La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/2025 | FRANCE | N°23LY03831

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 23 janvier 2025, 23LY03831


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de l'amende d'un montant de 190 254 euros infligée à la SARL AD Bâtiment sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts mise à sa charge en sa qualité de débiteur solidaire en application du 3 du V de l'article 1754 du même code.



Par un jugement n° 2004163 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure

devant la cour



Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Thouve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de l'amende d'un montant de 190 254 euros infligée à la SARL AD Bâtiment sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts mise à sa charge en sa qualité de débiteur solidaire en application du 3 du V de l'article 1754 du même code.

Par un jugement n° 2004163 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Thouvenot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de cette amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté comme inopérant son moyen tiré de l'absence d'exigibilité de l'amende en application du I de l'article 1756 du code général des impôts ; l'administration fiscale a placé de fait la SARL AD Bâtiment dans une situation de cessation des paiements permettant de se prévaloir de ces dispositions ;

- la proposition de rectification adressée à la SARL AD Bâtiment n'est pas motivée en ce qui concerne les distributions faisant l'objet de l'amende, ce qui entache l'amende d'une insuffisance de motivation ;

- le montant de l'amende est excessif.

Par un mémoire, enregistré le 7 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 31 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 1er octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pruvost, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL AD Bâtiment, entreprise de travaux du bâtiment, terrassement et VRD, qui avait son siège social à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), dont M. B... était le gérant et détenait la majorité des parts, a fait l'objet, en 2015, d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014. A l'issue de ce contrôle, après avoir constaté que la comptabilité ne présentait pas de caractère probant, l'administration lui a notifié un rehaussement de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos le 30 septembre 2012 suivant la procédure contradictoire et l'a taxée d'office à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 septembre 2013 et 2014. L'administration a demandé à la SARL AD Bâtiment de désigner les bénéficiaires des revenus distribués révélés par le contrôle dans le délai de trente jours, en application de l'article 117 du code général des impôts. En l'absence de réponse, le service lui a infligé, en application de l'article 1759 du code, une amende de 190 254 euros correspondant à 100 % des revenus considérés comme distribués au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 par lettre du 13 octobre 2015. Cette amende, qui n'a pas été acquittée par la société, a été mise à la charge de M. B..., en sa qualité de gérant de la société et débiteur solidaire conformément au 3 du V de l'article 1754 du même code par un avis de mise en recouvrement du 2 février 2016. M. B... relève appel du jugement du 13 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge tendant à la décharge de cette amende.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de se prononcer sur tous les arguments de M. B..., a répondu au point 9 de son jugement, de manière suffisamment circonstanciée, au moyen de première instance tiré de l'omission de prise en compte de charges correspondant au salaire de M. B... d'un montant de 98 000 euros environ pour la reconstitution de bénéfice de la SARL AD Bâtiment de l'exercice clos en 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé doit être écarté.

Sur l'amende :

4. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Aux termes de l'article 1759 de ce code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ". Aux termes de l'article 1754 du même code : " (...) V. - (...) 3. Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759. (...) ".

5. En premier lieu, aux termes de l'article 1756 du code général des impôts : " I. - En cas de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les frais de poursuite et les pénalités fiscales encourues en matière d'impôts directs et taxes assimilées, de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, droits de timbre et autres droits et taxes assimilés, de retenue à la source prévue à l'article 204 A, dus à la date du jugement d'ouverture, sont remis, à l'exception des majorations prévues aux b et c du 1 de l'article 1728 et aux articles 1729 et 1732 et des amendes mentionnées aux articles 1737 et 1740 A ainsi qu'aux 3° et 4° de l'article 1759-0 A. (...) ".

6. Il résulte des dispositions combinées des articles 117, 1754, 1756 et 1759 du code général des impôts que l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire n'est susceptible d'entraîner la remise de la pénalité pour distributions et, par suite, de faire obstacle à la mise en jeu, à ce titre, de la responsabilité solidaire du dirigeant gestionnaire de la société à la date de leur versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, que dans l'hypothèse où cette pénalité est due à la date d'ouverture de la procédure judiciaire, c'est-à-dire lorsque cette procédure est ouverte postérieurement à la notification à la société de l'avis de mise en recouvrement de cette pénalité.

7. Les dirigeants de droit ou de fait solidairement tenus au paiement de l'amende infligée à la société doivent pouvoir contester tant leur qualité de débiteur solidaire que le bien-fondé et l'exigibilité de l'amende et s'opposer aux poursuites.

