Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 14 décembre 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Le Grésivaudan a approuvé la tarification des services d'eau et d'assainissement à compter du 1er janvier 2021.
Par jugement n° 2100385 du 29 mars 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération et a mis à la charge de la communauté de communes Le Grésivaudan une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédures devant la cour
I°) Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 24LY01534, le 29 mai 2024 et le 16 octobre 2024, la communauté de communes Le Grésivaudan, représentée par Me Senegas (SELARL Conseil Affaires Publiques), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3°) subsidiairement, de reporter les effets de l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Grenoble ;
4°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de première instance n'était pas suffisamment motivée, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- aucune rupture d'égalité entre les usagers du service public ne résulte de la délibération litigieuse, dès lors que celle-ci participe à une harmonisation des tarifs appliqués à ces usagers, que cette harmonisation, entre usagers dont le service est géré en régie et ceux dont le service est externalisé, ne peut qu'être progressive compte tenu des contrats en cours, qu'à la part communautaire qu'elle fixe s'ajoute, s'agissant des usagers dont le service est délégué, une part revenant au délégataire et que la différence tarifaire en résultant est résiduelle ;
- les tarifs ainsi adoptés n'intègrent aucune charge étrangère au service ;
- ces tarifs n'avaient pas à varier selon le nombre de personnes composant le foyer de l'usager ;
- subsidiairement, l'annulation prononcée sera privée d'effet rétroactif, compte tenu de ses conséquences manifestement excessives.
Par mémoires enregistrés le 10 septembre 2024 et le 29 octobre 2024 (non communiqué), M. B..., représenté par Me Heinrich, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la communauté de communes Le Grésivaudan la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il expose que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- le principe d'égalité des usagers du service public est également méconnu par l'absence de prise en compte, par les tarifs fixés par la délibération litigieuse, de la composition du foyer des abonnés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2024, par ordonnance du même jour.
II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 24LY01535, le 29 mai 2024 et le 2 août 2024, la communauté de communes Le Grésivaudan, représentée par Me Senegas (SELARL Conseil Affaires Publiques), demande à la cour :
1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2024 jusqu'à ce qu'il soit statué dans l'instance n° 24LY01534 ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de première instance n'était pas suffisamment motivée, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- elle se prévaut d'un moyen sérieux tiré de ce qu'aucune rupture d'égalité entre les usagers du service public ne résulte de la délibération litigieuse, dès lors que celle-ci participe à une harmonisation des tarifs appliqués à ces usagers, que cette harmonisation, entre usagers dont le service est géré en régie et ceux dont le service est externalisé, ne peut qu'être progressive compte tenu des contrats en cours, qu'à la part communautaire qu'elle fixe s'ajoute, s'agissant des usagers dont le service est délégué, une part revenant au délégataire et que la différence tarifaire en résultant est résiduelle ;
- aucun autre moyen soulevé en première instance n'est de nature à justifier l'annulation de cette délibération ;
- l'exécution du jugement attaqué est de nature à lui causer des conséquences difficilement réparables, compte tenu de la nécessité de fixer rétroactivement des tarifs et de procéder à une nouvelle facturation des usagers.
Par mémoires enregistrés le 19 juillet 2024 et le 10 septembre 2024 (non communiqué), M. B..., représenté par Me Heinrich, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la communauté de communes Le Grésivaudan la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 23 septembre 2024, par ordonnance du même jour.
Par courrier en date du 8 novembre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office qu'il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions de la communauté de communes Le Grésivaudan tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué, si la cour statue sur la requête n° 24LY01534 tendant à l'annulation de ce jugement.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
- les conclusions de Mme Christine Psilakis ;
- les observations de Me Sechaud, pour la communauté de communes Le Grésivaudan, et celles de Me Sommaggio, pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. A la demande de M. B..., habitant de la commune de Pontcharra, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes Le Grésivaudan du 14 décembre 2020 approuvant la tarification des services d'eau et d'assainissement à compter du 1er janvier 2021, par un jugement du 29 mars 2024. Par deux requêtes distinctes, la communauté de communes Le Grésivaudan relève appel de ce jugement et demande que son exécution soit suspendue.
2. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :
3. Les différences de tarif entre des usagers d'un service public ne sont légales que si elles trouvent leur justification dans la loi, dans la différence de situation existant entre ces catégories d'usagers, ou dans une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service.
4. A compter du 1er janvier 2018, la communauté de communes Le Grésivaudan est devenue compétente à l'égard des services publics d'eau et d'assainissement, jusqu'alors gérés par ses communes membres soit en régie, soit dans le cadre de conventions de délégation de service public. Afin d'harmoniser les tarifs pratiqués auprès des différents usagers, la communauté de communes a, par la délibération litigieuse, fixé, d'une part, le montant des tarifs qui seront appliqués aux usagers dont le service demeure géré en régie, composés d'une part fixe et d'une part progressive selon des tranches de volume consommé, et, d'autre part, le montant des parts, au sein des tarifs applicables aux usagers dont le service est géré par délégation, revenant à la communauté de communes, elles-mêmes également composées d'une partie fixe et d'une partie progressive. Les tarifs fixés par cette délibération diffèrent ainsi selon ces deux catégories d'usagers, qui se trouvent dans une situation différente au regard des conditions d'exploitation du service, qui nécessitent que soient financées de manière différenciée la rémunération des prestataires en exécution des conventions de délégation de service public alors en cours et les charges de gestion du service lorsque celui-ci est géré en régie. Par suite, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la délibération litigieuse n'a pas méconnu le principe d'égalité en instaurant des tarifs distincts pour ces deux catégories d'usagers.
5. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen dont elle se prévaut, que la communauté de communes Le Grésivaudan est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a, pour annuler la délibération litigieuse, retenu le moyen tiré de ce qu'elle méconnaît le principe d'égalité entre les usagers du service public, en fixant des parts de redevances différentes selon que le service est géré en régie ou par un délégataire.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif que devant la cour.
Sur les autres moyens invoqués par M. B... :
7. En premier lieu, le principe d'égalité n'implique pas que des abonnés à un service public soient soumis à des tarifs différents en fonction de leur situation individuelle. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de prendre en compte, dans les parts de redevances qu'elle fixe, la composition du foyer des usagers, la délibération litigieuse méconnaîtrait le principe d'égalité entre les usagers du service public.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 2224-12-3 du code général des collectivités territoriales : " Les redevances d'eau potable et d'assainissement couvrent les charges consécutives aux investissements, au fonctionnement et aux renouvellements nécessaires à la fourniture des services, ainsi que les charges et les impositions de toute nature afférentes à leur exécution (...) ".
9. Pour soutenir que la délibération litigieuse aurait pour effet de faire supporter aux usagers dont le service est géré en régie des charges profitant aux usagers dont le service est géré en délégation, qui seraient ainsi étrangères au service qui leur est rendu, M. B... se prévaut d'une délibération du conseil communautaire du 29 décembre 2021 prévoyant l'imputation au budget annexe " eau gestion directe " de l'ensemble des charges de personnel du service d'eau. Toutefois, cette même délibération instituait également un mécanisme correcteur de refacturation au budget annexe " eau en gestion déléguée " à opérer en fin d'exercice. Dans ces conditions, et à supposer même que cette refacturation ait été, dans les faits, opérée lors de l'exercice suivant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le dispositif communautaire de convergence tarifaire approuvé par l'assemblée délibérante pénaliserait les usagers dont le service est géré en régie en leur transférant des charges que devraient supporter les usagers à gestion déléguée. Ce moyen doit dès lors être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes Le Grésivaudan est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération de son conseil communautaire du 14 décembre 2020 et à demander l'annulation de ce jugement.
Sur les conclusions à fin de suspension du jugement :
11. Le présent arrêt statuant sur la requête de la communauté de communes Le Grésivaudan dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Le Grésivaudan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme à la communauté de communes Le Grésivaudan, en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de suspension de la requête n° 24LY01535.
Article 2 : Le jugement n° 2100385 du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2024 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par la communauté de communes Le Grésivaudan en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Le Grésivaudan et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, où siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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Nos 24LY01534-24LY01535