Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler la décision du 12 mai 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté ses recours administratifs préalables formés à l'encontre des ordres de mutation du général de division commandant la région de gendarmerie de Bourgogne-Franche-Comté en date des 14 décembre 2021 et 24 février 2022 décidant de le muter d'office dans l'intérêt du service au sein du groupe de commandement de la compagnie de gendarmerie départementale de Nevers, d'autre part, d'annuler la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le ministre des armées a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire du retrait d'emploi pendant une durée de six mois.
Par un jugement n° 2201484, 2202376 du 22 mai 2024, le tribunal a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés le 2 juillet 2024 ainsi que les 14 janvier et 17 février 2025, ce dernier non communiqué, M. B..., représenté par Me Maumont, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de le rétablir dans l'ensemble de ses fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont les décisions en cause l'ont privé ;
3°) d'enjoindre à l'autorité compétente et à ses services dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, de retirer de tous ses dossiers administratifs et de tous autres dossiers détenus par l'administration, toute pièce relative à la sanction qui lui a été infligée, de la détruire et d'en donner attestation ;
4°) de mettre à la charge du ministre des armées la somme de 9 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il est recevable à agir ;
En ce qui concerne la décision de mutation d'office dans l'intérêt du service :
- la gendarmerie s'est à tort considérée en situation de compétence liée ;
- le jugement comme la décision de sanction sont fondés sur des faits matériellement inexacts, dès lorsqu'il n'a jamais été condamné à cinq ans de prison ;
- la mesure est manifestement disproportionnée en ce qu'elle ne repose sur aucun intérêt du service ; le service de la brigade de proximité de Clamecy ne s'est jamais trouvé perturbé ; il donnait entière satisfaction à sa hiérarchie ; il n'y a jamais eu d'altération de la confiance qu'elle plaçait en lui ; il a continué à traiter des dossiers de violences intra-familiales en toute impartialité ; il n'y a eu aucune médiatisation des faits qui lui étaient reprochés et aucun discrédit pour la gendarmerie ; l'administration ne s'est fondée pour prononcer la mutation que sur le jugement du tribunal judiciaire d'Auxerre sans prendre en compte la décision de la cour d'appel de Paris ;
- les conséquences sur sa vie privée et familiale sont disproportionnées, alors qu'il a la charge de sa sœur handicapée à 80 % et de son père atteint d'un cancer ;
- cette mutation sur un poste de secrétariat, sans rapport avec ses prérogatives et compétences, était constitutive d'une sanction, dépourvue de base légale, alors qu'il faisait l'objet d'appréciations élogieuses, qu'il a reçu des félicitations en septembre 2023, qu'il a réussi un examen interne pour intégrer le peloton spécialisé de protection de la gendarmerie ;
En ce qui concerne la décision de sanction :
- la décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il ne lui a pas été notifié son droit de se taire, en méconnaissance des droits de la défense et de l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- le jugement comme la décision de sanction sont fondés sur des faits matériellement inexacts, dès lors qu'il n'a jamais été condamné à cinq ans de prison et qu'il n'a commis aucune violence physique à l'encontre de sa compagne ; d'ailleurs le juge pénal a considéré que ces faits ne devaient pas faire l'objet d'une inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire et ainsi ne devaient pas avoir une incidence au plan professionnel ;
- il a fait l'objet de deux mutations d'office dans l'intérêt du service, présentant les caractéristiques de sanctions déguisées ; il ne pouvait être prononcé une nouvelle sanction à son égard en vertu du principe non bis in idem ;
- la décision de sanction, qui se fonde sur la note-express n° 48454 du 3 août 2021, est illégale du fait de l'illégalité de cette dernière qui méconnait les dispositions du code de la défense, en privant la hiérarchie de son pouvoir d'appréciation lorsqu'un gendarme est condamné définitivement pour violence intra-familiale ou infraction à la législation sur les stupéfiants ;
- la sanction, du 3ème groupe, est disproportionnée, au regard de sa manière de servir et du temps écoulé, soit plus de trois ans après les faits ; à la suite de la mesure de mutation dans l'intérêt du service, il a repris le cours de sa carrière, a suivi un stage de responsabilisation et a été pris en charge par un psychologue ;
- les conséquences financières de la sanction sont disproportionnées, alors qu'il a la charge de sa sœur handicapée à 80 % et de son père atteint d'un cancer, qu'il doit payer la pension alimentaire de son premier enfant et qu'il a à charge un second enfant né d'une nouvelle union.
