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19/12/2024 | FRANCE | N°24LY03013

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 19 décembre 2024, 24LY03013


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision de la préfète du Rhône du 14 octobre 2024 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois, ainsi que la décision du préfet de l'Isère du 14 octobre 2024 portant assignation à résidence.



Par une ordonnance n° 2408143 du 23 octobre 2024, le magistrat désigné par le président d

u tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.





Procédures devant la cour



I- Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision de la préfète du Rhône du 14 octobre 2024 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois, ainsi que la décision du préfet de l'Isère du 14 octobre 2024 portant assignation à résidence.

Par une ordonnance n° 2408143 du 23 octobre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour

I- Par une requête enregistrée le 24 octobre 2024 sous le n° 24LY03013, M. B..., représenté par Me Zouine, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ainsi que les décisions du 14 octobre 2024 des préfets du Rhône et de l'Isère ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours, et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le magistrat désigné ne pouvait rejeter sa demande comme irrecevable alors que le délai de recours prévu par l'article L. 921-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est un délai franc et qu'il ne pouvait expirer, s'agissant d'un délai exprimé en jours, que le dernier jour à minuit ;

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'incompétence ;

- elle a été adoptée sans vérification de l'existence d'un droit au séjour, alors que cela constitue une garantie ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- en ne mentionnant pas qu'il avait présenté une demande de titre de séjour, la préfète a commis une erreur de droit, une erreur de fait et entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de sa situation :

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il dispose de garanties de représentation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des autres décisions ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'interdiction de retour est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;

- la décision d'assignation à résidence est illégale compte tenu de l'illégalité des autres décisions.

La requête a été communiquée aux préfètes du Rhône et de l'Isère, qui n'ont pas présenté d'observations.

II- Par une requête enregistrée le 24 octobre 2024 sous le n° 24LY03014, M. B..., représenté par Me Zouine, demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution de l'ordonnance du 23 octobre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de l'arrêt qui sera rendu au fond ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables et que les moyens qu'il présente, qui sont identiques à ceux visés dans l'instance 24LY03013, sont sérieux.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Zouine pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant arménien né le 23 mai 1987, relève appel sous le n° 24LY03013 de l'ordonnance du 23 octobre 2024 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la préfète du Rhône du 14 octobre 2024 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois, ainsi que de la décision du préfet de l'Isère du même jour portant assignation à résidence. Il demande également à la cour, sous le n° 24LY03014, qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance.

2. Les deux instances précitées étant dirigées contre la même ordonnance, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un unique arrêt.

Sur l'instance n° 24LY03013 :

3. Aux termes de l'article L. 614-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L 614-1, lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 731-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision relative au séjour, la décision relative au délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent, le cas échéant, peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l'article L. 921-1 ". L'article L. 731-1 de ce code prévoit : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : /1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; ". Aux termes de l'article L. 732-8 de ce code : " La décision d'assignation à résidence prise en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-1 peut être contestée selon la procédure prévue à l'article L. 921-1. / Elle peut être contestée dans le même recours que la décision d'éloignement qu'elle accompagne. " L'article L. 921-1 de ce code prévoit : " Lorsqu'une disposition du présent code prévoit qu'une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de sept jours à compter de la notification de la décision. Sous réserve de l'article L. 921-4, il statue dans un délai de quinze jours à compter de l'introduction du recours ". Selon l'article R. 921-3 de ce code : " Les délais de recours de sept jours et quarante-huit heures respectivement prévus aux articles L. 921-1 et L. 921-2 ne sont susceptibles d'aucune prorogation ".

4. Pour rejeter comme manifestement irrecevable la demande de M. B..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a retenu qu'elle avait été enregistrée après l'expiration du délai de recours de sept jours, qui n'est pas un délai franc et se décompte d'heure à heure.

5. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus, qui traduisent l'objectif de célérité du législateur dans le traitement contentieux des mesures d'éloignement des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'assignation à résidence dans la perspective de cet éloignement, que, si les délais de recours contentieux sont en principe des délais francs, le délai de contestation de sept jours prévu à l'article L. 921-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui doit être regardé comme un délai non-franc, commence à courir le lendemain du jour de la notification et expire le dernier jour du délai à minuit.

6. Il ressort des pièces du dossier que les décisions attaquées ont été notifiées par voie administrative à M. B... le 14 octobre 2024 à 18 heures 55. Le délai de recours expirait donc le 21 octobre 2024 à minuit. La requête de M. B..., enregistrée sur Télérecours le 21 octobre 2024 à 20 heures 09, n'était dès lors pas tardive.

7. Il en résulte que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné du tribunal a rejeté sa demande.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. B....

Sur l'instance n° 24LY03014 :

9. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions de la requête n° 24LY03014 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance attaquée, ainsi que les conclusions aux fins d'injonction, sont ainsi privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés aux litiges :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État à verser à M. B... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés dans les deux instances.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 23 octobre 2024 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Grenoble.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution et d'injonction présentées dans la requête n° 24LY03014.

Article 4 : L'État versera à M. B... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée aux préfètes du Rhône et de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

Nos 24LY03013, 24LY03014

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY03013
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;24ly03013 ?
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