Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 28 août 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par jugement n° 2302227 du 19 octobre 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Gauché (AARPI Ad'vocare), demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 28 août 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt et d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, le premier juge n'ayant pas statué sur sa demande de production de pièces ;
- le jugement attaqué est irrégulier, à défaut d'être suffisamment motivé quant au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédée d'un interrogatoire en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet s'est à tort estimé tenu par la décision de la Cour nationale du droit d'asile pour fixer ce pays de destination ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 28 août 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le premier juge n'était pas tenu de faire état, dans les motifs de sa décision, de ceux justifiant qu'il n'a pas fait usage de ses pouvoirs d'instruction, notamment en s'abstenant de solliciter la production de pièces auprès d'une partie. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il a omis de statuer sur la demande de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de produire son entier dossier doit être écarté.
3. En second lieu, en relevant la date de l'entrée de M. B... en France et la situation de son épouse et en estimant que le centre de ses intérêts privés et familiaux demeurait hors du territoire français, le premier juge a indiqué avec une précision suffisante les motifs l'amenant à écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de son jugement doit être écarté, sans que ne puissent être utilement invoquées à son appui les prétendues erreurs dont cet examen serait entaché.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exige que l'adoption d'une telle mesure d'éloignement soit précédée d'un entretien avec l'intéressé. M. B... n'apportant aucune autre précision, ni n'invoquant aucune disposition à son appui, le moyen tiré de l'irrégularité de procédure tenant au défaut d'un tel entretien préalable doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
6. M. B..., ressortissant du Kosovo né en 1984, est entré au mois de mars 2022 sur le territoire français, où sa demande d'asile a été rejetée. A la date de la décision litigieuse, il résidait ainsi depuis moins de deux ans en France, où il ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale, son épouse, de même nationalité que lui et dont le recours formé contre la mesure d'éloignement également prononcée à son encontre a été rejeté par un arrêt de ce jour, s'y trouvant également en situation irrégulière. Il ne démontre pas, par les certificats médicaux qu'il produit que l'état de santé de cette dernière nécessiterait qu'elle demeure sur le territoire français. Enfin, il ne prétend pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Il en est de même, pour ces mêmes motifs, de celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont cette décision serait entachée.
Sur le pays de destination :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour contester la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
8. En second lieu, il ne ressort pas de la décision litigieuse que le préfet du Puy-de-Dôme, qui a notamment examiné si sa décision ne contrevenait pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, se serait estimé lié par la décision rejetant la demande d'asile de l'intéressé pour fixer le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour contester l'interdiction de retour sur le territoire français litigieuse.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
11. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00157