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28/05/2025 | FRANCE | N°24LY01216

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 28 mai 2025, 24LY01216


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 27 mars 2024 par lequel le préfet du Cantal a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que d'annuler l'arrêté du 27 mars 2024 par lequel le préfet du Cantal l'a assigné à résidence pour une durée de

quarante-cinq jours.



Par jugement n° 2400752 du 5 avril 2024, la magistrate dés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 27 mars 2024 par lequel le préfet du Cantal a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que d'annuler l'arrêté du 27 mars 2024 par lequel le préfet du Cantal l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par jugement n° 2400752 du 5 avril 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, après avoir renvoyé devant une formation collégiale du tribunal le jugement des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 mars 2024 portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. B... et, en tant qu'elles s'y rattachent, des conclusions accessoires, rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2024, M. B..., représenté par Me Gninafon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2024 ;

2°) d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et assignation à résidence édictées le 27 mars 2024 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'erreur de droit dès lors que les dispositions de l'article L. 432-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne pouvaient s'appliquer à sa situation régie par les dispositions antérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 28 janvier 2024 ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code précité et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la demande de titre de séjour aurait dû être précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;

- la décision portant refus de séjour étant illégale, les décisions subséquentes sont également entachées d'illégalité ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français sont insuffisamment motivées ;

- la mesure d'éloignement édictée le 28 juin 2023 par le préfet du Puy-de-Dôme ne lui a jamais été notifiée et le préfet du Cantal ne pouvait se fonder sur l'inexécution de cette précédente mesure d'éloignement pour édicter l'interdiction de retour sur le territoire français en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2024, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 27 novembre 1988, est entré en France selon ses déclarations le 1er janvier 2014. Par une décision du 28 juin 2023, le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande de titre de séjour et a prononcé une mesure d'éloignement à son encontre. Le 7 septembre 2023, M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auprès de la préfecture du Cantal. Par un arrêté du 27 mars 2024, le préfet du Cantal a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, la même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, après avoir renvoyé devant une formation collégiale du tribunal le jugement des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 mars 2024 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et, en tant qu'elles s'y rattachent, des conclusions accessoires, rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, lui interdisant tout retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à tout étranger : (...) 2° Ayant commis les faits qui l'exposent à l'une des condamnations prévues aux articles 441-1 et 441-2 du code pénal ; (...) ". Aux termes de l'article 441-1 du code pénal : " Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. / Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. ". Aux termes de l'article 441-2 du même code : " Le faux commis dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. L'usage du faux mentionné à l'alinéa précédent est puni des mêmes peines. (...) ".

3. L'article 7 de la loi n° 2024-42 du 16 janvier 2024 portant création de l'article L. 432-1-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entré en vigueur le 28 janvier 2024. M. B... n'est ni fondé à soutenir que le préfet du Cantal aurait commis une erreur de droit en lui opposant un refus de titre de séjour fondé sur ces dispositions ni à invoquer la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des lois dès lors que les dispositions précitées étaient applicables à la date de la décision attaquée, la date de dépôt de la demande de titre de séjour étant à cet égard, ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge, sans incidence.

4. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. B... a lui-même reconnu lors de son audition par les services de police le 27 mars 2024 avoir utilisé un faux passeport belge et un faux permis de conduire belge pour lui permettre d'obtenir une inscription de sa société au tribunal de commerce d'Aurillac, un emploi salarié et une carte d'assuré social. Ces faits, dont le requérant ne conteste pas la matérialité, entrent dans le champ d'application de l'article 441-2 du code pénal et sont de nature à fonder un refus de titre de séjour en application de l'article L. 432-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la décision portant refus de séjour opposée à M. B... sur ce fondement n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation. La circonstance que l'intéressé a déposé une demande de titre le 7 septembre 2023 sur un autre fondement est sans incidence sur la légalité du motif de refus qui lui a ainsi été opposé.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".

6. D'une part, les éléments produits au dossier par M. B... ne permettent pas d'établir qu'il résiderait habituellement en France depuis plus de dix ans. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait dû être prise après avis de la commission du titre de séjour ne peut qu'être écarté.

7. D'autre part, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté en litige que le préfet n'aurait pas examiné la demande de M. B... au titre de son pouvoir général de régularisation. En l'espèce, les éléments dont fait état M. B... tirés de ce qu'il a exercé un emploi durant trois ans sur les cinq précédant les décisions en litige, de la promesse d'embauche au sein de l'entreprise de son frère datée du 17 août 2023, et de la durée de sa présence en France ne permettent pas d'établir que le préfet du Cantal aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation, dont il dispose même sans texte.

Sur les autres moyens dirigés contre les décisions subséquentes :

8. Compte tenu de la légalité de la décision portant refus de séjour, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre des décisions subséquentes.

9. Il ressort des termes de la décision portant refus de séjour que le préfet du Cantal a notamment visé les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondement de la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé, de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé et celles du 2°) de l'article L. 432-1-1 du code précité ainsi que les dispositions du 3°) de l'article L. 611-1 du même code s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il a fait état, de façon circonstanciée, des motifs de fait justifiant l'absence de délivrance de titre de séjour. En vertu de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dès lors que, comme en l'espèce, cette décision a été prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du même code. En outre, les décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français sont motivées en droit respectivement par les visas des 3°) de l'article L. 612-2 et 5°) et 7°) de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la première décision et de l'article L. 612-10 du même code pour la seconde décision. Elles comportent également les motifs de fait justifiant leur édiction. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions doit être écarté.

10. Contrairement à ce que soutient le requérant, la mesure d'éloignement édictée le 28 juin 2023 par le préfet du Puy-de-Dôme a été régulièrement notifiée à la dernière adresse connue de l'administration. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet du Cantal ne pouvait se fonder sur l'inexécution de cette précédente mesure d'éloignement, ainsi réputée notifiée, pour édicter l'interdiction de retour sur le territoire français en litige.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, après avoir renvoyé devant une formation collégiale du tribunal le jugement des conclusions présentées par M. B... tendant à l'annulation de la décision du 27 mars 2024 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et, en tant qu'elles s'y rattachent, des conclusions accessoires, rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Cantal.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2025.

La rapporteure,

Vanessa Rémy-NérisLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

2

N° 24LY01216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01216
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : LKJ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;24ly01216 ?
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