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09/01/2025 | FRANCE | N°23LY01721

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 09 janvier 2025, 23LY01721


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par une ordonnance n° 2300974 du 19 avril 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.



Procédure devant

la cour



I)- Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 mai 2023, le 23 mai 2023, le 19 juin 2024...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par une ordonnance n° 2300974 du 19 avril 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

I)- Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 mai 2023, le 23 mai 2023, le 19 juin 2024 et le 30 juillet 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. et Mme C..., représentés par Me Ceyhan, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 19 avril 2023 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme C... soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- leur demande de première instance avait bien été précédée d'une réclamation préalable effectuée en temps utile et était, par suite, recevable ;

- la proposition de rectification qui leur a été adressée est insuffisamment motivée faute de préciser si l'administration entendait se fonder sur le 1° ou le 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- l'administration ne démontre pas qu'ils aient appréhendé les revenus qu'elle a estimés distribués par la société Hôtel de la Poste ; ils ne peuvent apporter une preuve impossible ; la présomption d'appréhension s'applique au titre de l'année d'inscription de la somme au crédit du compte courant d'associé, sauf preuve contraire ; or, la somme en litige figurait dans la comptabilité de l'exercice 2014 en " report à nouveau " ;

- ils n'ont commis aucune manœuvre frauduleuse ce qui empêche la caractérisation d'un manquement délibéré.

Par des mémoires enregistrés le 22 novembre 2023 et le 11 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances, et de l'industrie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est recevable, sauf en ce qui concerne les conclusions non assorties de moyen, notamment celles présentées au titre de l'année 2015 ;

- ses moyens ne sont pas fondés.

II)- Par une requête enregistrée le 1er octobre 2024, M. et Mme C..., représentés par Me Ceyhan, demandent à la cour :

1°) de suspendre l'exécution de la décision de rejet implicite de leur réclamation préalable par l'administration fiscale ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dépens.

M. et Mme C... soutiennent que :

- leur requête en suspension est recevable dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues à l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de même que leur demande de première instance, qui avait bien été précédée d'une réclamation préalable effectuée en temps utile ;

- ils présentent les mêmes moyens, qui doivent être regardés comme sérieux, que dans l'instance introduite au fond contre les mêmes impositions supplémentaires ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... sont associés de la SAS Hôtel de la Poste, laquelle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2014 et 2015 et jusqu'au 31 décembre 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Suite à cette procédure qui a entraîné des rectifications pour la société vérifiée, l'administration a considéré que ses associés avaient perçu des revenus distribués. Par une proposition de rectification du 8 août 2016, elle a notifié à M. et Mme C... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014 et 2015, assorties de pénalités. Par une requête enregistrée sous le numéro 23LY01721, M. et Mme C... relèvent appel de l'ordonnance par laquelle le président de la 4ème chambre a rejeté comme irrecevable leur demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes. Par une requête enregistrée sous le numéro 24LY02783, ils ont introduit une requête à fin de suspension de la décision de rejet implicite de leur réclamation préalable dirigée contre ces impositions supplémentaires.

2. Les deux requêtes susvisées sont relatives aux mêmes contribuables et aux mêmes impositions. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la requête n° 23LY01721 :

3. Aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) ". Aux termes de l'article R. 196-3 du même du livre, " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ". Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 169 du même livre, " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

4. Il résulte de l'instruction que les impositions supplémentaires mises à la charge de M. et Mme C..., au titre de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux des années 2014 et 2015, pour des montants respectivement de 86 947 euros et 3 553 euros, leur ont été notifiées par une proposition de rectification en date du 8 août 2016. Ces sommes ont été mises en recouvrement par deux avis du 8 juin 2018. En application des dispositions précitées, le délai général de réclamation expirait le 31 décembre 2020 et le délai spécial de réclamation expirait le 31 décembre 2019. Il résulte des justificatifs apportés pour la première fois en appel que les requérants ont formé une réclamation préalable datée du 2 janvier 2020, réceptionnée le même jour par l'administration fiscale, qui l'admet d'ailleurs dans ses écritures. Il suit de là que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter leur demande, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif a retenu qu'elle était irrecevable faute de preuve de la réception par l'administration de leur réclamation.

