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30/01/2025 | FRANCE | N°23LY03019

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 30 janvier 2025, 23LY03019


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 7 août 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'Isère a autorisé son licenciement.



Par un jugement n° 2005850 du 21 juillet 2023, le tribunal a fait droit à sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 septembre 2023, 31 mai et 8 juillet 2024, ce dernier non communiqué, la s

ociété Eiffage construction Alpes Dauphiné, représentée par Me Nigon, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 7 août 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'Isère a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 2005850 du 21 juillet 2023, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 septembre 2023, 31 mai et 8 juillet 2024, ce dernier non communiqué, la société Eiffage construction Alpes Dauphiné, représentée par Me Nigon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... d'annulation de la décision du 7 août 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'État, outre les dépens, une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué ne comporte pas les signatures des magistrats l'ayant rendu en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que, du seul fait de l'écoulement du temps, au demeurant de seulement deux mois, entre les deux demandes d'autorisation, l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement en n'effectuant pas de nouvelles recherches de reclassement ; il n'y a eu aucun changement des circonstances de fait entre les deux décisions administratives ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal n'étaient pas fondés ; la décision de l'inspecteur du travail est motivée conformément à l'article R. 2421-12 du code du travail ; le principe du contradictoire a été respecté ; la recherche de reclassement a été sérieuse ; le comité social et économique a été régulièrement consulté ; le licenciement est sans lien avec le mandat ;

- M. A... n'a pas contesté la régularité de la procédure de constatation de son inaptitude.

Par un mémoire enregistré le 31 mai 2024, M. A..., représenté par Me Guebbabi, conclut au rejet de la requête et qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Eiffage construction Alpes Dauphiné au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la société Eiffage construction Alpes Dauphiné ne sont pas fondés ; les recherches de reclassement entreprises par l'employeur ont été insuffisantes ;

- la décision de l'inspecteur du travail du 7 août 2020 est insuffisamment motivée sur la recherche de reclassement et sur l'existence d'un lien avec le mandat ;

- l'inspection du travail a méconnu l'article R. 2421-4 du code du travail qui impose qu'une enquête contradictoire soit menée ;

- le comité social et économique (CSE) n'a pas été consulté régulièrement sur les possibilités de reclassement par application du 2ème alinéa de l'article L. 1226-2 du code du travail ; en effet, l'employeur n'a fait état d'aucune recherche de reclassement contemporaine à sa saisine en juillet 2020 et n'a donné qu'une information parcellaire et inexacte sur la première décision de refus d'autorisation de licenciement ;

- il existe une contradiction de motifs entre la décision du 7 août 2020 et celle du 22 juin 2020 ;

- la décision de le licencier est en lien avec l'exercice de son mandat.

Le ministre du travail et de l'emploi auquel la requête a été adressée n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 4 juin 2024, l'instruction a été close en dernier lieu au 9 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Nigon, pour la société Eiffage construction Alpes Dauphiné ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Eiffage construction Alpes Dauphiné, qui employait M. B... A..., membre titulaire du comité social et économique, en qualité de maçon-coffreur depuis le 13 septembre 2004, a demandé le 14 avril 2020 l'autorisation de le licencier pour inaptitude physique. Après un premier rejet de cette demande par décision du 22 juin 2020, et une nouvelle demande présentée le 16 juillet 2020, l'inspecteur du travail de l'Isère a autorisé le licenciement par une décision du 7 août 2020. La société Eiffage construction Alpes Dauphiné relève appel du jugement du 21 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte les signatures de la présidente de la formation de jugement et du rapporteur, ainsi que de la greffière d'audience. Ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué méconnaît ces dispositions ne peut qu'être écarté.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

4. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. ".

5. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. En revanche, dans l'exercice de ce contrôle, il n'appartient pas à l'administration de rechercher la cause de cette inaptitude.

