Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la proposition de rectification du 31 mai 2021 et de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 2017 au 31 décembre 2019, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2201116 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2023, M. A... C..., représenté par Me Louard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la proposition de rectification ;
3°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
4°) de condamner l'Etat aux dépens, et mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté pour irrecevabilité ses conclusions en annulation de la proposition de rectification ;
- le taux de marge de 1,5 pour les ventes de fournitures a été déterminé par l'administration en méconnaissance du contradictoire ;
- la proposition de rectification n'est pas signée par un inspecteur principal ;
- elle n'est pas motivée ;
- le montant des chiffres d'affaires doit être examiné sur une période triennale ;
- la taxe sur la valeur ajoutée nette d'un montant de 26 122 euros due au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2017 doit être lissée sur les années 2015 à 2017 ;
- l'assiette des chiffres d'affaires imposable à la taxe sur la valeur ajoutée doit être réduite par la prise en compte d'un taux de marge des ventes de fournitures de 1,2 et non de 1,5 ;
- 50 % de son chiffre d'affaires relève du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 10 %.
Par un mémoire, enregistré le 12 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions en annulation de la proposition de rectification sont irrecevables ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 31 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 1er octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., qui exploitait, à titre individuel, une entreprise de travaux de plâtrerie et de peinture à Charnay-lès-Mâcon (Saône-et-Loire), à raison de laquelle il a été imposé, au titre des années 2017, 2018 et 2019, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux selon le régime d'imposition des micro-entreprises de l'article 50-0 du code général des impôts et à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la franchise en application de l'article 293 B du même code applicable aux contribuables dont le chiffre d'affaires n'excède pas certaines limites, a fait l'objet, en 2021, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019. A l'issue de ce contrôle, l'administration, après avoir mis en œuvre un droit de communication auprès de l'établissement bancaire détenteur du compte de cette entreprise, a reconstitué son chiffre d'affaires à partir des factures clients et des relevés du compte bancaire. Ayant constaté que le chiffre d'affaires réalisé par M. C... excédait, à compter du 3 avril 2017, le seuil lui permettant de bénéficier du régime de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration l'a taxé d'office à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article L. 66-3° du livre des procédures fiscales, au titre de la période du 1er avril 2017 au 31 décembre 2019. Les droits rappelés ont été assortis des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue au 1. a. de l'article 1728 du code général des impôts en l'absence de dépôt des déclarations. M. C... relève appel du jugement du 18 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la proposition de rectification et de décharge de ces impositions et pénalités.
Sur les conclusions en annulation de la proposition de rectification :
2. La proposition de rectification du 31 mai 2021, qui ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition de nature à être déféré au juge de l'impôt par des conclusions en annulation, ne peut être contestée que dans le cadre du litige de plein contentieux contestant l'imposition elle-même. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de cette proposition de rectification.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, il résulte de la proposition de rectification du 31 mai 2021 que la première intervention de la vérificatrice a eu lieu sur place, au siège de l'entreprise de M. C..., que la vérification de comptabilité a donné lieu à trois autres réunions en présence de la représentante du contribuable ainsi qu'à une réunion de synthèse. Il ne résulte pas de l'instruction que les points évoqués dans cette proposition de rectification, comprenant le taux de marge de 1,5 retenu pour les ventes de fournitures, n'ont pas fait l'objet d'échanges entre la vérificatrice et le représentant du contribuable. Si M. C... soutient qu'il n'a pas bénéficié de la garantie d'un débat oral et contradictoire sur le taux de marge au cours du contrôle, il ne fournit aucun élément de nature à justifier cette allégation. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il a été privé de la possibilité d'un débat oral et contradictoire doit être écarté.
4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts : " I.- Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. (...) ".
5. La proposition de rectification du 31 mai 2021, qui n'avait pas à être visée par un inspecteur principal, a été régulièrement signée par un agent appartenant à un corps de catégorie A des fonctionnaires de la direction générale des finances publiques.
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ".
7. La proposition de rectification du 31 mai 2021 comporte les bases de calcul des droits de taxe sur la valeur ajoutée établis d'office sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et leurs modalités de détermination, notamment en indiquant les montants des chiffres d'affaires hors taxe imposables au titre de la période du 1er avril 2017 au 31 décembre 2019 et le taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqué de 20 %. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 précité du livre des procédures fiscales ne peut être retenu.
Sur l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée :
8. Aux termes de l'article 293 B du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, à l'exclusion des redevables qui exercent une activité occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsqu'ils n'ont pas réalisé : 1° Un chiffre d'affaires supérieur à : a) 82 200 € l'année civile précédente ; b) Ou 90 300 € l'année civile précédente, lorsque le chiffre d'affaires de la pénultième année n'a pas excédé le montant mentionné au a ; 2° Et un chiffre d'affaires afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, supérieur à : a) 32 900 € l'année civile précédente ; b) Ou 34 900 € l'année civile précédente, lorsque la pénultième année il n'a pas excédé le montant mentionné au a. II. - 1. Le I cesse de s'appliquer : a) Aux assujettis dont le chiffre d'affaires de l'année en cours dépasse le montant mentionné au b du 1° du I ; b) Ou à ceux dont le chiffre d'affaires de l'année en cours afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, dépasse le montant mentionné au b du 2° du I. 2. Les assujettis visés au 1 deviennent redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services et les livraisons de biens effectuées à compter du premier jour du mois au cours duquel ces chiffres d'affaires sont dépassés. (...) ".
9. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° Aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ".
10. Il résulte des dispositions précitées de l'article 293 B du code général des impôts que les assujettis dont le chiffre d'affaires de l'année civile en cours afférent à des prestations de services atteint la limite visée par le b) du 2° du I de ces dispositions, cessent de bénéficier de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée et qu'ils deviennent alors redevables de la taxe à compter du premier jour du mois au cours duquel le franchissement de la limite est intervenu.
11. Il résulte de la proposition de rectification que M. C... exerçait une activité mixte de vente de fournitures et de prestations de service directement ou par le recours à des sous-traitants, que la vérificatrice a déterminé les chiffres d'affaires des années 2017 à 2019 à partir des factures clients, de la réponse de l'intéressé à une demande de renseignements du 22 mars 2021 et des relevés du compte bancaire, ouvert auprès du Crédit Agricole Centre Est, utilisé à titre professionnel. Il en est résulté que M. C... a encaissé une somme totale de 323 476 euros au titre de l'année 2017. La vérificatrice a retenu un montant de fournitures achetées au cours de l'année 2017 de 65 795 euros TTC, auquel elle a appliqué un taux de marge de 1,5, ce qui a conduit à fixer les montants des ventes de matériaux à 98 693 euros, les prestations en sous-traitance à 122 909 euros et les prestations réalisées directement par M. C... la même année, à 101 874 euros. La vérificatrice, constatant que l'encaissement, le 3 avril 2017, d'un chèque de 8 458 euros avait eu pour effet de porter, à cette date, les chiffres d'affaires des prestations de services directes et celles fournies par sous-traitance à, respectivement, 18 250 euros, 20 460 euros, après déduction des ventes de fournitures, soit à un montant total de 38 710 euros supérieur au seuil prévu au b) du 2° du I de l'article 293 B du code général des impôts, en a conclu que M. C... avait cessé de bénéficier de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée et qu'il était devenu redevable de cette taxe à compter du 1er avril 2017, premier jour du mois au cours duquel a été constaté le dépassement, jusqu'au 31 décembre 2019.
12. M. C... ne conteste pas avoir cessé de bénéficier de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée à partir du 1er avril 2017, en raison du franchissement, le 3 avril 2017, du seuil de chiffre d'affaires des prestations de services visé au b) du 2° du I de l'article 293 B du code général des impôts. La circonstance que les chiffres d'affaires des années 2015 et 2016 n'ont pas atteint cette limite est sans incidence sur l'application des dispositions relatives à la franchise de taxe sur la valeur ajoutée. S'il soutient que la taxe sur la valeur ajoutée nette d'un montant de 26 122 euros due au titre de la période du 1er avril au 31 décembre 2017 doit être lissée sur les années 2015 à 2017, son argumentation sur ce point n'est pas assortie des précisions suffisantes pour en apprécier la portée. Par suite, le requérant relevait du régime simplifié d'imposition en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2017 au 31 décembre 2019. N'ayant pas souscrit les déclarations correspondantes, il a été à bon droit taxé d'office à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
13. En premier lieu, l'administration n'a utilisé le taux de marge de 1,5 que pour répartir les chiffres d'affaires respectifs des ventes de fournitures et des prestations de services afin de déterminer la date de franchissement du seuil de chiffre d'affaires pour ces prestations prévu au b) du 2° du I de l'article 293 B du code général des impôts. Elle a imposé M. C... à la taxe sur la valeur ajoutée en appliquant le taux de 20 % aux chiffres d'affaires du 1er avril 2017 au 31 décembre 2019 déterminés sur la base des factures clients et des relevés de compte bancaire comprenant les prestations de services et les ventes de fournitures. Par suite, le moyen tiré de ce que le taux de marge serait de 1,2 et non de 1,5, pour les ventes de fournitures, ne peut qu'être écarté.
14. En second lieu, aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien autres que ceux mentionnés à l'article 278-0bis A portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ou à l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs, de l'installation sanitaire ou de système de climatisation dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget. (...) 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au 2. Il est également applicable dans les mêmes conditions aux travaux réalisés par l'intermédiaire d'une société d'économie mixte intervenant comme tiers financeur. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité. (...) ".
15. L'article 279-0 bis du code général des impôts prévoit que le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée s'applique aux travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans. Il résulte de ces dispositions que l'application du taux réduit est soumise à la double condition que le preneur établisse, à la date du fait générateur de la taxe ou au plus tard à celle de la facturation, une attestation selon laquelle les travaux effectués remplissent les conditions posées par cet article et que la personne qui réalise ces travaux, et qui établit la facturation, conserve cette attestation à l'appui de sa comptabilité.
16. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe, eu égard aux conditions concrètes dans lesquelles sont effectuées ses opérations. Il appartient à chaque partie de produire, à l'appui de ses allégations, tous éléments de preuve qu'elle est en mesure d'apporter.
17. L'administration a appliqué le taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 % à l'ensemble des chiffres d'affaires de la période du 1er avril 2017 au 31 décembre 2019. M. C... ne produit aucun document signé par ses clients attestant que les travaux ont été réalisés sur des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans. Dans ces conditions, l'administration était en droit de soumettre la totalité des recettes au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée.
18. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et celles en tout état de cause relatives aux dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2025.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY02943