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13/02/2025 | FRANCE | N°23LY03834

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 13 février 2025, 23LY03834


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société Boisset La famille A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 23 août 2021 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Bourgogne Franche-Comté lui a infligé la pénalité prévue par l'article L. 2242-8 du code du travail ainsi que la décision du 12 octobre 2021 de rejet de son recours gracieux et de la décharger du paiement de la pénalité.



Par un jugement n° 2103

266 du 12 octobre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Boisset La famille A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 23 août 2021 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Bourgogne Franche-Comté lui a infligé la pénalité prévue par l'article L. 2242-8 du code du travail ainsi que la décision du 12 octobre 2021 de rejet de son recours gracieux et de la décharger du paiement de la pénalité.

Par un jugement n° 2103266 du 12 octobre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 décembre 2023 et 3 décembre 2024, ce dernier non communiqué, la société Boisset La famille A..., représentée par Me Barberousse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions des 23 août et 12 octobre 2021 ;

2°) de la décharger du paiement de la pénalité, liquidée à la somme de 46 410 euros par une décision du 18 octobre 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne pouvait faire l'objet d'une pénalité sur le fondement de l'article L. 2242-8 du code du travail dès lors qu'elle avait initié des négociations dans le cadre des négociations quadriennales prévues à l'article L. 2242-1 du code du travail, qui ne sont enserrées dans aucun délai, et n'avait été confrontée à aucun refus définitif des organisations syndicales ; elle n'était soumise qu'à une obligation de moyens ;

- le montant de la pénalité est disproportionné ;

- le directeur régional de l'économie, de l'emploi et du travail n'a pas respecté le délai de deux mois prévu par l'article R. 2242-8 du code du travail, qui est un délai prévu à peine de dessaisissement, entre l'échéance de la mise en demeure et la notification du taux de pénalité retenu.

Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2024, la ministre du travail et de l'emploi conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Boisset La famille A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 septembre 2024, l'instruction a été close au 6 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Caille, substituant Me Barberousse, pour la société Boisset La famille A... ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Boisset La famille A..., société spécialisée dans le commerce de gros de boissons et qui employait en 2020 deux-cent-quarante-deux équivalents temps plein, s'est vue infliger, par une décision du 23 août 2021 du directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Bourgogne Franche-Comté, après deux mises en demeure restées infructueuses, la pénalité prévue par l'article L. 2242-8 du code du travail, en l'absence d'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l'issue de la négociation mentionnée au 2° de l'article L. 2242-1 de ce code ou, à défaut d'accord, d'un plan d'action mentionné à l'article L. 2242-3 de ce code, au taux de 0,5 %. Son recours gracieux été rejeté le 12 octobre 2021. A la suite de la signature d'un tel accord le 18 octobre 2022, la pénalité a été liquidée à la somme de 46 610 euros. La société Boisset La famille A... relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 23 août et 12 octobre 2021 et de décharge du paiement de cette pénalité.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2242-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige : " Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, l'employeur engage au moins une fois tous les quatre ans : (...) / 2° Une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail ". Aux termes de l'article L. 2242-3 du même code : " En l'absence d'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l'issue de la négociation mentionnée au 2° de l'article L. 2242-1, l'employeur établit un plan d'action annuel destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l'année écoulée, ce plan d'action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l'année à venir, définit les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre et évalue leur coût. Ce plan d'action est déposé auprès de l'autorité administrative. (...) ".

3. D'autre part, l'article L. 2242-8 de ce code prévoit : " Les entreprises d'au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur en l'absence d'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l'issue de la négociation mentionnée au 2° de l'article L. 2242-1 ou, à défaut d'accord, par un plan d'action mentionné à l'article L. 2242-3. (...)/ (...) Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise ne respecte pas l'une des obligations mentionnées aux premier et deuxième alinéas du présent article. Le montant est fixé par l'autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État, en fonction des efforts constatés dans l'entreprise en matière d'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées aux mêmes premier et deuxième alinéas. / (...) ". L'article R. 2242-6 du code du travail précise : " Il est tenu compte, pour fixer le taux de la pénalité, des motifs de défaillance dont l'employeur a justifié, des mesures prises par l'entreprise en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de la bonne foi de l'employeur. / Au titre des motifs de défaillance, sont pris en compte pour diminuer le taux tous motifs indépendants de la volonté de l'employeur susceptibles de justifier le non-respect des obligations mentionnées aux deux premiers alinéas l'article L. 2242-8, et notamment : / 1° La survenance de difficultés économiques de l'entreprise ; / 2° Les restructurations ou fusions en cours ; / 3° L'existence d'une procédure collective en cours ; / 4° Le franchissement du seuil d'effectifs prévu aux articles L. 1142-8, L. 1142-9 et L. 2242-8 au cours des douze mois précédant celui de l'envoi de la mise en demeure mentionnée à l'article R. 2242-3 ".