5. Par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif.

6. En premier lieu, la proposition de rectification indique notamment qu'au titre de l'année 2014, le vérificateur a retenu des revenus distribués sur le fondement du 1 de l'article 109 du code général des impôts, résultant des rectifications pratiquées sur le résultat de la SAS Hôtel de la Poste à hauteur de 120 789 euros, correspondant à une somme inscrite au compte courant d'associé comme report à nouveau, dans le poste " autre dettes ", mais dont il a été impossible de trouver trace au bilan de l'exercice 2013. Elle indique que le solde créditeur y mentionnait seulement une somme de 20 882 euros, effectivement reportée en 2014, et non comprise dans les rectifications, bien que n'étant pas justifiée dans son principe, par mesure de " tempérament ". Elle précise que l'inscription d'une somme au crédit du compte courant d'associé entraîne une présomption de mise à disposition du revenu au profit du titulaire de ce compte. Elle relève que le compte courant d'associé n° 4551 en cause n'est pas nominatif mais que, toutefois, les seuls associés de la société sont M. et Mme C.... Ainsi, et alors même que l'administration n'a pas précisé si elle se référait au 1° ou au 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, cette proposition de rectification, qui a mis les contribuables en mesure d'engager valablement une discussion avec l'administration sur ce chef de redressement, contient la motivation exigée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

7. En deuxième lieu, les sommes à retenir au titre d'une année déterminée pour l'assiette de l'impôt sur le revenu sont celles qui, au cours de cette année, ont été mises à disposition du contribuable soit par voie de paiement soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre de cette année. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé sont présumées avoir été appréhendées par le ou les bénéficiaires du compte. En l'espèce, les requérants, qui n'apportent aucune explication et, a fortiori, aucune justification à l'inscription de la somme sur le compte courant d'associé qu'ils détiennent dans la société, se bornent à soutenir que l'imposition de la somme de 120 789 euros n'a pas été rattachée à la bonne année d'imposition en se prévalant de son inscription en report à nouveau provenant de l'exercice antérieur. Toutefois, précisément, l'administration a indiqué dans la proposition de rectification sans être sérieusement contredite, qu'il a été impossible de retracer la naissance de ce crédit du compte courant d'associé dans les écritures comptables de l'année 2013, puisque seul un montant de 20 882,70 euros, admis par le vérificateur, figurait au bilan à la clôture de l'exercice 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que l'imposition litigieuse procéderait d'une erreur dans l'année de rattachement du revenu en cause doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis. ".

9. En faisant valoir que les contribuables ne pouvaient ignorer le caractère imposable des primes de gérance versées par la SAS Hôtel de la Poste et des revenus versés par la société DIC suite à une décision régulière des organes compétents, l'administration justifie suffisamment la majoration de 40 % qui a assorti les rectifications correspondantes. Les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'ils n'ont pas commis de manœuvre frauduleuse dès lors que l'administration n'a pas fait application des dispositions du c. de l'article 1729 précité du code général des impôts et que cette notion est sans incidence sur la qualification de manquement délibéré mentionné au a. de l'article 1729 précité du même code.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées à une partie de leur demande, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander la décharge des impositions en litige. Par voie de conséquence, leur requête enregistrée sous le numéro 23LY01721 doit être rejetée en toutes ses conclusions.

Sur la requête n° 24LY02783 :

11. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. ".

12. La cour statuant au fond, par le présent arrêt, sur la requête de M. et Mme C... tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge au titre des années 2014 et 2015, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de leur requête tendant à la suspension de la décision de rejet de leur réclamation préalable.

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre quelque somme que ce soit à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24LY02783 tendant à la suspension de la décision de rejet de la réclamation préalable formée par M. et Mme C....

Article 2 : L'ordonnance n° 2300974 du 19 avril 2023 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme C... tant en première instance qu'en appel est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et à la ministre chargée des comptes publics, nommée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Vinet, présidente de la formation de jugement,

M. Moya, premier conseiller,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier2025.

La rapporteure,

C. VinetL'assesseur le plus ancien,

P. Moya

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, nommée auprès ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 23LY01721 - 24LY02783 2

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01721
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINET
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : LEX EDERIM

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;23ly01721 ?
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