Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société AFG a demandé au tribunal administratif de Lyon de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2015 et 2016.
Par un jugement n° 2101009 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 novembre 2022 et le 9 novembre 2023, la société AFG, représentée par Me Palomares (société Taxene avocats), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 septembre 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2015 et 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la provision comptabilisée à hauteur de 110 000 euros pour dépréciation de stock est justifiée par l'évolution des prix du marché immobilier en 2015 ;
- les frais de déplacements exposés par le président de la société doivent être admis en déduction en intégralité, dès lors qu'ils ne présentent aucune incohérence au regard des besoins de la société et des trajets effectués ;
- les frais de repas et de cadeaux exposés sur des week-ends ou jours fériés ont été exposés pour les besoins de l'entreprise.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 mai 2023 et le 29 novembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société AFG ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société AFG, qui exerce une activité de marchand de biens et de gestion locative, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2015 et 2016, à l'issue de laquelle elle a fait l'objet de plusieurs rectifications en matière d'impôt sur les sociétés. Les rectifications initialement proposées ont été réduites suite à l'avis émis par la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par un jugement du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société AFG tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mise à sa charge. Elle relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la provision pour dépréciation de stock :
2. L'article 38 du code général des impôts, dans sa version alors applicable, dispose : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / (...) / 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. (...) ". L'article 39 du même code, dans sa version alors applicable, dispose : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) S'agissant des produits en stock à la clôture d'un exercice, les dépenses non engagées à cette date en vue de leur commercialisation ultérieure ne peuvent, à la date de cette clôture, être retenues pour l'évaluation de ces produits en application des dispositions du 3 de l'article 38, ni faire l'objet d'une provision pour perte. (...) ". Lorsqu'un marchand de biens constate que l'un ou plusieurs des immeubles qu'il possède en stock ont, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure à leur prix de revient, il est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation. Pareille provision ne peut toutefois être admise en déduction de ses résultats que si le contribuable est en mesure de justifier de la réalité de cet écart en établissant la valeur vénale des immeubles.
3. La société AFG a comptabilisé en stock pour une valeur initiale de 459 999 euros la maison qu'elle possède à Rillieux-la-Pape, d'une superficie de 155,33 mètres carrés, soit un coût de revient de 2 961,43 euros au mètre carré. En 2015, la société a inscrit une provision pour dépréciation de 110 000 euros, estimant, sur la base du prix de cession d'une maison, selon elle, similaire à la sienne et dans son voisinage, que le prix au mètre carré de son bien avait chuté à 2 500 euros. Il résulte de l'instruction que pour remettre en cause le caractère justifié de cette provision, l'administration, qui n'a pas retrouvé la trace d'une telle cession, a déterminé la valeur de la maison au cours de l'année 2015 en appliquant la méthode d'évaluation par comparaison en prenant en compte onze maisons vendues au cours de l'année 2015, situées dans un rayon de cinq kilomètres autour du terrain d'assiette du bien et dont la surface est équivalente à celle du bien en litige. Compte tenu des termes de comparaison ainsi retenus, l'administration a estimé que le prix au mètre carré était d'environ 3 000 euros à la clôture de l'exercice 2015, prix qui n'était pas inférieur au prix de revient de la maison. Pour critiquer cette évaluation, la société AFG se prévaut de quelques ventes intervenues, l'une en 2015, dont elle n'a pu produire aucun élément permettant d'attester la réalité, et les autres en 2016, dont résulterait un prix de revient inférieur à celui de son bien immobilier. Par ces seuls éléments, la société AFG ne contredit pas sérieusement le prix au mètre carré trouvé par le service sur la base d'éléments de comparaison plus nombreux et précis et elle n'établit ainsi pas une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient justifiant la constitution d'une provision pour dépréciation. Par suite, c'est à juste titre que l'administration fiscale a réintégré la provision dans le résultat imposable.
En ce qui concerne les charges déductibles :
4. L'article 39 du code général des impôts dispose : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) ".
5. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts selon lesquelles le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.
6. Il résulte de l'instruction que la société AFG a versé à son dirigeant des indemnités kilométriques à hauteur de 26 811,20 euros en 2015 et 29 256,69 euros en 2016, correspondant respectivement à 61 800 kilomètres et 66 540 kilomètres. L'administration les a réintégrées dans le résultat imposable de la société, au motif qu'il n'était justifié ni de la réalité ni du caractère professionnel de ces déplacements à hauteur des versements effectués. Toutefois, suite à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 5 novembre 2019, l'administration a réduit aux sommes de 19 791 euros et 21 237 euros les indemnités kilométriques injustifiées au titre des exercice clos respectivement en 2015 et en 2016. Pour remettre en cause la réalité et le caractère professionnel des déplacements restant en litige, l'administration s'est notamment fondée sur des relevés de télépéage, les itinéraires enregistrés dans le GPS du véhicule utilisé par M. A..., dirigeant de la société, et les informations obtenues de l'organisme technique central du contrôle technique des véhicules dans le cadre du droit de communication, qui ont mis en évidence d'importantes incohérences dans le kilométrage du véhicule utilisé par M. A... pour l'exercice de son activité, entre son domicile situé à Aigues-Mortes, le siège de la société AFG et les différents immeubles loués où il devait régulièrement se rendre.
7. La société AFG soutient que les déplacements déclarés ont été nécessités par l'exercice de l'activité de son dirigeant, que la comptabilisation des déplacements effectuée par l'administration fiscale est erronée et qu'il ne lui appartient pas d'établir le caractère professionnel de chaque déplacement. Toutefois, pas plus qu'en première instance, elle ne justifie du nombre de kilomètres parcourus ni du caractère professionnel des déplacements effectués, notamment au-delà de la liste des déplacements et des factures de télépéage produites devant la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de Lyon, ayant conduit cette dernière à estimer à 20 000 kilomètres par an les trajets effectués pour les besoins de l'entreprise, le constat du commissaire de justice relatif au kilométrage parcouru par le véhicule principalement utilisé par M. A..., qui en possède trois autres, étant insuffisamment probant à cet égard. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les frais dont l'administration a remis en cause la déduction et qui restent en litige correspondraient à des frais réellement exposés pour les besoins de l'activité professionnelle de l'intéressé.
8. L'administration fiscale a également remis en cause la déductibilité des dépenses de cadeaux à la clientèle et de frais de repas exposés par la société AFG, correspondant à des bouteilles de vin et de champagne d'une part et à des repas au restaurant les week-ends et jours fériés d'autre part, pour des montants respectifs de 3 003 euros en 2015 et de 1 672 euros en 2016 au motif que la société ne justifie pas de l'intérêt direct que présente, pour son activité, l'engagement de ces dépenses notamment faute de fournir les noms et coordonnées des bénéficiaires des cadeaux. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la société AFG n'a pu fournir que des factures ne comportant pas de mentions précises permettant d'établir que les frais ont été exposés dans un but commercial, alors que les repas ont été pris essentiellement dans les environs du domicile de son dirigeant, sans que celui-ci ne puisse précisément donner le nom et la qualité des personnes invitées. De même, et en tout état de cause, M. A... n'a pas pu préciser les coordonnées des locataires ayant bénéficié de cadeaux à l'occasion de la fête des voisins. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que ces frais constitueraient une charge déductible.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société AFG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société AFG la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société AFG est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société AFG et à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Vinet, présidente de la formation de jugement,
M. Moya, premier conseiller,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2025.
La rapporteure,
A.-S. Soubié La présidente,
C. Vinet
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 22LY03439
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