Par un mémoire enregistré le 16 janvier 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- s'il est vrai que le jugement comporte une erreur de fait quant à la condamnation dont a fait l'objet le requérant, laquelle était de cinq mois d'emprisonnement et non de cinq ans, cette mention erronée, d'une part n'entache pas le jugement d'irrégularité, d'autre part est sans incidence sur la légalité de la décision de mutation d'office dans l'intérêt du service ;
- cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
- elle ne constitue aucunement une sanction déguisée ; au surplus elle ne produit plus d'effet, l'intéressé ayant rejoint depuis février 2023 la brigade départementale de recherches et d'investigations judiciaires du groupement de gendarmerie départemental de la Nièvre.
Par un mémoire enregistré le 16 janvier 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'erreur de plume apparaissant au point 5 du jugement, quant à la durée de la condamnation à de l'emprisonnement, ne concerne pas la décision de sanction ;
- M. B... a fait l'objet d'une condamnation pour des faits de violences, dont certaines physiques (insultes et gifles) ; l'autorité de la chose jugée s'imposait à l'administration sur le constat de ces faits ;
- en commettant les faits pour lesquels il a été condamné, il s'est soustrait à ses obligations déontologiques et doit être regardé comme ayant de facto perdu la confiance de sa hiérarchie ;
- le requérant n'apporte aucun élément nouveau quant à la matérialité des faits, à la nécessité d'une sanction et au caractère proportionné de cette dernière ;
- le moyen de légalité externe, nouveau en appel, tiré de l'absence de notification du droit de se taire, est irrecevable et en tout état de cause infondé.
Par une ordonnance du 16 janvier 2025, l'instruction a été close au 18 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- l'instruction n° 1267 du 5 mai 2013 relative à la mobilité et aux mutations des sous-officiers de gendarmerie ;
- la " note-express " n° 48454 du 3 août 2021 du major général de la gendarmerie nationale relative aux mesures à prendre à l'égard des militaires de la gendarmerie mis en cause pour des violences intrafamiliales (VIF) ou des infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS) ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., sous-officier de la gendarmerie nationale alors affecté à la brigade de proximité de Clamecy, a fait l'objet, le 14 décembre 2021, d'un ordre de mutation dans l'intérêt du service au sein du groupe de commandement de la compagnie de gendarmerie départementale de Nevers, prenant effet à compter du 1er février 2022. Puis, par un ordre de mutation du 24 février 2022 qui annule et remplace le précédent, le général de division commandant la région de gendarmerie de Bourgogne-Franche-Comté a porté la date d'effet de cette mutation au 1er avril 2022. Les 11 janvier et 15 mars 2022, l'intéressé a formé, à l'encontre de ces deux décisions, un recours administratif préalable devant la commission des recours des militaires. Par une décision du 12 mai 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a confirmé la mesure de mutation d'office. Puis, le ministre des armées a, par une décision du 21 juillet 2022, prononcé à l'encontre de M. B... la sanction du retrait d'emploi pendant six mois. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Dijon l'annulation des décisions du 12 mai et 21 juillet 2022. Par un jugement du 15 mars 2022 dont M. B... relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur la décision de mutation dans l'intérêt du service :
2. Aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. / Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les mutations tiennent compte de la situation de famille des militaires, notamment lorsque, pour des raisons professionnelles, ils sont séparés : / 1° De leur conjoint ; / 2° Ou du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité, lorsqu' ils produisent la preuve qu' ils se soumettent à l' obligation d' imposition commune prévue par le code général des impôts ; / La liberté de résidence des militaires peut être limitée dans l'intérêt du service. / Lorsque les circonstances l'exigent, la liberté de circulation des militaires peut être restreinte ".