4. Enfin, l'article R. 2242-3 du code du travail prévoit : " L'agent de contrôle de l'inspection du travail (...) met en demeure l'employeur de remédier à la situation dans un délai d'exécution fixé en fonction de la nature du manquement et de la situation relevée dans l'entreprise et qui ne peut être inférieur à un mois, lorsqu'il constate : / 1° Soit que l'entreprise n'est pas couverte par l'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes conclu à l'issue de la négociation mentionnée au 2° de l'article L. 2242-1 ou, à défaut, par le plan d'action prévu à l'article L. 2242-3 (...) ". L'article R. 2242-4 prévoit que l'employeur doit, dans ce délai d'exécution, communiquer l'accord conclu à l'issue de la négociation ou, à défaut, le plan d'action mis en place ou modifié. A l'issue de ce délai, selon l'article R. 2242-5, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, désormais remplacé par le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités conformément au décret du 9 décembre 2020 visé ci-dessus, décide s'il y a lieu d'appliquer la pénalité et en fixe le taux. L'article R. 2242-8 précise : " Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi adresse à l'employeur qui n'a pas rempli les obligations en matière d'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes définies aux deux premiers alinéas de l'article L. 2242-8, par tout moyen permettant de conférer date certaine à leur réception, une notification motivée du taux de la pénalité qui lui est appliqué, dans le délai de deux mois à compter de la date d'expiration de la mise en demeure prévue à l'article R. 2242-3 (...) ".

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'un premier courrier, notifié le 15 février 2021, a mis en demeure la société d'engager la procédure de négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et, à défaut de conclusions d'un accord, d'établir un plan dans un délai de deux mois à compter de la réception de cette mise en demeure. La société ayant demandé un délai supplémentaire et n'ayant toujours pas rempli ses obligations à l'issue de ce délai, l'administration lui a notifié le 24 juin 2021 une nouvelle mise en demeure, datée du 22 juin, de se conformer à ses obligations dans un délai d'un mois. Aucune disposition ne faisait obstacle à ce que l'administration lui adresse cette nouvelle mise en demeure. Par suite, la notification à la société requérante le 31 août 2021, du courrier du 23 août 2021 par lequel le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Bourgogne Franche-Comté a fixé le taux de la pénalité qui lui était appliquée, est intervenue dans le délai, prévu à l'article R. 2242-8 précité du code du travail, de deux mois à compter de la date d'expiration de la mise en demeure notifiée le 24 juin 2021. Le moyen tiré de ce que le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités n'aurait pas respecté le délai de deux mois prévu par l'article R. 2242-8 du code du travail doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il résulte de la lecture combinée des dispositions précitées du code du travail que l'employeur a non seulement l'obligation de lancer une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au minimum tous les quatre ans, mais également que son entreprise soit couverte par un tel accord conclu à l'issue de cette négociation ou, à défaut, par un plan d'action annuel ayant le même objet et établi par lui unilatéralement. Si le code du travail ne prévoit pas expressément de délai dans lequel sont enserrées ces négociations, il appartient à l'employeur de s'assurer que son entreprise soit couverte par un accord ou, à défaut un plan annuel. Par suite, et alors que le dernier plan d'action déposé par la société l'avait été en février 2018 et qu'elle a été mise en demeure à deux reprises, en février puis en juin 2021 de se conformer à ses obligations en lançant des négociations permettant d'aboutir dans un délai de deux mois, puis dans un délai d'un mois, à la signature d'un accord ou, à défaut, à l'édiction d'un plan d'action, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une pénalité sur le fondement de l'article L. 2242-8 du code du travail dès lors qu'elle avait initié des négociations dans le cadre des négociations quadriennales prévues à l'article L. 2242-1 du code du travail et qu'elle n'avait été confrontée à aucun refus définitif des organisations syndicales.

7. En troisième lieu, il résulte des termes de la décision du 23 août 2023 que la pénalité a été fixée à 0,5 % des rémunérations et gains versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise n'a pas respecté ses obligations. Si la société fait valoir qu'elle était de bonne foi, ainsi qu'en témoigne le lancement des négociations et que ce retard est imputable au choix des partenaires sociaux de faire primer les négociations sur l'intéressement, il n'en demeure pas moins, ainsi que l'a noté l'administration, que la société n'était pas couverte par un tel accord ou plan d'action depuis février 2019 et a été mise en demeure à deux reprises avant que l'administration ne la sanctionne. Par ailleurs, et alors que nul n'est censé ignorer la loi, les services de l'État lui ont rappelé à plusieurs reprises ses obligations. Elle ne pouvait en ignorer le caractère urgent. Dans ces conditions, alors même que les négociations engagées ont finalement abouti à un accord et que l'index d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes était dans l'entreprise supérieur à soixante-quinze points, en fixant le taux de la pénalité à 0,5 %, soit à la moitié du taux maximal prévu par la loi, l'administration n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application des articles L. 2242-8 et R. 2242-6 précités du code du travail. Le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Boisset La famille A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Boisset La famille A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Boisset La famille A... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Copie en sera adressée au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Bourgogne Franche-Comté.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY03834

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03834
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Répression - Domaine de la répression administrative - Régime de la sanction administrative.

66 Travail et emploi.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : BARBEROUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23ly03834 ?
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