Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Le GAEC Acajou a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 25 novembre 2019 en ce qu'il a accordé au GAEC des Gardes l'autorisation d'exploiter des biens sur le territoire de la commune de Vèze et d'annuler la décision du 19 février 2020 par laquelle ledit préfet a rejeté son recours gracieux.
Par un jugement n° 2000722 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à cette demande et a enjoint à la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes de réexaminer les demandes d'autorisation d'exploiter présentées concurremment sur 23,92 hectares de parcelles situées sur le territoire de la commune de Vèze et appartenant à Mme B... et à l'indivision A....
Procédure devant la cour
I. Par une requête, enregistrée le 12 mai 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour d'annuler le jugement du 23 mars 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Le ministre soutient que :
- les modalités de calcul des rangs de priorité prévues à l'article 4 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont vocation à poursuivre les objectifs visés à l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime et tendant à ce que les exploitations agricoles atteignent une dimension économique viable ; ce calcul doit nécessairement prendre en compte l'ensemble des parcelles d'un demandeur après son projet d'agrandissement dès lors qu'un projet d'agrandissement de terres agricoles s'appréhende dans sa globalité ;
- le raisonnement tenu par le tribunal a également une incidence sur le calcul de la surface à prendre en compte pour déterminer l'inconnue " S " puisqu'il implique, pour ce calcul, d'additionner la surface déjà exploitée par les demandeurs à la seule surface des parcelles en concurrence alors que l'article 1er du schéma directeur indique que la dimension économique d'une exploitation " s'apprécie au regard des superficies exploitées, des activités principales envisagées et des productions choisies sur la base des équivalences de production " ;
- les modalités de calcul retenues par le tribunal conduisent à complexifier considérablement l'instruction des demandes d'autorisation d'exploiter.
La requête du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a été communiquée au GAEC Acajou qui n'a pas produit d'observations.
Une ordonnance du 15 mars 2024 a fixé la clôture de l'instruction au 11 avril 2024.
II. Par une requête, enregistrée le 23 mai 2023, le GAEC des Gardes, représenté par Me Maisonneuve, demande à la cour d'annuler le jugement du 23 mars 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et de mettre à la charge du GAEC Acajou une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande présentée doit être appréciée globalement ;
- le calcul des rangs de priorité comporte une appréciation globales déconnectée de la question des propriétés ;
- il n'y a pas lieu de scinder la demande en fonction des situations de concurrence ou non.
La requête du GAEC des Gardes a été communiquée au GAEC Acajou qui n'a pas produit d'observations.
Une ordonnance du 15 mars 2024 a fixé la clôture de l'instruction au 11 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 27 mars 2028 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles pour la région Auvergne-Rhône-Alpes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le GAEC Acajou a déposé le 9 septembre 2019 une demande d'autorisation d'exploiter une surface de 23,92 ha sur le territoire de la commune de Vèze, en concurrence notamment avec la demande déposée le 1er août 2019 par le GAEC des Gardes, qui portait sur ces mêmes parcelles mais également sur d'autres parcelles situées sur le territoire de la commune de Neussargues-en-Pinatelle, pour une superficie totale de 37,90 ha (hectares). Par un arrêté du 25 novembre 2019, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a accordé l'autorisation d'exploiter la totalité de ces parcelles au GAEC des Gardes. Ledit préfet a rejeté le recours gracieux du GAEC Acajou par courrier du 19 février 2020. Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et le GAEC des Gardes relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 25 novembre 2019 en ce qu'il a accordé au GAEC des Gardes l'autorisation d'exploiter des biens sur le territoire de la commune de Vèze et d'annuler la décision du 19 février 2020 par laquelle le préfet a rejeté son recours gracieux et a enjoint à la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes de réexaminer les demandes d'autorisation d'exploiter présentées concurremment sur 23,92 ha de parcelles situées sur le territoire de la commune de Vèze et appartenant à Mme B... et à l'indivision A....
Sur la jonction :
2. L'appel du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et celui du GAEC des Gardes étant formés contre un même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1o Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (...) ". Aux termes de l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative assure la publicité des demandes d'autorisation dont elle est saisie, selon des modalités définies par décret. / Elle vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. ". Aux termes de l'article L. 331-3-1 du code précité : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; (...) ".
4. Aux termes de l'article 4 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 27 mars 2018 applicable : " 1 - Le Schéma distingue trois catégories d'opération : (...) • Confortation : comprend les types d'opération définis à l'article 1 " réunion ", " agrandissement " (à l'exception de l'entrée d'un nouvel exploitant dans une société d'une part, de l'agrandissement dans le cadre d'un plan d'entreprise accompagnant une demande de Dotation Jeune C... d'un jeune agriculteur déjà pré-installé d'autre part) et " concentration ", (...) 2 - Les rangs de priorités par ordre décroissant de 1 à 7 sont liés à la nature de l'opération et visent à favoriser l'atteinte par les exploitations d'une dimension économique viable. Ils sont définis comme suit :
(...) L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires au regard du SDREA. / Les candidatures du rang de priorité le plus fort sont les seules à pouvoir obtenir un avis favorable. / Au sein d'un même rang de priorité, il peut être décidé de départager ou non les différentes candidatures en fonction des critères d'appréciation définis à l'article 5. ".