6. Lorsque le motif de licenciement invoqué par l'employeur fait obligation à l'administration d'apprécier le sérieux des recherches préalables de reclassement effectuées par celui-ci, l'inspecteur du travail doit apprécier les possibilités de reclassement du salarié à compter du moment où le licenciement est envisagé et jusqu'à la date à laquelle il statue sur la demande de l'employeur. Il appartient à l'administration de s'assurer que l'employeur a, conformément aux dispositions du code du travail relatives au reclassement des salariés inaptes en vigueur à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'avis émis par le médecin du travail le 20 mai 2019 selon lequel M. A... était inapte aux manutentions manuelles de charges de plus de cinq kilos, aux gestes répétitifs avec le bras droit, à l'utilisation d'outils électroportatifs avec vibrations mais demeurait apte à des activités de type tertiaire et était en mesure de suivre une formation, son employeur a adressé le 11 juin 2019 un courrier à l'ensemble des sociétés du groupe Eiffage en France leur demandant si elles disposaient d'un poste adapté à la situation de M. A..., précisant les restrictions médicales, l'emploi qu'il avait jusqu'alors occupé, sa catégorie, sa durée de travail, son type de contrat, son ancienneté dans le groupe, sa date de naissance ainsi que son lieu d'habitation. Il n'est pas contesté qu'ainsi que l'indique la société requérante, toutes les structures sollicitées ont répondu qu'elles ne disposaient pas de poste disponible compatible avec l'état de santé de M. A.... Si cette première recherche de postes de reclassement a été faite avant que la société ne demande à M. A... ses souhaits en termes de reclassement, il n'en demeure pas moins qu'elle était circonstanciée. La société requérante lui a ensuite adressé au cours du mois d'août 2019 un questionnaire sur ses souhaits en termes de reclassement. Elle a de nouveau sollicité, par courriel du 8 novembre 2019, les différentes branches d'activité du groupe Eiffage, en précisant que l'intéressé recherchait un poste au sein des départements de l'Isère et de la Savoie. Rien ne permet de dire que cette demande n'aurait pas été adressée à l'ensemble des sociétés et établissements du groupe situés dans les départements concernés. Etaient joints à ce courrier les restrictions médicales dont M. A... faisait l'objet, son profil, son avis d'inaptitude, son curriculum vitae, ainsi que le questionnaire d'aide au reclassement rempli par ses soins. La société requérante a indiqué, sans être contestée sur ce point, que toutes les structures ont répondu qu'elles ne disposaient pas de poste disponible compatible.

8. Si la société n'a pas adressé de nouvelle demande auprès des différentes entités du groupe après que l'inspecteur du travail a, le 22 juin 2020, rejeté sa demande d'autorisation de licenciement, ce rejet n'avait ni pour objet, ni pour effet de contraindre l'employeur à reprendre intégralement la procédure de licenciement. La société a produit la liste des postes disponibles sur la période allant de mai 2019 à septembre 2020 ainsi les registres du personnel des salariés embauchés entre le 12 avril 2018 et le 15 septembre 2020 au sein des sociétés du groupe situées dans les périmètres des départements de la Savoie et de l'Isère faisant apparaître, d'après elle, qu'aucun poste disponible n'aurait pu être proposé à M. A..., qui, de son côté, n'allègue pas que l'un de ces postes aurait dû lui être proposé, au besoin par aménagement de son poste de travail. Il ne saurait être fait grief à la société, au seul motif qu'elle n'a pas de nouveau interrogé après le 22 juin 2020 les différentes sociétés du groupe sur les possibilités d'un reclassement, de ne pas avoir satisfait à son obligation de reclassement.

9. Dès lors qu'il n'apparaît pas qu'un poste était susceptible, moyennant aménagements, adaptations ou transformations de convenir au salarié, le fait que le médecin du travail n'ait jamais été invité à préciser son avis initial ou à statuer sur un ou des postes éventuellement disponibles n'est pas irrégulier. Si le salarié fait grief à la société de ne pas justifier qu'il aurait été envisagé des postes emportant modification du contrat de travail, toutefois la demande de reclassement adressée en novembre 2019 comportait en pièce jointe les vœux du salarié faisant apparaître qu'il était prêt à être reclassé en Isère et en Savoie, sans diminution de son temps de travail et sans baisse de rémunération. Enfin, si le médecin du travail a indiqué dans son avis " activités de type tertiaire, peut suivre une formation ", la société n'était pas tenue dans le cadre de son reclassement de lui proposer une formation excédant la simple adaptation à ce nouveau poste et le salarié ne se prévaut d'aucun poste qu'il aurait pu occuper moyennant une telle formation.

10. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement.

11. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré du caractère insuffisant de la recherche de reclassement pour annuler la décision du 7 août 2020 de l'inspecteur du travail de l'Isère.

12. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal et la cour.

Sur les autres moyens :

13. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ".

