Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite par laquelle le département de l'Isère a rejeté sa demande tendant au versement de la prime annuelle du " conseil général " au titre des années 2018 à 2021 et d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Isère de lui verser la somme de 5 992 euros nets au titre des primes annuelles du " conseil général " couvrant les années 2018 à 2021.
Par un jugement n° 2204154 du 6 février 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Messerly, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 février 2024 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le département de l'Isère a rejeté sa demande indemnitaire ;
3°) de condamner le département de l'Isère à lui verser la somme de 5 992 euros au titre des primes annuelles du " conseil général " pour les années 2018 à 2021 ;
4°) de mettre à la charge du département de l'Isère une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le département de l'Isère n'a pas contesté le fondement de la prime sollicitée ;
- le versement de la prime annuelle du " conseil général " n'est pas incompatible avec le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) et le refus de la lui verser méconnaît, en dernier lieu, la délibération du conseil général du 6 février 2004 ;
- les assistants familiaux étant les seuls agents du département à ne pas bénéficier de la prime annuelle, le traitement des assistants familiaux par rapport aux autres agents méconnaît le principe d'égalité ;
- elle a droit au paiement d'une prime d'un montant de 5 992 euros nets au titre des années 2018 à 2021.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2024, le département de l'Isère, représenté par Me Dalle-Crode, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable, en l'absence de liaison du contentieux ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Rémy-Néris, rapporteure publique,
- les observations de Me Messerly, représentant Mme A..., et celles de Me Dalle Crode, représentant le département de l'Isère.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée en août 2015 par le département de l'Isère, en qualité d'agent non titulaire de cette collectivité pour exercer les fonctions d'assistante familiale de l'aide sociale à l'enfance de l'Isère. Par un courrier du 8 mars 2022, elle a demandé à son employeur que la prime dénommée " gratification ", instituée par une délibération du conseil général de l'Isère du 28 janvier 1985, lui soit versée au titre des années 2018 à 2021. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le département sur cette demande. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département à lui verser la somme totale de 5 992 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 422-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les assistants maternels et les assistants familiaux employés par des collectivités territoriales sont des agents non titulaires de ces collectivités. Les dispositions particulières qui leur sont applicables compte tenu du caractère spécifique de leur activité, sont fixées par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 422-1 de ce même code, auquel renvoie l'article 1er du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, qui fixe son champ d'application personnel : " Les assistants maternels et les assistants familiaux des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale sont soumis aux dispositions du présent chapitre et aux dispositions des articles 16, 19,31, 37, 38 et 41 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, désormais repris à l'article L. 714-4 du code général de la fonction publique : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. ". Aux termes de l'alinéa 3 de l'article 111 de cette même loi, repris à l'article L. 714-11 de ce code : " Par dérogation à la limite résultant de l'article L. 714-4, les avantages collectivement acquis ayant le caractère de complément de rémunération que les collectivités territoriales et leurs établissements publics mentionnés à l'article L. 4 ont mis en place avant le 28 janvier 1984, sont maintenus au profit de l'ensemble de leurs agents publics, lorsque ces avantages sont pris en compte dans le budget de la collectivité ou de l'établissement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que seules les primes et indemnités existant antérieurement à la promulgation de la loi du 26 janvier 1984 sont considérées comme des droits acquis.
4. En premier lieu, pour rejeter la demande de Mme A..., les premiers juges ont retenu qu'aucun acte prévoyant le versement de l'avantage réclamé ne pouvait être considéré comme existant antérieurement à la date du 28 janvier 1984, y compris au vu de la délibération du 28 janvier 1985 fixant à 3 200 francs " la gratification allouée par le Conseil général " au visa de l'article 111 de la loi du 26 janvier 1984 avec la précision suivante : " les collectivités territoriales peuvent verser directement à leur personnel des rémunérations servies antérieurement par l'intermédiaire d'une association ". Si à hauteur d'appel, Mme A... soutient que le département de l'Isère n'a pas contesté le fondement de cette prime malgré les recherches qu'il a vainement menées auprès des archives départementales, cette circonstance est sans influence sur l'impossibilité de déterminer la date à laquelle cet avantage collectif a été ouvert pour les agents du département, s'il était acquis à la date d'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984 précitée et s'il était d'ailleurs pris en compte dans le budget de la collectivité. Ainsi, la prime en cause, à supposer même que la simple référence à une " rémunération servie antérieurement " dans la délibération du 28 janvier 1985 précitée y corresponde, ne constitue pas un avantage collectivement acquis au sens de l'article 111 de la loi du 26 janvier 1984, faute de répondre à la condition d'antériorité précitée. Pour les mêmes motifs, la circonstance que la délibération du 6 février 2004 viserait " tous les agents du conseil général " comme bénéficiaires de la prime reste sans incidence sur ce point. En outre et au surplus, le relèvement du montant de la prime décidé par les délibérations du conseil général de l'Isère postérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984 ne présente pas davantage le caractère d'un avantage indemnitaire collectivement acquis, de sorte que la requérante ne peut se prévaloir du montant dont le versement est sollicité. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. En second lieu, ainsi que le tribunal l'a retenu, le moyen tiré de la rupture du principe d'égalité de traitement entre les assistants familiaux et les autres agents du département qui bénéficieraient de cette prime, à supposer cette circonstance exacte, doit être écarté dès lors qu'un tel principe ne peut justifier l'octroi d'un avantage indu.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département à la demande de Mme A..., que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A... présentées sur leur fondement et dirigées contre le département de l'Isère, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions formulées par le département sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de l'Isère présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2025.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Michèle Daval
La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00919