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03/04/2025 | FRANCE | N°24LY01448

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 03 avril 2025, 24LY01448


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 23 août 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2202325 du 7 mars 2024, le tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête e

nregistrée le 17 mai 2024, M. B..., représenté par Me Gauché, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 23 août 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202325 du 7 mars 2024, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mai 2024, M. B..., représenté par Me Gauché, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, et dans l'attente et sans délai, de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation ;

- le préfet ne pouvait sans erreur de droit lui opposer l'absence d'expérience professionnelle pour lui refuser un titre de séjour ;

- il a entaché sa décision d'erreurs de fait quant à sa date d'entrée en France et quant à la date à laquelle il a présenté une demande de titre de séjour ; les premiers juges, en méconnaissance de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, n'ont pas tiré les conséquences de l'acquiescement aux faits par le préfet en l'absence de production d'un mémoire dans le délai imparti après mise en demeure ;

- la décision méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article L. 435-1 du même code ; une erreur de fait a été commise par le préfet quant à son insertion professionnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire enregistré le 14 mars 2025, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Boffy, Première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant gabonais né le 12 avril 1999, est entré régulièrement en France, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Le 4 août 2021, il a sollicité du préfet du Puy-de-Dôme la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des décisions du 23 août 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 7 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis des erreurs de fait, de droit et d'appréciation, qui tendent en réalité à remettre en cause l'appréciation des premiers juges et ne peuvent être utilement soulevé à l'appui d'une contestation de l'irrégularité du jugement, doivent être écartés comme inopérants.

Sur le refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. " Si, en l'absence de production malgré une mise en demeure restée sans effet, il appartient au juge, en application des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, de constater l'acquiescement aux faits de la partie défenderesse, pour autant, cette constatation ne dispense pas le juge de vérifier l'exactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant et ne prive pas le juge de l'appréciation qu'il doit porter sur les moyens exposés par le requérant.

4. Le requérant soutient que le préfet doit être regardé comme ayant acquiescé aux faits, dès lors qu'en dépit d'une mise en demeure du 11 janvier 2023, il n'a produit aucun mémoire en première instance. Toutefois, à supposer que le préfet puisse être regardé comme ayant acquiescé aux faits en première instance, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu'il apporte en appel des précisions sur les dates auxquelles l'intéressé a pu entrer en France et présenter une demande de titre de séjour. Ainsi, comme il résulte du mémoire en appel du préfet ainsi que de la copie du passeport de l'intéressé, ce dernier est entré pour la dernière fois en France le 10 septembre 2018. Par ailleurs, le préfet précise que si sa demande de titre de séjour a été reçue le 8 septembre 2020, elle était incomplète, et n'a été enregistrée, à la suite de la transmission des pièces complémentaires, que le 4 août 2021. Le moyen tiré d'erreurs de fait doit donc être écarté.

5. Aux termes de l'article 12 de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 2 décembre 1992 : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (..). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".

6. M. B..., célibataire et sans enfant, entré majeur sur le territoire français, a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine. S'il produit un jugement du 5 juin 2019 du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand prononçant son adoption par sa tante, ressortissante française, alors qu'il était âgé de 20 ans, il ne justifie pas de l'intensité de ses liens avec cette dernière. La seule production de bulletins de salaires des mois de juillet et d'août 2020, en qualité d'apprenti, et de deux promesses d'embauche, l'une pour une prise de poste au 1er janvier 2021 par la société restauration Baumont où il avait effectué un début d'apprentissage, et l'autre, en date du 7 octobre 2022 par la société N Promobile, postérieure à la décision, ne permettent pas d'établir l'existence de liens stables durables et anciens sur le territoire français. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour le préfet du Puy de Dôme n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. D'une part, si M. B... soutient que son absence d'expérience professionnelle lui aurait été opposée à tort, toutefois, le préfet du Puy-de-Dôme, qui rappelle aux termes de sa décision les éléments de la vie privée et familiale de l'intéressé, ainsi que son engagement en qualité d'apprenti en juillet et août 2020 et la promesse d'embauche dans le cadre d'un contrat d'apprentissage dont il justifiait, ne s'est pas fondé sur ce seul motif et a procédé à l'examen particulier de sa situation. Le moyen tiré d'une erreur de droit doit par suite être écarté.

9. D'autre part, les éléments relatifs à la vie privée et familiale de M. B..., tels qu'exposés au point 6, ne relèvent pas de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées.

10. Enfin, si M. B... a été embauché durant deux mois en qualité d'apprenti au sein de la société Restauration Baumont en juillet-août 2020, il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de travail dans le cadre de la préparation d'un CAP vente option alimentaire a été rejetée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) le 5 août 2020, dès lors que l'intéressé était majeur et qu'il ne justifiait d'aucun récépissé de demande de titre de séjour. La production d'une promesse d'embauche par la même société, et l'obtention, le 3 novembre 2021, d'un certificat de formation en qualité de vendeur, mention passable, ne suffisent pas à considérer que l'intéressé justifiait de circonstances exceptionnelles justifiant son admission au séjour au titre du travail.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. Le moyen doit donc être écarté.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. Il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen doit donc être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy de Dôme.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

La rapporteure,

I. Boffy

Le président,

V-M. Picard

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N°24LY01448

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01448
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;24ly01448 ?
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