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15/05/2025 | FRANCE | N°24LY03602

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 15 mai 2025, 24LY03602


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 26 juin 2024 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure d'éloignement, l'a astreinte à résider dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand avec obligation de se présenter tous les jeudis dans les locaux de la police nationale et lui a interdi

t de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 26 juin 2024 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure d'éloignement, l'a astreinte à résider dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand avec obligation de se présenter tous les jeudis dans les locaux de la police nationale et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2401628 du 23 août 2024, la présidente de ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2024, Mme A..., représentée par Me Caron, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, sous astreinte de cent euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler ou, à titre subsidiaire et dans le délai de quinze jours, de réexaminer sa demande et, dans les deux cas, dans l'attente et dans le délai de huit jours, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les décisions contestées ont été signées par une autorité incompétente ;

- la première juge a omis de répondre au moyen, fondé, tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui se fonde sur ce qu'elle aurait déclaré ne pas avoir d'enfant, repose sur un fait matériellement inexact ;

- cette décision repose sur un autre fait matériellement inexact en ce qu'elle se fonde sur ce que son concubin serait inconnu de l'administration française, alors qu'il est bénéficiaire d'une carte de résident ;

- le préfet a méconnu son droit à être entendue ;

- il n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- il a méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination sera annulée en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision l'astreignant à résidence et l'interdiction de retour sur le territoire français seront annulées en conséquence de l'illégalité des décisions précédentes ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas motivée ;

- le préfet n'invoque aucun motif de nature à justifier légalement cette décision.

La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau de l'aide juridictionnelle du 27 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Moya, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante ivoirienne, relève appel du jugement du 23 août 2024 par lequel la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 juin 2024 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure d'éloignement, l'a astreinte à résider dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand avec obligation de se présenter tous les jeudis dans les locaux de la police nationale et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Au point 7 du jugement attaqué, la présidente du tribunal a répondu au moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur de fait. Par suite, le moyen tiré de ce que la première juge a omis de répondre à ce moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, Mme A... reprend le moyen déjà soulevé en première instance, tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par la présidente du tribunal administratif dans son jugement.

4. En deuxième lieu, si le préfet du Puy-de-Dôme a indiqué dans la décision portant obligation de quitter le territoire français que Mme A... avait déclaré ne pas avoir d'enfant et que son concubin, M. B..., était inconnu de l'administration, alors, d'une part, que son fils est né le 3 décembre 2023 et, d'autre part, que son concubin bénéficie d'une carte de résident, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ces faits matériellement inexacts. Il ne résulte pas de ces seules inexactitudes que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A....

5. En troisième lieu, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme en l'espèce, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant la prise à son encontre d'une mesure individuelle défavorable. Une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de droit et de fait spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas pris une autre décision si Mme A... avait été mise en mesure de lui faire part, d'une part, de la naissance de son fils le 3 décembre 2023 et, d'autre part, de ce que son concubin et compatriote est titulaire d'une carte de résident. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que son droit à être entendue aurait été méconnu dans des conditions ayant eu une influence sur le sens des décisions contestées.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... séjournait en France depuis deux ans seulement à la date à laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a décidé son éloignement et elle n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine où elle a vécu l'essentiel de son existence. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris cette décision. Il n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de son enfant, protégé par le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....

8. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'illégalité qu'elle invoque de la décision portant obligation de quitter le territoire français entache d'illégalité la décision fixant le pays de renvoi.

9. En sixième lieu, si Mme A..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 janvier 2024, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 5 juin 2024, soutient qu'elle est exposée à un risque d'excision dans son pays d'origine, les éléments généraux dont elle se prévaut, en particulier la circonstance qu'elle est issue d'une ethnie du Nord de la Côte d'Ivoire et d'une famille musulmane, ne sont pas suffisants pour établir la réalité des menaces auxquelles elle serait personnellement exposée. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en cas de retour en Côte d'Ivoire, elle serait exposée à des traitements inhumains et dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté, de même que, en tout état de cause, celui tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En septième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'illégalité qu'elle invoque de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination entache d'illégalité les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et l'astreignant à résidence.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...). ".

12. Pour prononcer à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an sur le fondement des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé notamment sur la brièveté de son séjour en France et sur la circonstance qu'elle n'y avait pas de liens personnels et familiaux anciens, intenses et stables. Ces motifs sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

M. Moya, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mai 2025.

Le rapporteur,

P. MoyaLa présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 24LY03602

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY03602
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: M. Philippe MOYA
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : CARON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24ly03602 ?
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