5. Il résulte des dispositions de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime précitées que le préfet, saisi de demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres, doit, pour statuer sur ces demandes, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles. Il peut être conduit à délivrer plusieurs autorisations lorsque plusieurs candidats à la reprise relèvent du même rang de priorité et qu'aucun autre candidat ne relève d'un rang supérieur. En outre, l'ordre des priorités, figurant dans un schéma directeur départemental des structures agricoles, n'est applicable que lorsque le bien, objet de la reprise, fait l'objet de plusieurs demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter.
6. En l'espèce, il n'est pas contesté que les demandes du GAEC des Gardes et du GAEC Acajou relevaient de la même catégorie d'opération à savoir celle dite de " confortation ". Il ressort de la décision édictée le 25 novembre 2019 que le préfet a retenu, pour établir l'ordre des priorités fixé à l'article 4 du schéma directeur départemental des structures agricoles applicable, que l'exploitation tant du GAEC Acajou que du GAEC des Gardes se situait à une distance de moins de dix kilomètres du bien le plus proche d'une des parcelles de leurs demandes, en prenant en compte pour le GAEC Acajou une parcelle située à Vèze et pour le GAEC des Gardes une parcelle située à Neussargues-en-Pinatelle et que seule la différence entre les surfaces pondérées par actif après agrandissement a conduit le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes à classer la demande du GAEC des Gardes à un rang de priorité 3 supérieur à celui du GAEC Acajou classée à un rang de priorité 5.
7. Pour considérer que le préfet a, à tort, pris en compte pour déterminer l'ordre de priorité des demandes une des parcelles situées à Neussargues-en-Pinatelle, objet de la demande du GAEC des Gardes, lesquelles n'étaient pas en concurrence, le tribunal a estimé que l'ordre des priorités fixé au SDREA ne s'applique qu'en cas de demandes concurrentes portant sur les mêmes terres soit en l'espèce les parcelles situées sur le territoire de la commune de Vèze d'une surface de 23,92 ha. Toutefois, il ressort des dispositions précitées, que toute demande d'autorisation d'exploiter, en particulier les agrandissements, doit être appréciée dans sa globalité afin notamment de s'assurer des objectifs du contrôle des structures, notamment celui pour les exploitations d'atteindre une dimension économique viable. L'article 4 du SDREA prévoit d'ailleurs à ce titre que la surface pondérée par actif doit s'apprécier après la réalisation du projet, lequel ne peut qu'être examiné dans son intégralité et non en fonction des parcelles en concurrence. Par suite, c'est à tort que le tribunal a considéré que le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes avait commis une erreur de droit dans l'application de ces dispositions.
8. Dès lors, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le GAEC Acajou devant le tribunal.
Sur l'autre moyen soulevé :
9. Les éléments de nature à justifier l'octroi ou le refus d'une autorisation d'exploiter doivent être appréciés à la date à laquelle la décision préfectorale intervient.
10. Si le GAEC Acajou soutenait devant le tribunal que le préfet avait entaché sa décision d'une erreur de fait en retenant pour l'instruction de sa demande une surface agricole utile de 270 ha au lieu de 210 ha dès lors qu'il ne disposait pas d'un titre pour mettre en valeur cette surface, il ressort des pièces du dossier que le GAEC Acajou a lui-même a déclaré ladite surface de 60 ha, perçu les primes agricoles afférentes et qu'il exploitait effectivement cette surface de 60 ha à la date de la décision en litige. Par suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et le GAEC des Gardes sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes du 25 novembre 2019 en ce qu'il a accordé au GAEC des Gardes l'autorisation d'exploiter des biens sur le territoire de la commune de Vèze ainsi que la décision de rejet du recours gracieux présentée par le GAEC Acajou et a enjoint à la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes de réexaminer les demandes d'autorisation d'exploiter présentées concurremment sur 23,92 ha de parcelles situées sur le territoire de la commune de Vèze et appartenant à Mme B... et à l'indivision A.... La demande présentée par le GAEC Acajou devant le tribunal doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GAEC Acajou une somme de 2 000 euros à verser au GAEC des Gardes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2000722 du 23 mars 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le GAEC Acajou devant le tribunal est rejetée.
Article 3 : Le GAEC Acajou versera une somme de 2 000 euros au GAEC des Gardes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, au GAEC des Gardes et au GAEC Acajou.
Copie en sera adressé au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 février 2025.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves TallecLa greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N°s 23LY01639, 23LY01760