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09/01/2025 | FRANCE | N°24LY01463

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 09 janvier 2025, 24LY01463


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure





Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 18 mars 2022 par laquelle l'autorité militaire de premier niveau lui a infligé la sanction disciplinaire de sept jours d'arrêts avec dispense d'exécution, d'enjoindre à l'administration de la rétablir dans ses droits dont elle aurait été privée par les effets de la sanction en litige, sans délai et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de retirer des dossiers administrat

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 18 mars 2022 par laquelle l'autorité militaire de premier niveau lui a infligé la sanction disciplinaire de sept jours d'arrêts avec dispense d'exécution, d'enjoindre à l'administration de la rétablir dans ses droits dont elle aurait été privée par les effets de la sanction en litige, sans délai et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de retirer des dossiers administratifs les pièces relatives à la sanction en litige, de les détruire et d'en donner attestation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2201257 du 4 avril 2024, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 mai, 3 et 28 octobre 2024, ce dernier non communiqué, Mme B..., représentée par Me Maumont, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre à l'administration, sans délai et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de la rétablir dans l'ensemble de ses fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont elle aurait été privée par les effets de la décision en cause et de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, au retrait de ses dossiers administratifs et de tous autres dossiers détenus par l'administration, de toute pièce relative à la sanction qui lui a été infligée, de la détruire et de donner attestation de cette destruction ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est viciée dès lors qu'elle n'a pas été informée de son droit de se taire, consacré en matière de sanction disciplinaire par la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 ;

- son dossier lui a été communiqué le même jour que l'entretien, en méconnaissance de son droit à se défendre, qu'elle tient de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, de l'article L. 4137-1 du code de la défense et d'un principe général du droit ; elle a été privée du délai d'un jour franc prévu à l'article R. 4137-15 du code de la défense ;

- en méconnaissance de ce même article, elle a été privée de la possibilité d'être accompagnée par le militaire de son choix ;

- la décision est entachée d'erreurs de fait, en ce qu'elle n'a pas fait preuve, au cours de l'entretien, d'un comportement irrespectueux ; elle tentait de se défendre, dans un contexte de harcèlement par un supérieur hiérarchique dont elle a fait part aux termes de ses observations, à l'origine de la dégradation de son état de santé psychique, et qui n'a pas été pris en compte par sa hiérarchie, en méconnaissance de son devoir de protéger l'intégrité physique et psychique de ses subordonnés ;

- ces faits ne sont pas constitutifs de fautes justifiant une sanction ;

- la sanction est disproportionnée, dans sa nature et son quantum, au regard des faits reprochés, soit une sanction de premier groupe, pour le comportement qu'elle a adopté lors d'un entretien relatif à sa mutation d'office, qui trouve elle-même son origine dans les faits de harcèlement qu'elle a subis et dénoncés à sa hiérarchie.

Par un mémoire enregistré le 15 octobre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 octobre 2024, l'instruction a été close en dernier lieu au 29 octobre 2024.

Mme B... a présenté un mémoire, enregistré le 25 novembre 2024, après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- le code de de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., militaire relevant du corps des sous-officiers de gendarmerie depuis 2013, a été promue au grade de maréchal des logis-chef depuis le 1er août 2019. Par une décision du 18 mars 2022, l'autorité militaire de premier niveau lui a infligé une sanction disciplinaire de sept jours d'arrêts avec dispense d'exécution. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler cette décision. Par un jugement du 4 avril 2024 dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ". Aux termes de son article16 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, et le principe des droits de la défense. De telles exigences impliquent que l'agent public faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'il soit préalablement informé du droit qu'il a de se taire. Dans le cas où un agent sanctionné n'a pas été informé du droit qu'il a de se taire alors que cette information était requise en vertu de ces principes, cette irrégularité n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de l'agent public et aux autres éléments fondant la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que l'intéressé n'avait pas été informé de ce droit.

3. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et recettes de l'exercice 1905 : " Tous les militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ". Aux termes de l'article R. 4137-15 du code de la défense : " Avant qu'une sanction ne lui soit infligée, le militaire a le droit de s'expliquer oralement ou par écrit, seul ou accompagné d'un militaire en activité de son choix sur les faits qui lui sont reprochés devant l'autorité militaire de premier niveau dont il relève. Au préalable, un délai de réflexion, qui ne peut être inférieur à un jour franc, lui est laissé pour organiser sa défense. /Lorsque la demande de sanction est transmise à une autorité militaire supérieure à l'autorité militaire de premier niveau, le militaire en cause peut également s'expliquer par écrit sur ces faits auprès de cette autorité supérieure. L'explication écrite de l'intéressé ou la renonciation écrite à l'exercice du droit de s'expliquer par écrit est jointe au dossier transmis à l'autorité militaire supérieure. / Avant d'être reçu par l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, le militaire a connaissance de l'ensemble des pièces et documents au vu desquels il est envisagé de le sanctionner. ".

