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30/04/2025 | FRANCE | N°24LY01064

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 30 avril 2025, 24LY01064


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 août 2023, qui s'est substituée à la décision implicite antérieure, par laquelle la préfète du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour.



Par un jugement n° 2202967 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 12 avril 2024, Mme D... représenté

e par Me Petit, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler la décision implicite de refus ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 août 2023, qui s'est substituée à la décision implicite antérieure, par laquelle la préfète du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 2202967 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2024, Mme D... représentée par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus de séjour et/ou la décision de refus de séjour du 8 août 2023 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans l'attente du réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Elle soutient que :

Sur l'irrégularité du jugement :

- le tribunal s'est prononcé sur une décision du 8 août 2023 inexistante dès lors qu'elle ne lui a pas été notifiée ;

- c'est à tort que le tribunal s'est prononcé sur la décision du 8 août 2023 qui a été abrogée par la remise d'un récépissé du 28 août 2023 révélant la poursuite d'un droit au séjour ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- à titre subsidiaire, en l'absence de communication des motifs dans le délai d'un mois, la décision implicite se trouve entachée d'illégalité ;

- à titre principal, le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

La procédure a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit de conclusions.

Par une ordonnance en date du 4 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;

- et les observations de Me Petit représentant l'appelante ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 2 septembre 1964, a demandé le 8 septembre 2020 un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 8 août 2023, qui s'est substitué à la décision implicite antérieure de rejet de sa demande de titre de séjour, la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français. Par la présente requête, Mme D... relève appel du jugement susvisé du 28 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, lorsque le silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois sur une demande de titre de séjour dont elle a été saisie a fait naître une décision implicite de rejet, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à la première décision. Dans ce cas, des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde.

3. Si la demande de Mme D... tendait à l'annulation de la décision implicite par laquelle la préfète du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier de première instance que la préfète du Rhône a produit le 8 août 2023 au cours de cette instance un arrêté du 8 août 2023 refusant à la requérante la délivrance du titre de séjour sollicité et qui a été communiqué par le tribunal à la requérante le jour même. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, les conclusions à fin d'annulation présentées par l'intéressée à l'encontre de ladite décision implicite portant refus de titre de séjour devaient être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 8 août 2023 intervenu postérieurement. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif se serait mépris sur la nature de la décision contestée en procédant à la requalification de ses conclusions comme dirigées contre cet arrêté. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait méconnu son office et entaché, pour ce motif, son jugement d'irrégularité.

4. En second lieu, s'il ressort du dossier de première instance que par une décision du 24 août 2023, postérieure à l'introduction de la requête de la requérante devant le tribunal administratif mais antérieure à la date de lecture du jugement attaqué du 28 novembre 2023, la préfète du Rhône a délivré à Mme D... un récépissé de demande de carte de séjour, valable jusqu'au 23 novembre 2023, cette décision, laquelle ne constitue pas une carte de séjour temporaire, n'a pas eu pour effet d'abroger l'arrêté en litige du préfet du Rhône en date du 8 août 2023. Par suite, en l'absence de perte d'objet du litige en résultant, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon a statué au fond sur ses conclusions aux fins d'annulation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, c'est à bon droit que le tribunal a regardé les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de refus de titre de séjour comme dirigées contre l'arrêté du 8 août 2023. Cet arrêté ne pouvant être utilement contesté au motif que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration en ne communiquant pas à la requérante les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent, le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration desdites dispositions ne peut qu'être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ". Selon l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. Il est constant que l'appelante, qui indique être entrée en France le 25 décembre 2016, accompagnée de son fils mineur, en vue de solliciter le bénéfice de la protection internationale, a vu sa demande d'asile rejetée le 10 janvier 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision confirmée le 13 juillet 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Il est également constant que l'intéressée a néanmoins bénéficié d'un droit au séjour à raison de son état de santé entre le 10 mai 2019 et le 9 mai 2020 et a sollicité, à l'expiration de la validité du titre de séjour dont elle disposait, la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, le 8 septembre 2020. Si à l'appui de sa requête, Mme D... se prévaut de la régularité du séjour de son fils, B..., devenu majeur et récipiendaire d'une carte de séjour pluriannuelle, ainsi que de ses gages d'intégration professionnelle et sociale, ces circonstances ne sont pas suffisantes, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, à l'effet de démontrer qu'elle aurait noué en France des liens intenses et stables, cependant il n'est pas établi que l'intéressée serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Par ailleurs, la décision en litige n'ayant pas pour objet ou pour effet de l'éloigner à destination de la république démocratique du Congo, la requérante ne peut utilement soutenir qu'elle n'est pas en mesure de pouvoir reconstruire une vie privée et familiale dans son pays d'origine du fait des risques encourus qu'elle allègue. Par conséquent, et dans ces conditions, eu égard à l'ensemble de ces éléments, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code précité et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle doivent être écartés.

8. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles l'autorité préfectorale ne s'est pas fondée pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. Il ressort en outre de l'arrêté contesté que la préfète du Rhône n'a pas procédé d'office à un examen de son droit au séjour à ce titre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Haïli, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Djebiri, première conseillère,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.

Le président-rapporteur,

X. HaïliL'assesseure la plus ancienne

C. Djebiri

La greffière,

M. A...

.

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01064
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. HAILI
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-30;24ly01064 ?
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