Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 4 juin 2021 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay a prononcé la sanction de révocation à compter du 1er juillet 2021.
Par un jugement n° 2101634 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à cette demande et a enjoint à la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay de réintégrer M. B... dans ses effectifs, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay, représentée par Me Djeffal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal par M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 4 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de statuer, dans son dispositif, sur l'ensemble des demandes présentées dont certaines ont été rejetées dans les motifs ;
- les faits évoqués dans la décision de révocation sont matériellement établis ;
- ils sont d'une particulière gravité et justifient la sanction édictée ;
- les autres moyens soulevés devant le tribunal par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2024, M. B..., représenté par Me Olivier-Dovy, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit enjoint à la communauté d'agglomération de le réintégrer dans ses fonctions à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;
3°) à la condamnation de ladite communauté d'agglomération à lui verser les sommes de 5 000 euros pour résistance abusive et de 45 000 euros en réparation de ses préjudices moral et matériel ;
4°) de mettre à la charge de l'appelante une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la sanction n'est pas suffisamment motivée ;
- les faits évoqués au soutien de la sanction prononcée ne sont pas matériellement établis ;
- la décision en litige méconnaît le principe d'impartialité visé à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le principe de proportionnalité et de nécessité des peines visé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- son employeur a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité, et a notamment fait preuve de résistance abusive en refusant d'exécuter le jugement d'annulation rendu par le tribunal.
Une ordonnance du 12 février 2024 a fixé la clôture de l'instruction au 11 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Punzano, représentant la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay, et celles de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., adjoint administratif titulaire, exerçant alors les fonctions d'" ambassadeur du tri " au sein de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay, a fait l'objet, après avis du conseil de discipline favorable au prononcé d'une sanction de quatre mois d'exclusion de fonctions, d'un arrêté du 4 juin 2021 par lequel le président de cet établissement public de coopération intercommunale lui a infligé la sanction de révocation. La communauté d'agglomération du Puy-en-Velay relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette décision et lui a enjoint de réintégrer l'intéressé dans ses effectifs.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
S'agissant du motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus, portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable, aujourd'hui repris à l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 visée ci-dessus, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable, repris à l'article L. 533-1 du même code : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : la radiation du tableau d'avancement ; l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation (...) ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont établis, s'ils constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. La décision du 4 juin 2021 est fondée sur l'attitude de rejet et de contestation de l'autorité hiérarchique observée par M. B..., en particulier à l'encontre de sa cheffe de service, caractérisée par un ton obséquieux, inapproprié, pressant et agressif, et des propos comminatoires, le dénigrement de ses supérieurs hiérarchiques auprès du directeur général des services, la déstabilisation et l'humiliation d'une collègue devant un usager, l'agression de cette dernière et plus généralement un refus d'obéissance hiérarchique. Elle indique également que le comportement de M. B... porte atteinte à la santé des agents du service et que le climat d'intimidation qu'il a instauré a dégradé les conditions de travail au sein de ce service.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment de plusieurs échanges de courriels ayant trait à l'année 2021, que M. B... a usé d'un ton inapproprié et d'une attitude pressante voire menaçante à l'égard des autres agents du service auquel il appartenait, notamment à l'égard de sa supérieure hiérarchique, et qu'il a opté pour une posture d'opposition sinon systématique au moins récurrente à plusieurs consignes qui lui ont été données. Ce refus d'obéissance hiérarchique et la contestation réitérée de l'autorité sont également attestés par divers témoignages émanant notamment de chefs d'autres services de la communauté d'agglomération. En outre, il ressort de ces mêmes pièces que le comportement de M. B... a engendré la dégradation de l'ambiance et plus généralement des conditions de travail au sein du service concerné.
6. D'autre part, il ressort des pièces versées au dossier, en particulier des témoignages produits, que, s'agissant de l'incident survenu le 18 février 2021, les faits d'injures et de menaces proférées par l'intéressé à l'encontre de sa collègue sont établis. Cette dernière a indiqué qu'elle avait pris peur lorsque M. B... a brusquement démarré le véhicule de service dans lequel elle avait pris place, et qu'après qu'elle a retiré les clés du contact, l'agent en cause lui a attrapé le bras avant de la saisir à la gorge en lui ordonnant de les lui rendre. Il ressort du constat opéré le lendemain de cette altercation que le médecin généraliste ayant examiné l'intéressée a relevé une " douleur élective à la palpation para trachéale sur la zone d'appui de la main de son agresseur ". Il s'ensuit que les faits d'insultes, de menaces et d'agression physique retenus dans la décision en litige sont également matériellement établis.
7. L'ensemble des faits dont la matérialité est démontrée aux points 5 et 6 constituent des manquements aux obligations d'obéissance hiérarchique et de dignité imposées aux agents publics, et justifient le prononcé d'une sanction disciplinaire. Compte tenu de la gravité des fautes ainsi commises et alors même que l'intéressé n'a précédemment fait l'objet d'aucune autre sanction disciplinaire, la sanction de révocation infligée à M. B... par le président de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay, soit la sanction la plus lourde dans l'échelle des sanctions applicables aux agents titulaires de la fonction publique territoriale, est en l'espèce proportionnée, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision édictée le 4 juin 2021 par son président.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... à l'encontre de la décision de révocation contestée.
S'agissant des autres moyens :
10. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'intimé, la décision de révocation en litige comporte les considérations de droit et de fait qui l'ont fondée. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
11. En second lieu, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le conseil de discipline ne constitue ni une juridiction, ni un tribunal au sens de ces stipulations. Il en va de même du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, lequel est inopérant s'agissant de l'appréciation de la légalité d'une sanction disciplinaire.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
12. D'une part, si M. B... soutient que son employeur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité dès lors notamment qu'il a fait l'objet d'une discrimination syndicale, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer la faute qu'il allègue. En outre, l'intéressé n'a présenté aucune demande préalable d'indemnisation sur ce point auprès de l'administration, de sorte que ces conclusions sont irrecevables. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
13. D'autre part, si M. B... estime que son employeur doit être condamné en raison de sa résistance abusive du fait de la non-exécution du jugement du tribunal, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 18 avril 2023, le président de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay a notifié à M. B... sa réintégration dans ses effectifs et son affectation aux fonctions de chargé d'accueil et de billetterie. Au surplus, un tel moyen se rattache à l'exécution du jugement attaqué, désormais annulé, qui n'est pas en litige dans la présente instance. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
14. Le présent arrêt, qui annule le jugement attaqué et rejette la demande de M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par ce dernier doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. B... une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme à la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 décembre 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2025.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLa présidente,
Emilie Felmy
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au préfet de Haute-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N° 23LY00311