4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à l'invitation dont elle a fait l'objet par le courrier de convocation du 14 mars 2022 pour l'audition du 18 mars suivant, qui mentionnait que " le militaire en instance de sanction ne souhaitant pas s'expliquer oralement (...) établira s'il le désire des explications écrites ", Mme B... aurait présenté des observations écrites avant le prononcé de la sanction en litige. Surtout, et alors que, d'après le compte-rendu de l'audition du 18 mars 2022, l'intéressée a signé l'item " le militaire en instance de sanction n'a pas souhaité s'expliquer oralement sur les faits qui lui sont reprochés. ", il n'apparaît pas qu'elle se serait alors exprimée sur ces faits. Enfin, et de toutes les façons, rien au dossier ne permet de dire que la sanction litigieuse reposerait de manière déterminante sur des propos qu'elle aurait elle-même pu tenir au cours de la procédure disciplinaire. Dans ces circonstances, aucune violation du principe garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne saurait ici être retenue.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la maréchale des logis-chef B... a été informée le 21 février 2022 par l'adjudant Simonot qu'elle pouvait demander à consulter son dossier dématérialisé et qu'un entretien était fixé le 2 mars 2022 à 9 heures 30, lors duquel elle pouvait être accompagnée par le militaire de son choix. Le même jour, cet adjudant a informé sa hiérarchie que la maréchale des logis-chef B... souhaitait consulter son dossier et être accompagnée à l'entretien, mais qu'elle n'avait pas encore décidé qui l'accompagnerait. La maréchale des logis-chef B..., qui a ainsi bénéficié d'un délai raisonnable pour préparer sa défense, a cependant attendu le 28 février, soit sept jours plus tard et deux jours avant la date prévue de l'entretien, pour demander au Major A... de l'accompagner. Ce dernier a dû décliner, n'étant pas disponible à la date de l'entretien. Il apparaît toutefois que l'intéressée a pu prendre connaissance de son dossier le 2 mars 2022, et que l'audition a été reportée à la date du 18 mars 2022. Une nouvelle convocation, en date du 14 mars 2022, lui a été adressée pour le 18 mars, mentionnant de nouveau qu'elle pouvait être accompagnée du militaire de son choix. La maréchale des logis-chef B... n'a sollicité l'assistance d'aucun autre militaire. La requérante, qui a ainsi bénéficié d'un temps suffisant pour préparer sa défense, n'est pas fondée à soutenir que la décision aurait été prise à l'issue d'une procédure viciée.

6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 4122-3 du code de la défense : " Le militaire est soumis aux obligations qu'exige l'état militaire conformément au deuxième alinéa de l'article L. 4111-1. Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ". Aux termes de l'article L. 4137-2 de ce code : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / a) L'avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; / e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre (...) ". Aux termes de l'article R. 4137-28 de ce code : " Les arrêts sont comptés en jours. Le nombre de jours d'arrêts susceptibles d'être infligés pour une même faute ou un même manquement ne peut être supérieur à quarante (...) Le militaire sanctionné de jours d'arrêts effectue son service dans les conditions normales mais il lui est interdit, en dehors du service, de quitter sa formation ou le lieu désigné par l'autorité militaire de premier niveau dont il relève. (...) ".

7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. Il apparaît en l'espèce que la maréchale des logis-chef B... a été sanctionnée pour avoir, tout au long de l'entretien du 24 janvier 2022, adopté une attitude de défiance et un comportement irrespectueux envers son commandant de compagnie. Ces faits ont fait l'objet de deux comptes rendus par les deux autres militaires présents à cet entretien. Ces comptes-rendus, dont la rédaction n'est ni identique ni stéréotypée, et dont rien ne permet de considérer qu'ils auraient été rédigés selon des directives du commandant et seraient entachés d'impartialité, décrivent avec précision les faits. Il en ressort que la maréchale des logis-chef B... a d'emblée " rétorqué " à son supérieur que l'entretien se déroulait " trop tard ", qu'elle lui a coupé la parole à plusieurs reprises, qu'elle a utilisé les termes " n'importe quoi.. oui c'est ça... bien sûr ", en soufflant pour marquer sa désapprobation, que le ton serait monté et que le commandant a été dans l'obligation de rappeler sa place à l'intéressée. Ces éléments sont cohérents avec ceux recensés par le commandant dans son rapport du 2 février 2022 et ont été repris aux termes de la demande de sanction du 10 février 2022. Enfin la sanction n'a pas été prise pour le motif que l'intéressée se serait tue durant l'entretien. Le moyen tiré d'erreurs de fait ne peut qu'être écarté.

9. En dernier lieu, Mme B..., qui ne se prévaut d'aucun élément nouveau, reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance tenant à ce que les faits reprochés ne seraient pas fautifs et au caractère disproportionné de la sanction dont elle fait l'objet. Il y a lieu, pour écarter ces moyens, d'adopter les motifs retenus par le tribunal.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.

La rapporteure,

I. Boffy

Le président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01463

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01463
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-01-01-05 Armées et défense. - Personnels militaires et civils de la défense. - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : CABINET MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;24ly01463 ?
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