieuse produites tant par elle que par le ministre, dont les plus anciennes datent de 1988, ne permettent pas de considérer que celle-ci, incluant la partie de la parcelle, d'une surface de 1 100 m², pour laquelle l'autorisation de défrichement a été refusée, n'aurait pas été boisée à cette période et qu'elle abriterait de jeunes arbres de moins de trente ans, les dispositions précitées ne s'appliquant pas au niveau de la partie de parcelle en litige mais de la parcelle dans son intégralité. En outre, la circonstance que cette parcelle ait pu être en partie déboisée ne permet pas de l'extraire du champ d'application de l'autorisation de défrichement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet au regard des dispositions précitées doit être écarté.

9. En troisième lieu, si le préfet a estimé que soixante-et-un érables de Montpellier étaient présents sur la partie de parcelle en litige, les éléments produit par la requérante, à savoir un constat d'huissier du 26 mars 2021 ainsi qu'un rapport du 3 avril 2023 rédigé par un expert forestier, sont de nature à remettre en cause ce décompte dès lors que l'huissier a relevé une trentaine d'érables marqués et que l'expert forestier en a identifié quarante-et-un. Toutefois, si la requérante est fondée à soutenir ainsi qu'une erreur matérielle a été commise, une telle erreur ne permet pas, à défaut d'éléments complémentaires, de remettre en cause la délimitation du périmètre incluant cette espèce protégée et objet du refus d'autorisation de défrichement. Par suite, l'erreur matérielle commise est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

10. En quatrième et dernier lieu, la requérante réitère en appel les moyens tirés de l'erreur d'appréciation commise par le préfet au regard de l'article L. 341-5 du code forestier ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans la fixation d'un coefficient de reboisement de 4, sans apporter d'éléments nouveaux de droit ou de fait à l'appui de ceux-ci. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés et pertinents retenus par les premiers juges aux points 8 à 11 du jugement attaqué.

11. Il résulte de ce qui précède que la SCEA Domaine du chancelier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à la SCEA Domaine du chancelier au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCEA Domaine du chancelier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Domaine du chancelier et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2024.

La rapporteure,

Vanessa Rémy-NérisLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et de la forêt en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

2

N° 23LY00504


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00504
Date de la décision : 11/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture et forêts - Produits agricoles - Généralités - Valorisation des produits agricoles et alimentaires.

Agriculture et forêts - Produits agricoles - Vins - Contentieux des appellations.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : SCP THEMIS AVOCATS & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-11;23ly00504 ?
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