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13/02/2025 | FRANCE | N°24LY00154

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 13 février 2025, 24LY00154


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 28 août 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par jugement n° 2302226 du 19 octobre 2023, la présidente du tribunal administr

atif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 28 août 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par jugement n° 2302226 du 19 octobre 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Gauché (AARP Ad'vocare), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 28 août 2023 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt et d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, le premier juge n'ayant pas statué sur sa demande de production de pièces ;

- le jugement attaqué est irrégulier, à défaut d'être suffisamment motivé quant aux moyens tirés du défaut de saisine préalable de l'OFII et du défaut d'examen préalable ;

- l'obligation de quitter le territoire français litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédée d'une consultation de l'OFII, en méconnaissance des articles L. 611-3 9° et R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette mesure d'éloignement n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation personnelle, ni de l'examen de sa demande de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à son état de santé ;

- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet s'est à tort estimé tenu par la décision de la Cour nationale du droit d'asile pour fixer ce pays de destination ;

- cette décision méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu des risques qu'elle encourt dans son pays d'origine ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... relève appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 28 août 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le premier juge n'était pas tenu de faire état, dans les motifs de sa décision, de ceux justifiant qu'il n'a pas fait usage de ses pouvoirs d'instruction, notamment en s'abstenant de solliciter la production de pièces auprès d'une partie. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il a omis de statuer sur la demande de Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de produire son entier dossier doit être écarté.

3. En second lieu, en relevant que la précédente demande de titre de séjour de Mme B... avait été classée, qu'elle n'en avait pas présenté de nouvelle, ni transmis au préfet des documents relatifs à son état de santé et que les documents qu'elle produit ne permettent pas d'établir la gravité des conséquences d'une absence de soins et l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine, le premier juge a indiqué avec une précision suffisante les motifs l'amenant à écarter les moyens tirés de l'irrégularité de procédure résultant du défaut de consultation préalable des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et du défaut d'examen préalable de la situation de l'intéressée. Son jugement est suffisamment motivé à cet égard.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'il dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet doit, lorsqu'il envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège des médecins de l'OFII.

5. Si, le 4 mai 2022, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès des services de la préfecture du Puy-de-Dôme, sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne conteste pas, en invoquant sa volonté de ne pas lever le secret médical, n'avoir porté aucune information médicale à la connaissance du préfet, avant l'adoption de la décision litigieuse. Par suite, à défaut d'avoir disposé d'éléments suffisamment précis pour lui permettre de considérer que l'état de santé de Mme B... était susceptible de faire obstacle à son éloignement, le préfet a pu, sans méconnaître les dispositions citées ci-dessus, s'abstenir de consulter préalablement les médecins de l'OFII.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ".

7. Mme B... ne conteste pas que, ne bénéficiant plus du droit de se maintenir sur le territoire français depuis le rejet de sa demande d'asile, elle relevait du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle pouvait dès lors faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, nonobstant la demande de titre de séjour qu'elle avait précédemment déposée, au demeurant implicitement rejetée depuis.

8. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., la décision litigieuse fait état de la demande de titre de séjour qu'elle a présentée le 4 mai 2022. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir, par cette seule affirmation inexacte, que le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas préalablement procédé à un examen de sa situation personnelle.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

10. S'il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une sclérose en plaques active, compliquée d'un syndrome dépressif, les certificats qu'elle produit, en évoquant seulement " un pronostic désastreux " au Kosovo sans autres précisions, le lien opéré par l'intéressée entre ses symptômes anxieux et des difficultés rencontrées dans son pays d'origine ou l'incertitude quant à la disponibilité dans ce pays d'un futur traitement, ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait poursuivre le suivi et recevoir un traitement appropriés à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur le pays de destination :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour contester la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

12. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la décision litigieuse que le préfet du Puy-de-Dôme, qui a notamment examiné si sa décision ne contrevenait pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, se serait estimé lié par la décision rejetant la demande d'asile de l'intéressée pour fixer le pays de destination de la mesure d'éloignement.

13. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

14. En se bornant à soutenir qu'elle a été contrainte de fuir son pays d'origine en raison d'un conflit familial, sans apporter aucun commencement de preuve à l'appui de ses affirmations, Mme B..., dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée par les autorités compétentes, n'établit pas la réalité des risques qu'elle expose encourir en cas de retour au Kosovo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 13 ne peut être retenu.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour contester l'interdiction de retour sur le territoire français litigieuse.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

17. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

18. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY00154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00154
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;24ly00154 ?
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