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur et des outre-mer aurait méconnu l'exigence d'un examen individualisé de la situation de M. B... et se serait estimé en situation de compétence liée pour ordonner sa mutation. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, et contrairement à ce que soutient M. B..., la décision en litige, qui n'est pas fondée sur une condamnation à cinq ans de prison, vise avec exactitude le jugement du 2 juillet 2020 du tribunal judiciaire d'Auxerre le condamnant à cinq mois d'emprisonnement assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve d'une durée de deux ans et obligation de soins, pour actes de violences et de harcèlement à l'encontre de sa compagne. L'intéressé, qui n'a saisi le juge d'appel que du classement de ce jugement au bulletin n° 2, ne peut être regardé comme ayant contesté la matérialité des faits précités. Pour regrettable qu'elle soit, l'erreur de plume que comporte le jugement contesté, qui fait état d'une condamnation à cinq années d'emprisonnement, est à cet égard dénuée de toute incidence. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que sa mutation procèderait d'une erreur de fait.
5. En troisième lieu, pour confirmer la mesure de mutation d'office dans l'intérêt du service, la décision ministérielle relève que " l'impact du comportement " de l'intéressé " sur l'image de la BP de Clamecy et sur ses camarades et sa hiérarchie ", faisaient obstacle à son maintien au sein de la brigade, lequel était " de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service ".
6. Tout d'abord, si M. B..., qui avait par ailleurs fait l'objet d'une condamnation définitive pour des faits de violences intrafamiliales, soutient que cette mesure ne répond à aucune nécessité de service, il ressort des pièces du dossier qu'il était en contact avec le public au sein de la brigade de proximité de Clamecy où il devait notamment traiter de dossiers de violences intrafamiliales et prendre en charge les victimes. S'il se prévaut de sa manière de servir, il ressort toutefois de son évaluation pour la période du 5 mai 2020 au 23 mars 2021 qu'en dépit de quatre ans de service, et bien que considéré comme déférent, de bonne présentation, très bien intégré et particulièrement disponible, il n'était pas apte à occuper un emploi de niveau supérieur. Si des progrès sur le plan des écrits en matière judiciaire ont été relevés, il n'a toutefois pas été admis aux tests pour intégrer les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG). Faute de préparation et de motivation, il a ainsi fait l'objet d'un avis très défavorable à sa candidature. Les vingt jours d'arrêts qui lui ont par ailleurs été infligés le 2 mai 2019 ont fait obstacle à la préparation à l'examen d'officier de police judiciaire. Au demeurant, l'évaluateur était d'avis que son " évolution favorable " " était à poursuivre " pour y prétendre. Pour la période du 9 juillet 2019 au 4 mai 2020, à la suite d'une première mutation dans l'intérêt du service et de l'affectation de l'intéressé à la brigade de proximité de Clamecy, l'administration a relevé qu'il était " parfois lacunaire sur les conséquences professionnelles de ses choix privés ", qu'il " doit agir en toute loyauté et toute transparence s'il veut disposer de la confiance du commandement " et qu'il est à " guider avec fermeté ". Il n'apparaît ainsi pas que sa manière de servir aurait été particulièrement remarquable et que, sans que cette possibilité soit pour autant exclue, il aurait été destiné à occuper dans un avenir proche davantage de responsabilités.
7. Ensuite, et comme le prévoient les dispositions précitées du code de la défense, les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu et il appartient à l'autorité compétente d'apprécier l'intérêt du service pour prononcer la mutation des personnels et leur affectation. Il apparaît que l'intéressé, qui n'avait aucun droit à obtenir l'affectation de son choix, avait sollicité en quatrième choix le service départemental territorial de Nevers et en cinquième choix la section opérationnelle de lutte contre les cybermenaces de Nevers, rien ne permettant de dire que ses vœux n'auraient pas été pris en compte. Au demeurant, et comme il le précise, sa nouvelle affectation, qui se trouve à une soixantaine de kilomètres du lieu de résidence de sa famille et à une heure de route de ce dernier, n'apparaît pas excessivement éloignée. Il ne justifie en outre pas de l'état de santé de son père, ni d'avoir porté régulièrement assistance à sa sœur et à sa famille, ni de l'impossibilité pour sa mère de venir en soutien à sa sœur, en situation de handicap, ni de l'impossibilité pour la famille de disposer des aides adéquates. Par suite, c'est sans erreur manifeste d'appréciation ni atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale que le ministre de l'intérieur a pu décider de sa mutation d'office dans l'intérêt du service.
