Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 8 août 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.
Par un jugement n° 2307315 du 5 mars 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2024, M. A..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 mars 2024 ;
2°) d'annuler les décisions du 8 août 2023 susvisées ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois est entachée d'un défaut d'examen ;
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour ayant désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 1er novembre 1978 et entré en France le 29 décembre 2019 muni d'un visa de court séjour valable du 29 décembre 2019 au 5 janvier 2020, a sollicité, le 20 mars 2023, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 août 2023, la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité au motif qu'il ne justifie pas d'une vie commune avec son épouse, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. L'intéressé relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". ". Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Aux termes de l'article L. 423-2 du même code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
3. Si le requérant soutient qu'il réside avec son épouse, ressortissante française, à Rillieux-la-Pape depuis leur mariage en mars 2022 et que le comportement menaçant de l'ex-époux de son épouse le contraint à demeurer à Vaulx-en-Velin, il ressort toutefois des termes de l'arrêté en litige que l'épouse du requérant a elle-même reconnu, au cours de l'enquête de communauté de vie qui a eu lieu le 22 juin 2023, que M. A... n'est venu qu'une fois au domicile conjugal et qu'elle n'a plus de contact avec lui depuis plusieurs mois. M. A... se borne à produire en appel comme en première instance des documents, pour certains postérieurs à la date de la décision en litige, tels qu'une déclaration d'imposition commune pour les revenus de 2022, une attestation de vie commune signée par son épouse le 25 août 2023, un relevé de la caisse d'allocations familiales datant de juillet 2023, une demande non signée d'ouverture d'un compte joint datant de juin 2023 et une attestation de contrat d'électricité datant de mars 2023, qui sont insuffisants pour démontrer l'existence d'une vie commune avec son épouse à la date du 8 août 2023. Il en va de même des attestations du frère de M. A... et d'une voisine faisant état de la communauté de vie entre les époux. Il ressort en outre des pièces versées au dossier que si l'épouse de M. A... a déposé plainte pour menaces de mort réitérées contre son ex-époux pour des faits survenus le 18 août 2023 soit postérieurement à l'arrêté en litige, cette circonstance ne saurait justifier les allégations de l'intéressé s'agissant du comportement de l'ex-époux de son épouse. Enfin, M. A... ne démontre pas que son activité professionnelle de maçon l'obligerait à vivre hors du domicile conjugal. Dans ces conditions, la communauté de vie entre M. A... et son épouse n'étant établie ni depuis le mariage des intéressés ni depuis au moins six mois à la date de la décision en litige, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour qui lui a été opposée méconnaîtrait les dispositions des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code précité.
4. En deuxième lieu, M. A... réitère en appel le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans apporter aucun nouvel élément de droit ou de fait à l'appui de celui-ci, ni critiquer les motifs par lesquels les premiers juges ont écarté ce moyen. Il y a lieu, pour la cour, de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, accordant un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi de la mesure d'éloignement :
5. En premier lieu, les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant refus de séjour ayant été écartés, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
6. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été indiqué, M. A... ne remplissant pas les conditions visées à l'article L. 423-2 du code précité pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
7. En troisième lieu, compte tenu des motifs exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales également soulevé par M. A... à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
8. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire serait illégale en raison de l'illégalité alléguée de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi de la mesure d'éloignement.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...). ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
12. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
13. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
14. Il ressort des termes mêmes de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois que la préfète du Rhône a pris en considération la durée de présence du requérant sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, ainsi que les circonstances qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Par conséquent, le moyen soulevé par M. A... tiré de ce que la préfète n'aurait pas suffisamment motivé sa décision doit être écarté.
15. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois que la préfète du Rhône n'aurait pas pris en considération l'ensemble des éléments afférents à la situation personnelle de M. A... et aurait ainsi entaché sa décision d'un défaut d'examen.
16. En quatrième lieu, pour décider d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois à l'encontre de M. A..., la préfète du Rhône s'est fondée sur la durée de présence en France de celui-ci, l'absence de vie privée et familiale ancienne, stable et intense en France et sur le fait qu'il n'est pas démuni de liens personnels et familiaux en Tunisie et qu'il n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement édictée le 17 juin 2021. Eu égard à ces éléments caractérisant la situation de l'intéressé, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois édictée à son encontre serait entachée d'une erreur d'appréciation.
17. En cinquième lieu, compte tenu des motifs exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales également soulevé par M. A... à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2025.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLa présidente,
Emilie Felmy
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N° 24LY00886