Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 19 mars 2024 par laquelle la préfète de l'Allier l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par jugement n° 2400667 du 29 mars 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2024, M. B..., représenté par Me Demars, demande à la cour :
1°) d'annuler ou de réformer ce jugement du 29 mars 2024 ainsi que l'arrêté susvisé ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui restituer son passeport dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre fin sans délai à la mesure de surveillance le concernant ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité au regard de l'article R. 731-3 du code de justice administrative dès lors que la note en délibéré qu'il a produite contenait un élément de fait nouveau ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse aux moyens tirés du vice de procédure, de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation commis par la préfète de l'Allier ;
- la décision portant assignation à résidence est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreurs de droit ;
- la décision portant assignation à résidence en tant qu'elle l'assigne au 6 rue du manège à Moulins est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- la décision portant assignation à résidence en tant qu'elle lui enjoint de justifier des diligences accomplies dans le cadre de l'organisation matérielle du départ du territoire est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Allier qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté et une décision du 26 octobre 2022, dont la légalité a été confirmée par un jugement du 7 novembre 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, la préfète de l'Allier a prononcé à l'encontre de M. B..., ressortissant tunisien, une mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois et d'une assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par une décision du 19 mars 2024, la même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 731-3 du code de justice administrative : " A l'issue de l'audience, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré ". Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la date à laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si cette note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
3. En l'espèce, si le requérant a déposé le 27 mars 2024 une note en délibéré en se prévalant d'un courriel de l'autorité consulaire tunisienne reçu le même jour indiquant que les services de la préfecture de l'Allier n'avaient pas à cette date entrepris de démarche dans le cadre de l'organisation matérielle de son départ, une telle information, qui relève de l'exécution de la décision en litige, était sans incidence sur sa légalité laquelle s'apprécie à la date de son édiction. Par suite, le moyen soulevé tiré de l'irrégularité du jugement attaqué faute d'avoir communiqué cette note en délibéré contenant un élément de fait nouveau ne peut qu'être écarté.
4. D'autre part, si le requérant soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé dans ses réponses aux moyens tirés du vice de procédure, de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation commis par la préfète, le premier juge a répondu par des motifs suffisants à ces moyens aux points 5 et 10 de son jugement. Le bien-fondé des motifs ainsi retenus ne relève pas de la régularité du jugement. Il s'en suit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, le requérant soutient que la décision en litige portant assignation à résidence est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été auditionné le 19 mars 2024 par les services de police de Moulins. Il a pu présenter des observations concernant sa situation administrative, personnelle et familiale. Il lui a été rappelé qu'il avait déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et d'une mesure d'assignation à résidence le 26 octobre 2022. S'il n'a pas été précisément informé du fait qu'il pouvait faire l'objet d'une mesure d'assignation à résidence, il n'apporte, en tout état de cause, pas d'éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une décision d'assignation à résidence et qui auraient pu influer sur la décision ainsi édictée. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.
6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., la décision portant assignation à résidence est suffisamment motivée en droit par le visa du 1°) de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 26 octobre 2022 justifiant son édiction sur le fondement de ces dispositions. Elle est également suffisamment motivée en fait par la circonstance que l'intéressé présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction et que l'exécution de la mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable. Les modalités d'assignation à résidence sont également suffisamment motivées en fait et en droit par le visa de l'article R. 733-1 du même code. Contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions de l'article L. 733-2 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituant pas le fondement légal de décision en litige, elles n'avaient pas à être visées dans celle-ci. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant assignation à résidence doit être écarté.
7. En troisième lieu, dans un moyen qui n'est pas assorti de précisions suffisantes, le requérant soutient que la décision portant assignation à résidence est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'assignation à résidence a seulement pour objet d'assurer l'exécution forcée de la mesure d'éloignement. Toutefois, ainsi que l'a rappelé le premier juge, l'assignation à résidence est prise en vue d'assurer l'exécution d'une mesure d'éloignement pour laquelle l'exécution forcée n'est qu'une des modalités possibles. Par suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, si M. B... soutient que la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète de l'Allier n'a ni établi ni même allégué avoir saisi les autorités consulaires tunisiennes en vue de sa reprise en charge, une telle circonstance, tirée de l'exécution de la mesure d'éloignement et de la décision d'assignation à résidence édictées, n'a aucune incidence sur la légalité de la décision en cause dont la légalité s'apprécie à la date de son édiction. Une telle circonstance ne permet pas, contrairement à ce que soutient le requérant, de caractériser l'absence de perspective raisonnable d'éloignement. Il s'en suit que le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.
9. En cinquième lieu, il ressort du procès-verbal d'audition de M. B... que ce dernier a déclaré une adresse au 6 rue du Manège à Moulins, adresse qui a été retenue par la préfète de l'Allier pour édicter l'assignation à résidence en litige. Si l'intéressé soutient qu'il réside au 7 et non au 6 de cette rue et que la mention figurant dans le procès-verbal résulte d'une incompréhension de l'officier de police judiciaire car il réside à l'appartement n° 6 de cette même adresse, une telle erreur constitue une erreur matérielle insusceptible d'avoir eu une incidence sur la légalité de la décision édictée, dès lors notamment que l'intéressé a parfaitement compris l'adresse sur laquelle portait l'assignation à résidence. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait ou du défaut d'examen doivent être écartés.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 733-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il demeure dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. (...) ".
11. Ainsi que l'a relevé le premier juge, la fixation d'une plage horaire par l'autorité administrative dans le cadre d'une mesure d'assignation à résidence est une simple faculté. La circonstance qu'aucune plage horaire n'ait été définie en l'espèce n'entache donc pas d'illégalité la mesure d'assignation à résidence au regard des dispositions précitées. Il ressort de la décision édictée que l'intéressé est astreint à se présenter deux jours par semaine au commissariat de police de Moulins et qu'il peut circuler dans le département de l'Allier sans toutefois pouvoir en sortir sans autorisation. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et d'appréciation qui auraient été commises à ce titre par la préfète de l'Allier doivent être écartés.
12. En septième et dernier lieu, M. B... soutient que l'injonction contenue dans la décision en litige de justifier des diligences accomplies dans le cadre de l'organisation matérielle du départ est insuffisamment motivée et entachée d'erreur de droit dès lors que l'autorité préfectorale ne tient d'aucune disposition la faculté d'ordonner une telle injonction. Toutefois, la décision portant assignation à résidence se borne à préciser que " M. B... est informé qu'il sera procédé à l'organisation de son éloignement s'il ne manifeste aucune volonté de quitter le territoire français pendant la durée de son assignation à résidence ". Cette mention, qui n'est d'ailleurs pas contenue dans le dispositif de la décision en litige, ne révèle, ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge sans entacher son jugement d'une contradiction de motifs, l'existence d'aucune décision distincte portant injonction de justifier de diligences accomplies dans le cadre de l'organisation matérielle de son départ. Il a été rappelé que la décision d'assignation à résidence est motivée tant dans son principe que dans ses modalités de présentation. Par suite, les moyens ainsi soulevés ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 janvier 2025.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N° 24LY00891