8. Enfin, et comme il a été vu plus haut, la mesure contestée n'a pas privé l'intéressé d'une perspective d'évolution de sa carrière. Elle n'a pas davantage entrainé une perte de rémunération ou d'avantages, le seul éloignement de soixante-sept kilomètres ne pouvant être regardé comme révélant une volonté de réprimer l'intéressé. Dans ces circonstances, et alors que les faits pour lesquels il a été condamné définitivement étaient de nature à affecter la crédibilité du service auprès du public et des victimes, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait procédé de l'intention de le sanctionner et porté atteinte à sa situation professionnelle et matérielle, et ainsi constitué une sanction déguisée tout en révélant un détournement de pouvoir ou de procédure.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision le mutant dans l'intérêt du service.
Sur la sanction disciplinaire du retrait d'emploi :
En ce qui concerne le droit de se taire :
10. Devant le tribunal, M. B... n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision de sanction disciplinaire. Si, devant la cour, il soutient que cette décision serait également entachée d'un vice de procédure à défaut de notification de son droit de se taire, ce moyen de légalité externe, qui est fondé sur une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens initialement invoqués et qui n'est pas d'ordre public, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel.
En ce qui concerne les autres moyens :
11. En premier lieu, si la note-expresse n° 48454 du 3 août 2021 recommande d'initier sans délai une demande disciplinaire du troisième groupe aux fins d'envoi devant un conseil d'enquête pour avis, s'agissant des gendarmes ou policiers qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive pour violence intrafamiliale ou infraction à la législation sur les stupéfiants, d'une part la décision de sanction n'est pas prise pour l'application de cette note qui n'en constitue pas la base légale, et d'autre part, il ne ressort ni des éléments du dossier, ni des termes de la décision contestée que l'administration n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de l'intéressé. D'ailleurs, le conseil d'enquête s'est prononcé en faveur d'un retrait d'emploi de douze mois, alors que l'autorité décisionnaire a décidé d'un retrait de six mois. M. B... n'est par suite pas fondé à soutenir que l'administration se serait à tort considérée en situation de compétence liée par application de cette note-expresse.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : / 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 ; / 2° A des sanctions professionnelles prévues par décret en Conseil d'État, qui peuvent comporter le retrait partiel ou total, temporaire ou définitif, d'une qualification professionnelle. (...) Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du militaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. (...) Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre du militaire avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire ".
13. Il résulte des éléments du dossier que l'administration a eu connaissance des faits sanctionnés à l'été 2019 et que la sanction, qui a elle-même été prononcée le 21 juillet 2022, soit dans le délai de trois ans prévus par les dispositions précitées, n'était pas tardive. Au regard de la procédure judiciaire alors en cours, le tribunal judiciaire d'Auxerre et la cour d'appel de Paris s'étant prononcés respectivement les 2 juillet 2020 et 20 mai 2021, et de la gravité des faits reprochés, l'intéressé ne peut sérieusement soutenir que ce délai n'aurait pas été raisonnable, au point de priver de sens la sanction.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 4122-3 du code de la défense, le militaire : " exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité " ; aux termes de l'article R. 434-2 du code de la sécurité intérieure : " (...) Au service des institutions républicaines et de la population, policiers et gendarmes exercent leurs fonctions avec loyauté, sens de l'honneur et dévouement. (...) ". Aux termes de l'article R. 434-12 de ce code : " Le policier ou le gendarme ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. / En tout temps, dans ou en dehors du service, y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation ". Selon l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : (...) 3° Les sanctions du troisième groupe sont : / a) Le retrait d'emploi, défini par les dispositions de l'article L. 4138-15 ; / b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat ". Aux termes de son article L. 4138-15 : " Le retrait d'emploi par mise en non-activité est prononcé pour une durée qui ne peut excéder douze mois. A l'expiration de la période de non-activité, le militaire en situation de retrait d'emploi est replacé en position d'activité. /Le temps passé dans la position de non-activité par retrait d'emploi ne compte ni pour l'avancement ni pour l'ouverture et la liquidation des droits à pension de retraite. Dans cette position, le militaire cesse de figurer sur la liste d'ancienneté ; il a droit aux deux cinquièmes de sa solde augmentée de l'indemnité de résidence et du supplément familial de solde. ".
