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05/02/2025 | FRANCE | N°24LY01074

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 05 février 2025, 24LY01074


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 février 2024 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de son éloignement et a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.



Par jugement n° 2400926 du 13 mars 2024, le président du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande et a enjoint au préf

et de l'Isère de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 février 2024 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de son éloignement et a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.

Par jugement n° 2400926 du 13 mars 2024, le président du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de le munir dans l'attente d'une autorisation de séjour l'autorisant à travailler.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2024, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement du 13 mars 2024.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a retenu pour annuler l'arrêté en litige le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les moyens soulevés par l'intimé dans sa demande ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 11 juin 2024 et 15 janvier 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. C..., représenté par Me Mitaut, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- les décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français sont insuffisamment motivées ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. C... par une décision du 4 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère ;

- et les observations de Me Mitaut pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tunisien né en 2000, est entré en France selon ses déclarations en avril 2022. Il a été interpellé le 10 février 2024 pour conduite sans permis, sans assurance et en ayant fait usage de stupéfiants. Par un arrêté du même jour, le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de son éloignement et a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement par lequel le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. La demande d'aide juridictionnelle de M. C... ayant été déclarée caduque, les conclusions qu'il présente tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a entamé une relation de concubinage avec une ressortissante française, peu après son arrivée en France. Le couple vit au Péage de Roussillon depuis le mois de mars 2023 selon les déclarations de l'intéressé et a donné naissance à un enfant mort-né le 11 août 2023. M. C... fait valoir que sa compagne, qui est également mère d'une fille mineure née d'une précédente union, est à nouveau enceinte et qu'il a reconnu l'enfant à naître par anticipation le 11 janvier 2024. Toutefois, à la date de l'arrêté en litige, en raison du caractère récent de la vie commune du couple , d'une durée inférieure à une année, c'est à tort que le premier juge a considéré, au visa des stipulations précitées, qu'en obligeant M. C... à quitter le territoire français, le préfet de l'Isère a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris cette décision.

5. Dès lors, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le premier juge et la cour.

Sur les autres moyens soulevés :

6. Si M. C... soutient que l'arrêté en litige est entaché d'incompétence, il ressort des pièces versées au dossier qu'il a été signé par M. A... B..., directeur de cabinet de la préfecture de l'Isère, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de l'Isère, prise par un arrêté du 21 août 2023 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer, notamment, les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté comme manquant en fait.

7. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

8. Il ressort de ce qui a été énoncé au point 3 que la vie commune de M. C... avec sa compagne est récente. A la date de l'arrêté en litige, le couple n'avait pas d'enfant. Si l'intéressé se prévaut de la présence en France de la fille mineure de sa compagne, il ne justifie pas des relations particulières qu'il entretiendrait avec elle. Il ne justifie en outre d'aucune insertion socioprofessionnelle et le contrat de travail signé le 19 avril 2024 dont il se prévaut est postérieur à l'arrêté litigieux, à la date duquel s'apprécie sa légalité. Compte tenu de ces éléments, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. Pour les mêmes motifs que ceux cités aux points 3 et 7, et à supposer le moyen soulevé, M. C... ne peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen doit ainsi être écarté.

10. La décision refusant d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire est motivée en droit par le visa de l'article L. 612-2 et les 1°), 4°) et 8°) de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision contient également les motifs de fait justifiant son édiction notamment les circonstances pour l'intéressé d'être entré irrégulièrement en France et de ne pas avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, d'avoir explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à une obligation de quitter le territoire français et de ne pas être en mesure de justifier d'une adresse permanente sur le territoire français. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français est motivée par le visa de l'article L. 612-6 du code précité et fait état de sa durée de présence de l'intéressé sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de l'absence d'édiction d'une précédente mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit être écarté.

11. Les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir, par exception, de l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle portant interdiction de retour sur le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 10 février 2024 faisant obligation à M. C... de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination de son éloignement et édictant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. En outre, la demande présentée devant le tribunal par M. C... ainsi que ses conclusions présentées en appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2400926 du 13 mars 2024 du président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal par M. C... ainsi que ses conclusions présentées en appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 février 2025.

La rapporteure,

Vanessa Rémy-NérisLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

2

N° 24LY01074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01074
Date de la décision : 05/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : MITAUT ELISE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-05;24ly01074 ?
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