14. La décision de l'inspecteur du travail vise les textes applicables. Elle précise les fonctions occupées par M. A... au sein de l'entreprise ainsi que ses fonctions électives. Après avoir rappelé les termes de l'avis d'inaptitude du 20 mai 2019, elle expose les motifs pour lesquels, alors qu'il avait précédemment refusé d'accorder l'autorisation de licencier M. A..., il accorde cette autorisation, à savoir, d'une part, que la procédure interne à l'entreprise, qui était précédemment irrégulière, a été régularisée et d'autre part, que l'employeur a justifié avoir procédé à une recherche personnalisée de reclassement de l'intéressé. Elle indique enfin qu'il n'y a pas de lien entre le mandat du salarié et son licenciement. La décision, qui n'avait pas à donner plus de précisions sur les efforts de reclassement du salarié et l'absence de lien avec le mandat, est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

15. En deuxième lieu, en vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été convoqué le 30 juillet 2020 devant l'inspecteur du travail dans le cadre de l'enquête contradictoire. Les éléments fournis par la société à l'appui de sa demande de licenciement à l'inspecteur lui ont été communiqués, notamment les pièces justifiant les efforts de reclassement entrepris en novembre 2019 par la société. Les termes de la décision en litige ne révèlent pas que l'inspecteur du travail se serait fondé sur des éléments qui n'auraient pas été portés à sa connaissance dans ce cadre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'inspecteur du travail de l'article R. 2421-4 du code du travail qui impose qu'une enquête contradictoire soit menée doit être écarté.

16. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le comité social et économique (CSE) a été consulté sur le reclassement de M. A... le 6 février 2020. A été porté à sa connaissance l'ensemble des démarches entreprises par l'employeur pour tenter de reclasser M. A.... Il ne ressort pas des pièces du dossier que le CSE, dont l'avis était un avis simple, n'aurait pas été suffisamment éclairé pour se prononcer. La consultation du CSE du 7 juillet 2020 n'avait pas pour objet le reclassement de M. A..., conformément au 2ème alinéa de l'article L. 1226-2 du code du travail, mais le projet de licenciement lui-même, en application de l'article L. 2421-3 du code du travail. M. A... ne peut utilement se prévaloir des conditions dans lesquelles la consultation du CSE du 7 juillet 2020 s'est déroulée pour soutenir que l'employeur n'aurait pas consulté le CSE sur son reclassement dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article L. 1226-2 du code du travail. En tout état de cause, lors de cette dernière consultation, en l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait sur les possibilités de reclassement de M. A... au sein du groupe, conformément à ce qui a été indiqué au point 8, l'employeur, qui n'a pas donné une interprétation erronée de la décision de l'inspecteur du travail du 22 juin 2020 aux membres du CSE, n'avait pas à fournir de nouveaux éléments sur les possibilités de reclassement de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que la consultation du CSE, prévue par le 2ème alinéa de l'article L. 1226-2 du code du travail, aurait été irrégulière ne peut qu'être écarté.

17. En quatrième lieu, il n'existe aucune contradiction de motifs entre la décision du 22 juin 2020, par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement sollicitée en raison, d'une part, de l'irrégularité de la procédure de consultation du CSE sur le projet de licenciement à défaut de vote à bulletin secret, et, d'autre part, de l'absence de preuve par l'employeur d'une recherche sérieuse de reclassement au sein du groupe après que le salarié a fait part de ses souhaits concernant son reclassement, et celle du 7 août 2020 par laquelle le même inspecteur, après avoir constaté que l'employeur avait régularisé la procédure de consultation du CSE et qu'il avait produit des éléments attestant des recherches de reclassement effectuées après les vœux formulés par le salarié, a accordé l'autorisation sollicitée.

18. En dernier lieu, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.

19. Il ne ressort des pièces du dossier ni que la procédure de licenciement aurait été menée par l'employeur avec une insistance et un manque de sérieux révélant une volonté de se séparer de son salarié en raison de ses fonctions électives ni que la recherche de reclassement de M. A... aurait été bâclée, ce qui démontrerait un lien entre le licenciement et le mandat exercé par l'intéressé. La circonstance que le CSE a estimé que les recherches de reclassement n'avaient pas été suffisamment poussées n'est pas plus, à elle seule, de nature à démontrer l'existence d'un tel lien. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail, a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que la demande de licenciement était sans lien avec le mandat exercé par M. A....

20. Il résulte de ce qui précède que la société Eiffage construction Alpes Dauphiné est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du 7 août 2020 de l'inspecteur du travail de l'Isère.

Sur les frais liés au litige :

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement à la société Eiffage construction Alpes Dauphiné d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, ni, en tout état de cause, des dépens de l'instance.

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Eiffage construction Alpes Dauphiné qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Eiffage construction Alpes Dauphiné et les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage construction Alpes Dauphiné, à M. B... A... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et de la famille et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY03019

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03019
Date de la décision : 30/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : GUEBBABI LADJEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-30;23ly03019 ?
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