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03/04/2025 | FRANCE | N°24LY01212

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 03 avril 2025, 24LY01212


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Mme E... G... D... et M. F... A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 11 juillet 2023 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2308611, 2308612 du 6 février 2024, le tribunal a rejeté leurs demandes.





Procédure devant la

cour



Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 avril 2024, 3 janvier 2025 et 14 mars 2025, Mme G... D... et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... G... D... et M. F... A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 11 juillet 2023 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2308611, 2308612 du 6 février 2024, le tribunal a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 avril 2024, 3 janvier 2025 et 14 mars 2025, Mme G... D... et M. A... C..., représentés par Me Couderc, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de leur délivrer des titres de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; à titre subsidiaire, dans le mois qui suit l'arrêt à intervenir, de leur délivrer des autorisations provisoires de séjour et de réexaminer leur situation ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- en ce qui concerne les refus de titre de séjour : le préfet s'est abstenu de procéder à l'examen particulier de leur situation quant à l'atteinte à l'intérêt supérieur de leurs enfants, dont font partie, au-delà de leur état de santé, leur possibilité d'accéder à une scolarisation adaptée et de bénéficier de conditions d'existence leur permettant un développement personnel, l'acquisition de la communication et de l'autonomie ; les décisions ne visent pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elles sont entachées d'un vice de procédure, faute pour le préfet de justifier de la réalité des avis du collège de médecins de l'Office de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; elles sont entachées d'une erreur de fait, dès lors qu'ils doivent être regardés comme ayant leur résidence principale en France au sens de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'état de santé de leurs deux enfants A... et G... nécessite une prise en charge dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui n'est pas disponible à Djibouti ; les décisions méconnaissent par suite l'article L. 425-9 de ce code et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que leur fille âgée de cinq ans bénéficie de la qualité de réfugiée, décision qui a un caractère déclaratif et recognitif ;

- en ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français : elles sont illégales du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour ; étant parents d'une enfant mineure qui a obtenu le statut de réfugiée, un titre de séjour sur le fondement de l'article L.424 -3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit leur être délivré de plein droit, circonstance qui fait obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement puisse être prise à leur encontre ; les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- en ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire à trente jours : elles sont illégales du fait de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les enfants sont en pleine année scolaire ;

- en ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi : elles sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur fille B... s'étant vu reconnaitre la qualité de réfugiée ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.

Mme G... D... et M. A... C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- et les observations de Me Le Roy, pour Mme G... D... et M. A... C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... D..., née le 11 septembre 1985 à Djibouti, et M. A... C..., né le 8 janvier 1984 à Djibouti, de nationalités djiboutiennes, sont entrés en France le 15 avril 2022 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Ils ont sollicité, pour Madame le 12 décembre 2022, et pour Monsieur le 6 juin 2023, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en évoquant l'état de santé de leurs deux enfants, G... F... A... et F... A..., nés le 10 octobre 2016. Mme G... D... et M. A... C... relèvent appel du jugement du 6 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions du 11 juillet 2023, par lesquelles la préfète du Rhône leur a refusé un titre de séjour, les obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés.

Sur les refus de séjour :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

3. Postérieurement à l'introduction de la requête devant la cour, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a, par une décision du 27 décembre 2024, reconnu le statut de réfugié à l'un des enfants des requérants, la jeune B... A..., âgée de cinq ans. Cette décision revêtant un caractère recognitif, elle a eu pour effet de rétroagir à la date de la décision litigieuse. Dès lors qu'Imane a vocation à demeurer sur le territoire français, la reconstitution de la cellule familiale n'est pas envisageable dans le pays d'origine de la famille, ni dans tout autre pays, l'enfant n'étant pas, à la différence de ses frères, de nationalité américaine. Dans ces conditions, les refus de séjour contestés portent atteinte à l'intérêt supérieur de la jeune B.... Il y a donc lieu d'annuler ces refus ainsi que, par voie de conséquence, les décisions subséquentes.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme G... D... et M. A... C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique que la préfète du Rhône délivre aux intéressés un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale. Il y a donc lieu de lui enjoindre de leur délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme G... D... et M. A... C... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Couderc renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au profit du conseil des requérants au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 février 2024 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du préfet du Rhône du 11 juillet 2023 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer à Mme G... D... et à M. A... C... un titre de séjour dans les conditions prévues plus haut.

Article 4 : L'État versera au conseil des requérants la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... G... D..., M. J... C... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

La rapporteure,

I. Boffy

Le président,

V-M. Picard

La greffière,

M. H...

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 24LY01212

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01212
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;24ly01212 ?
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