15. D'une part, M. B... soutient que les faits évoqués au soutien de la décision sont matériellement inexacts. L'autorité de la chose définitivement jugée par le juge pénal, qui s'impose à l'administration et aux juridictions administratives, s'attache à la seule constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. Dans la décision litigieuse, la ministre des armées a relevé que la compagne du requérant avait indiqué lors de son dépôt de plainte à la gendarmerie du 15 juillet 2019 avoir été victime de violences physiques et morales entre 2017 et 2019, sous forme d'insultes, de gifles et de moqueries. Elle cite également des SMS intimidants et culpabilisants, et indique que l'enquête a conclu à l'achat de cinq lignes téléphoniques par l'intéressé pour harceler son ex-conjointe. Elle précise que ce dernier a reconnu les faits reprochés. La ministre s'est ainsi bornée à prendre en compte la matérialité des faits retenus par le tribunal judiciaire devant lequel a été traduit l'intéressé, sans les dénaturer, alors que l'intéressé était prévenu d'avoir " exercé volontairement des violences " sur sa concubine " notamment, en lui portant des gifles, en l'insultant et en la rabaissant régulièrement même en présence de tiers ". Le requérant ne saurait utilement se plaindre de l'erreur commise sur la durée d'emprisonnement prononcée à son encontre ni de l'absence de prise en compte de l'arrêt de la cour, dont ne fait pas état la sanction contestée. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu'il aurait toujours nié les faits, les ayant au contraire admis à plusieurs reprises, sans les contester devant le juge d'appel qui, n'étant saisi que de l'inscription du jugement au bulletin n° 2 du casier judiciaire, n'a porté aucune appréciation distincte sur les faits qu'il a qualifié de " graves ". Si l'arrêt d'appel a dispensé la condamnation de M. B... d'une inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire, une telle circonstance ne faisait pas obstacle à ce que des poursuites disciplinaires soient engagées contre l'intéressé. Au regard de sa manière de servir et des efforts accomplis sur lui-même, cette non inscription, dont il a été tenu compte, a d'ailleurs été rappelée par l'autorité militaire de deuxième niveau dans son avis. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que la décision reposerait sur des faits matériellement inexacts.
16. D'autre part, la première mutation d'office dans l'intérêt du service dont M. B... a fait l'objet, exécutée le 1er août 2019, est intervenue à la suite de faits distincts, pour lesquels son évaluateur avait relevé " des problèmes réguliers de comportement en dehors du service ", précisant que, " rappelé plusieurs fois à ses devoirs ", il n'avait " visiblement pas compris et a(vait) de fait durablement entaché la confiance de ses chefs et terni l'image de son unité ". Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit plus haut, la mutation litigieuse n'a pas constitué une sanction déguisée. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'ayant déjà été sanctionné pour les mêmes faits, la sanction litigieuse méconnaitrait le principe non bis in idem.
17. En outre, il apparaît que les faits pour lesquels M. B... a été condamné sont graves. Au regard de la dignité, de l'impartialité, de l'intégrité et de la probité attendues en toute circonstances de la part d'un gendarme, même en dehors du service, et alors qu'ils étaient de nature à porter atteinte au crédit et à la réputation de la gendarmerie, ils étaient passibles d'une sanction disciplinaire. Si une sanction du troisième groupe a été prononcée à son encontre, il n'a fait l'objet ni de la sanction la plus grave, soit la révocation, ni du quantum le plus élevé de douze mois, le retrait ayant été fixé à six mois. Au vu de sa manière de servir, telle qu'exposée plus haut, et d'antécédents disciplinaires, en particulier une mise aux arrêts de vingt jours en 2019 pour avoir obtenu les coordonnées d'une femme entendue en qualité de témoin et s'être rendu à deux reprises auprès d'elle à titre privé en laissant son coéquipier seul dans le véhicule sérigraphié pendant le service, et en dépit des conséquences financières du retrait de son emploi pour six mois, alors qu'il prétend s'occuper de sa sœur handicapée à 80 % et de son père atteint d'un cancer, et prétend payer la pension alimentaire de son premier enfant et prendre en charge un second enfant né d'une nouvelle union, l'intéressé, qui ne justifie pas de l'importance des contraintes pesant sur lui, n'est toutefois pas fondé à soutenir que la sanction critiquée serait disproportionnée et procéderait donc d'une erreur d'appréciation.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'État, ministre de l'intérieur et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.
La rapporteure,
I. Boffy
Le président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur et au ministre des armés en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY01862
kc