8. S'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration a engagé des poursuites à l'encontre de M. B... pour avoir paiement de l'amende mise à sa charge par l'avis de mise en recouvrement du 2 février 2016, celui-ci, pouvait, en sa qualité de débiteur tenu solidairement au paiement de l'amende, contester l'exigibilité de l'amende mise à la charge de la société de sorte que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le moyen invoqué par l'intéressé tiré de ce que l'amende aurait été remise en application du I de l'article 1756 du code général des impôts, n'était pas inopérant. Toutefois, M. B... ne peut se prévaloir des dispositions du I de l'article 1756 du code général des impôts dès lors qu'il résulte de l'instruction que la SARL AD Bâtiment n'a pas fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires avant sa cessation et sa radiation du registre du commerce et des sociétés, intervenue le 19 août 2021.

9. En deuxième lieu, les dispositions visées au point 4 du présent arrêt instaurent une pénalité fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus. Cette pénalité est distincte de l'impôt sur les sociétés et ne peut être regardée comme une pénalité correspondant à cet impôt. Si la personne sanctionnée par cette pénalité peut contester son principe, son montant et la procédure propre à la pénalité, elle ne peut utilement se prévaloir de moyens relatifs à la procédure d'imposition ayant conduit à mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Il en va de même des dirigeants solidairement tenus au paiement de la pénalité.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... ne peut utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge de l'amende dont il est solidairement tenu au paiement, que la proposition de rectification du 31 août 2015 adressée à la SARL AD Bâtiment serait entachée de défaut de motivation en ce qui concerne les rappels d'impôt sur les sociétés.

11. En troisième lieu, l'amende, instituée par l'article 1759 du code général des impôts, est au nombre des sanctions qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, l'administration n'est tenue à cette obligation de motivation qu'à l'égard de la société qu'elle envisage de soumettre à l'amende, et non des personnes qui, après mise en recouvrement de cette dernière, sont solidairement responsables de son paiement.

12. M. B... ne peut donc utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge de l'amende dont il est solidairement tenu au paiement, que l'amende serait insuffisamment motivée à son égard.

13. En quatrième et dernier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article 1759 du code général des impôts que doit être pris en compte, pour l'assiette de l'amende fiscale prévue à cet article, le montant des sommes effectivement versées ou distribuées.

14. Il résulte de la proposition de rectification du 31 août 2015 que la vérificatrice, après avoir remis en cause des charges non justifiées inscrites au compte n° 62510000 " voyages et déplacements " d'un montant total de 2 556 euros, a substitué au déficit initialement déclaré de 1 913 euros par la SARL AD Bâtiment au titre de l'exercice clos en 2012 un bénéfice imposable de 474 euros. Elle a, par ailleurs, procédé à une reconstitution de ses chiffres d'affaires des exercices clos en 2013 et 2014 à partir des encaissements figurant sur les relevés de ses comptes bancaires à hauteur de, respectivement, 290 903 euros HT et de 307 853 euros HT et a retenu, en charges déductibles, les factures qui apparaissaient en débits bancaires, à concurrence de, respectivement, 190 668 euros et de 144 277 euros. Il en résulte que, contrairement à ce qu'affirme le requérant, la vérificatrice s'est fondée sur les données propres à la SARL AD Bâtiment. Si les charges retenues au titre de l'exercice clos en 2014 sont moindres que celles de l'exercice précédent alors que le chiffre d'affaires est supérieur, il est constant que la vérificatrice n'a pris en considération que les charges justifiées. Si M. B... soutient que la SARL AD Bâtiment a dû supporter des charges pour son salaire d'un montant total de 98 246 euros au titre de l'année 2013, il est constant que la société n'a présenté aucun contrat de travail à la vérificatrice, qu'aucune rémunération de gérance n'a été prévue dans les statuts de la SARL AD Bâtiment ni dans un procès-verbal d'assemblée générale et que la société n'a pas déclaré de cotisations sociales au titre des rémunérations de l'intéressé. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme justifiant le montant des revenus distribués par la SARL AD Bâtiment et partant, l'assiette de l'amende infligée à cette société sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, et mise à la charge de M. B... en sa qualité de débiteur solidaire.

15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 janvier 2025.

Le président-rapporteur,

D. Pruvost

Le Président-assesseur,

X. Haïli

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY03831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03831
Date de la décision : 23/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-02 Contributions et taxes. - Généralités. - Amendes, pénalités, majorations. - Pénalités pour distribution occulte de revenus.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Dominique PRUVOST
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : RIERA-TRYSTRAM-AZEMA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-23;23ly03831 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award