Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2305314 du 17 novembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 février 2024, Mme B..., représentée par Me Huard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2023 du préfet de l'Isère ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour ou, subsidiairement, d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- la décision ne lui octroyant aucun délai de départ volontaire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français et de celle refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, est insuffisamment motivée, méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas présenté d'observations.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante de République démocratique du Congo née en 1975, déclare être entrée en France le 2 juillet 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 18 décembre 2012, décision confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 12 juillet 2013. Par la suite, elle a sollicité à trois reprises la délivrance de titres de séjour en raison de son état de santé. Par des décisions des 23 octobre 2014, 4 juillet 2016 et 14 mai 2018 assorties d'obligations de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, ces demandes ont été rejetées. Ces décisions, contestées en vain devant les juridictions administratives, n'ont pas été exécutées. Le 20 décembre 2022, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 5 juillet 2023, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 17 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision portant refus titre de séjour vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et retrace le parcours de Mme B... depuis son entrée en France, en mentionnant les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour prendre la décision contestée de refus de titre de séjour. Par suite, et alors même qu'il n'a pas expressément indiqué la durée de sa présence en France, laquelle se déduit des éléments de faits mentionnés dans la décision, et son état de santé, sur lequel la requérante n'a pas fondé sa demande de titre de séjour, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une motivation insuffisante.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...). ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (....) ".
4. Si Mme B... fait valoir la durée de son séjour en France, il ressort des pièces du dossier que son séjour a été en grande partie irrégulier et, comme exposé au point 1, elle a fait l'objet de trois décisions de refus de titre de séjour, assorties de mesures d'éloignement qu'elle n'a pas exécutées. Elle se prévaut également de ce qu'elle bénéficie en France de soins dont le défaut aurait des conséquences graves pour sa santé et dont elle ne pourrait bénéficier en République démocratique du Congo, en particulier compte tenu du lien entre ses troubles de santé et les évènements subis dans ce pays. Toutefois, le seul certificat médical produit en ce sens en première instance, peu circonstancié, ne permet pas de considérer ce fait comme établi, et alors qu'elle n'a pas fondé sa demande sur son état de santé, étant relevé au demeurant que ses trois précédentes demandes de titre de séjour fondées sur son état de santé ont toutes été rejetées. Elle précise également qu'elle est insérée bénévolement et amicalement et produit une promesse d'embauche en qualité de coiffeuse. Cependant ces éléments ne traduisent pas une insertion privée ou professionnelle particulière. Enfin, si elle indique que ses liens avec la République démocratique du Congo sont distendus du fait de ses conditions de départ liées à son appartenance au parti politique l'Union pour la démocratie et le progrès social, elle ne produit aucune pièce sur ce point et alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'OFPRA que la CNDA. En outre, entrée en France à l'âge de 37 ans, elle conserve nécessairement des liens en République démocratique du Congo, où il est constant que demeurent ses parents et son fils. Dans ces conditions, et eu égard aux conditions du séjour en France de Mme B..., le préfet de l'Isère a pu rejeter sa demande de titre de séjour sans porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, par suite, être écartés. Pour les mêmes motifs, en l'absence d'argumentation distincte, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur la situation de Mme B... doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
6. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, les moyens tirés de la méconnaissance par la décision d'obligation de quitter le territoire français des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme B... dont elle serait entachée, doivent être écartés.
Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, les moyens tirés de la méconnaissance par la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme B... dont elle serait entachée, doivent être écartés.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
8. En premier lieu, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an prise à son encontre, Mme B... invoque les mêmes moyens que ceux déjà soulevés devant le tribunal administratif, tirés de ce qu'elle serait illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français et de celle refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, de ce qu'elle serait insuffisamment motivée et de ce qu'elle méconnaîtrait l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif dans le jugement attaqué.
9. En second lieu, le moyen tiré de de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme B... dont la décision d'interdiction de retour sur le territoire français serait entachée doit être écarté, en l'absence d'argumentation distincte, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Céline Michel, présidente,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
Mme Anne-Sylvie Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
C. Vinet
La présidente,
C. Michel La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 24LY00319 2
lc