Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Le préfet de la Haute-Savoie a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 26 février 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune de Thyez a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune en ce que ce plan classe en zone 1AUb une partie du secteur de " Jovet Dessous ".
Par un jugement n° 1805003 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à ce déféré.
Par un arrêt n° 21LY00951 du 8 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la commune, annulé ce jugement et rejeté le déféré du préfet.
Par une décision n° 470379 du 29 janvier 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour
Par effet de la décision du Conseil d'Etat du 29 janvier 2024, la cour se trouve à nouveau saisie de la requête présentée par la commune de Thyez le 24 mars 2021, désormais enregistrée sous le n° 24LY00242.
Par un mémoire enregistré le 28 février 2024 la commune de Thyez, représentée par Me Plunian, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 janvier 2021 et de rejeter le déféré du préfet de la Haute-Savoie ou, à tout le moins, d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ;
2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'Etat de communiquer le détail et les modalités de calcul de la réduction des surfaces affectées à des productions bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou qu'il soit sursis à statuer pour une année sur la demande, dans l'attente d'une régularisation des vices ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- pour déterminer s'il y a une réduction substantielle des surfaces affectées à des productions bénéficiant d'une appellation d'origine protégée, il faut tenir compte des superficies qui se trouvaient dans un zonage permettant l'activité agricole et qui sont placées dans un zonage ne le permettant plus ;
- le calcul de l'Institut national des appellations d'origine est erroné en ce qu'il a été réalisé à partir du plan d'occupation des sols et non à partir du plan local d'urbanisme élaboré en 2012 ; cet institut a réalisé ce calcul au regard du classement de certaines parcelles en zone N ; aucune des zones du plan local d'urbanisme n'interdit l'exploitation permettant la production des produits classés AOP ; si la cour a un doute, elle pourra enjoindre à l'Etat de produire les éléments sur la base desquels la réduction des surfaces a été calculée ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme n'est pas fondé en l'absence de réduction substantielle des surfaces affectées aux productions AOP ;
- un sursis à statuer pourrait être prononcé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 février 2024, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Thyez ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Moya, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,
- et les observations de Me Plunian pour la commune de Thyez.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 26 février 2018, le conseil municipal de la commune de Thyez a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. Le préfet de la Haute-Savoie a déféré au tribunal administratif de Grenoble cette délibération en tant qu'elle classe en zone 1 AUb une partie du secteur de " Jovet Dessous ". Par un jugement du 25 janvier 2021, le tribunal a fait droit à sa demande. Par un arrêt du 8 novembre 2022 la cour a, sur appel de la commune de Thyez, annulé ce jugement et rejeté le déféré. Par une décision du 29 janvier 2024, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.
2. Aux termes de l'article L. 153-16 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan arrêté est soumis pour avis : / (...) / 2° A la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime lorsque le projet de plan local d'urbanisme couvre une commune ou un établissement public de coopération intercommunale situés en dehors du périmètre d'un schéma de cohérence territoriale approuvé et a pour conséquence une réduction des surfaces des espaces naturels, agricoles et forestiers ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) / Lorsqu'un projet d'élaboration, de modification ou de révision d'un plan local d'urbanisme (...) a pour conséquence, dans des conditions définies par décret, une réduction substantielle des surfaces affectées à des productions bénéficiant d'une appellation d'origine protégée (...), l'autorité compétente de l'Etat saisit la commission du projet. Celui-ci ne peut être adopté qu'après avis conforme de cette commission. ". Aux termes de l'article D. 112-1-23 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du cinquième alinéa de l'article L. 112-1-1 : / 1° Une réduction des surfaces affectées à des productions bénéficiant d'une appellation d'origine protégée est considérée comme substantielle lorsqu'elle porte soit sur plus d'un pour cent de l'aire géographique de cette appellation, soit, le cas échéant, sur plus de deux pour cent de l'aire comprise dans le périmètre géographique d'une commune ou, le cas échéant, d'un établissement public de coopération intercommunale. / 2° Une atteinte aux conditions de production d'une appellation d'origine protégée est considérée comme substantielle lorsqu'elle est de nature à rendre un produit non conforme au cahier des charges de l'appellation (...). ".
3. Pour l'application des dispositions citées au point 2, doivent être regardées comme " des surfaces affectées à des productions bénéficiant d'une appellation d'origine protégée (AOP) " les surfaces qui sont recensées comme étant effectivement exploitées à ce titre et non celles qui seraient susceptibles de l'être au regard des prescriptions d'urbanisme applicables. Par suite et contrairement à ce que soutient la commune de Thyez, dont tout le territoire est couvert par l'aire géographique de deux AOP, les services de l'Etat ont pu déterminer la réduction des surfaces affectées à des productions bénéficiant de ces AOP à partir des surfaces déclarées comme agricoles au registre parcellaire.
4. Il ressort des pièces du dossier et en particulier de la carte présentant la consommation des surfaces agricoles sur le territoire de la commune de Thyez, produite par le préfet de la Haute-Savoie, que la réduction de 33,8 hectares des surfaces agricoles utilisées a été déterminée en prenant en compte les seules surfaces agricoles utilisées qui sont désormais classées, par le plan local d'urbanisme, et non par le plan d'occupation des sols comme le soutient la commune, en zones U et AU et sans retenir celles qui sont dorénavant classées en zone N. Il s'ensuit que l'avis émis le 14 septembre 2017 par la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers de la Haute-Savoie, qui a demandé le classement en zone agricole d'une partie du secteur de " Jovet Dessous ", présente un caractère conforme.
5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Thyez n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 26 février 2018 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'une partie du secteur " Jovet Dessous " était classé en zone 1AUb.
6. Il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme pour permettre la régularisation du vice entachant la légalité du plan local d'urbanisme, dès lors que la commune de Thyez peut d'elle-même mener une procédure de modification de cet acte en conséquence de l'annulation prononcée.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Thyez est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Thyez et à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Copie sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
P. MoyaLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00242
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