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03/04/2025 | FRANCE | N°24LY00392

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 03 avril 2025, 24LY00392


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 21 octobre 2022 par laquelle le maire de la commune de La-Séauve-sur-Semène a exercé le droit de préemption urbain sur un bien situé 85 avenue de la Semène au lieu-dit Le Bourg, cadastré A n° 774.



Par un jugement n° 2202450 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à sa demande.



Procédure devant la cour

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Par une requête enregistrée le 13 février 2024, la commune de La-Séauve-sur-Semène, représentée par Me Thiry, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 21 octobre 2022 par laquelle le maire de la commune de La-Séauve-sur-Semène a exercé le droit de préemption urbain sur un bien situé 85 avenue de la Semène au lieu-dit Le Bourg, cadastré A n° 774.

Par un jugement n° 2202450 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 février 2024, la commune de La-Séauve-sur-Semène, représentée par Me Thiry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'absence supposée d'antériorité de son projet ne suffisait pas à entraîner l'annulation de la décision du 21 octobre 2022 ;

- elle reposait sur un projet répondant aux objectifs visés par l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

- le règlement du plan local d'urbanisme n'interdit pas l'implantation d'une station-service en zone UA ;

- la mise en œuvre du droit de préemption n'est pas subordonnée à l'utilité publique du projet ;

- la circonstance que le projet de M. B... permettrait de concourir aux objectifs communaux est sans incidence sur la légalité de sa décision de préempter le bien ;

- le comportement de ce dernier est constitutif de manœuvres frauduleuses visant à faire échec à l'exercice de son droit de préemption.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Thiry, pour la commune de La-Séauve-sur-Semène.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 21 octobre 2022, le maire de la commune de La-Séauve-sur-Semène a exercé le droit de préemption urbain sur un local commercial, un local à usage d'habitation et une ancienne station-service, dont l'activité avait cessé en décembre 2021, d'une surface totale de 1 000 m², dont M. B... s'était porté acquéreur le 18 juillet 2022. La commune de La Séauve-sur-Semène relève appel du jugement du 21 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé, à la demande de M. B..., la décision du 21 octobre 2022.

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. / (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / (...). ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

4. Il ressort des termes de la décision en litige que la commune a entendu exercer le droit de préemption urbain sur le bien en cause afin " de maintenir une activité commerciale et singulièrement de distribution de carburants adossé à un agrandissement des locaux des services techniques municipaux ", permettant selon elle de satisfaire les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables communal et du schéma de cohérence territoriale Jeune A... et de " constituer une réserve foncière permettant d'encourager la dynamique commercial et d'assurer le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques de proximité au sein du bourg ".

5. Si les projets d'aménagement et de développement durables du schéma de cohérence territoriale Jeune A... et du plan local d'urbanisme applicable à la commune de La-Séauve-sur-Semène entendent favoriser le développement de l'économie présentielle et promouvoir l'économie locale, ces documents ne contiennent aucun développement se rapportant, même indirectement, au projet allégué par la commune de maintien d'une activité de carburant, laquelle avait d'ailleurs déjà cessé d'être exploitée, et d'hébergement des locaux des services techniques municipaux, à la date de la décision litigieuse, a fortiori sur le tènement considéré. Par ailleurs, l'étude d'attractivité des centres-bourgs de la communauté de communes A... Semène réalisée en 2022, si elle constate la fermeture de la station essence en cause dans sa partie consacrée à l'état des lieux de la commune de La-Séauve-sur-Semène, prévoit cependant, dans sa partie consacrée aux axes d'actions, au point 5.1, s'agissant du tènement immobilier litigieux, sa valorisation par une opération participant à la réduction des contraintes inhérentes au centre-bourg, notamment par l'implantation d'activités " non nuisantes en RDC " et la mobilisation d'espaces non bâtis pour du stationnement résidentiel destinés aux logements existants. Cet axe attire également l'attention sur la nécessité d'anticiper dans le projet futur le risque de " contraintes de dépollution liées aux activités précédentes (garage, station-service) ", ce qui ne va pas dans le sens du projet allégué par la commune de réinstallation d'une activité de station-service. S'agissant de la délibération du 5 novembre 2020 du conseil municipal, elle vise seulement à permettre au maire de la commune de solliciter une subvention auprès de la région Auvergne-Rhône-Alpes afin de réhabiliter l'entrée Est du bourg, à proximité de la mairie et ne mentionne aucun projet de reprise de la station-service et/ou d'accueil des services techniques municipaux, et alors, en tout état de cause, que le tènement litigieux ne se situe pas dans ce secteur. L'avant-projet définitif réalisé par un bureau d'étude le 18 novembre 2021, en vue de la revitalisation du centre-bourg et d'aménagements sécurisés, porte sur le même secteur que celui visé par la délibération du 5 novembre 2020. Par ailleurs, s'il y est indiqué, dans les travaux destinés à être compris dans une tranche ferme, que la commune de La-Séauve-sur-Semène " envisage de démolir les bâtiments des services techniques ", pour permettre de désaxer la route départementale et d'élargir ainsi le trottoir devant un restaurant et d'assurer de la sorte une meilleure sécurité à la clientèle et aux usagers, il n'est fait aucune référence à leur reconstruction, tandis que la décision de préemption litigieuse n'invoque pas une reconstruction après une démolition mais la nécessité " d'accroître des surfaces supplémentaires pour les services techniques communaux au vu des locaux actuels trop exigus ". Enfin, un tel projet d'activité de station-service adossé à la construction de locaux pour les services techniques de la commune ne ressort pas davantage des échanges de courriels entre la commune et les services de la région, qui se bornent à évoquer " un projet d'achat + rénovation d'un ancien local commercial ". Ainsi, la commune ne justifiait pas, à la date de la décision litigieuse, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, sans que la circonstance que M. B... aurait menti sur la réalité du projet ayant motivé sa décision d'acquérir le bien préempté n'ait d'incidence.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de La-Séauve-sur-Semène n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 21 octobre 2022.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La-Séauve-sur-Semène la somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée au même titre par la commune de La-Séauve-sur-Semène soit mise à la charge de M. B... qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de La-Séauve-sur-Semène est rejetée.

Article 2 : La commune de La-Séauve-sur-Semène versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Séauve-sur-Semène et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 10 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

M. Moya, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.

La rapporteure,

C. VinetLa présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à la ministre chargée du logement en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 24LY00392 2

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00392
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SELARL BLT DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;24ly00392 ?
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