Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016, 2017 et 2018, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2103037 - 2203127 du 25 juin 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2024, M. C... A..., représenté par Me Bastid, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens, et de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le défaut de formalisme de la comptabilité ne justifie pas à lui seul la remise en cause intégrale de celle-ci ;
- les sandwichs et les assiettes contiennent respectivement 250 et 350 grammes en moyenne de viandes ;
- le taux de perte de 34 % retenu par l'administration est insuffisant.
Par un mémoire, enregistré le 6 novembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 2 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 18 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui exploitait à titre individuel une activité de restauration rapide à Saint-Pierre-en-Faucigny (Haute-Savoie), a fait l'objet en 2019 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, à l'issue de laquelle la vérificatrice, après avoir écarté sa comptabilité comme irrégulière et non probante, a procédé à la reconstitution de ses chiffres d'affaires et de ses résultats au titre de la période vérifiée. M. A... a en conséquence été assujetti, selon la procédure contradictoire, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, à des cotisations d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et de contributions sociales, au titre des années 2016, 2017 et 2018, qui ont été assortis des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement du 25 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes tendant, l'une, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, et l'autre, à la décharge des autres impositions et pénalités correspondantes.
Sur le rejet de la comptabilité :
2. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. (...) ". Aux termes de l'article 286 de ce code : " I. Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : (...) 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas. Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat (...) Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 € pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois. (...) 4° Fournir aux agents des impôts (...) toutes justifications nécessaires à la fixation des opérations imposables (...) ".
3. En vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve des graves irrégularités entachant la comptabilité invoquées par l'administration incombe à cette dernière.
4. Il résulte de la proposition de rectification faisant suite à la vérification de comptabilité de l'entreprise que les tickets Z de la caisse enregistreuse font apparaître un chiffre d'affaires inférieur à celui réellement réalisé, M. A... n'ayant pas enregistré sur cette caisse l'ensemble des ventes réalisées au cours de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 au bénéfice de professionnels désirant payer en fin de mois, que les factures adressées à ces professionnels, ainsi que les ventes de boissons à emporter au titre des exercices clos en 2016 et 2017, sont établies à partir respectivement d'un agenda et d'un tableau tenus de façon manuscrite, ne faisant apparaître aucun détail des produits vendus, qu'il ressort une discordance d'environ 7 000 canettes de boissons au titre de l'exercice clos en 2018 entre les achats enregistrés par la caisse et les boissons revendues diminuées des stocks, que le comptable de l'entreprise de M. A... a été amené à fixer forfaitairement un montant de taxe sur la valeur ajoutée sur les boissons vendues égal à 7 % du chiffre d'affaires réalisé, et que celui-ci avait comptabilisé moins de la moitié des factures du fournisseur Mimi Market au titre de l'exercice clos en 2016. Dans ces conditions, en l'absence d'enregistrement sur la caisse enregistreuse de l'ensemble des ventes alors que la comptabilité de l'entreprise est établie à partir des tickets Z de la caisse, en l'absence de comptabilisation de toutes les factures d'un fournisseur, et en présence de l'enregistrement global des recettes, ainsi que d'une discordance entre les achats et les ventes diminuées des stocks, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la comptabilité de l'entreprise du requérant était irrégulière et non probante, et l'a rejetée.
Sur la reconstitution de chiffres d'affaires :
5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 (...) est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. (...). ". M. A... n'ayant pas accepté les rectifications qui lui ont été notifiées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé des impositions en litige.
6. Il résulte de l'instruction que la vérificatrice a reconstitué les chiffres d'affaires à partir des achats comptabilisés revendus des boissons non vendues individuellement et des denrées nécessaires à la confection des repas, à emporter ou à consommer sur place, en appliquant une répartition des ventes déterminée par le requérant entre les sandwichs, burgers, tacos ou assiettes, seuls ou en menus, pour les viandes kebab, köfte, adana, poulet pané, poulet au curry, steaks hachés, nuggets, wings de poulet et les poissons, ainsi que les prix résultant de la carte de l'établissement. La vérificatrice a retenu dans sa proposition de rectification, des quantités de viande de kebab et de poulet au curry de 150 grammes pour les sandwichs ou tacos et de 250 grammes pour les assiettes, des taux de pertes de 25 % pour la viande à kebab et de 10 % pour les autres viandes et les poissons, un taux d'offerts de 10 % sur les viandes disponibles à la vente, et une consommation personnelle correspondant à un sandwich kebab par jour pour le salarié de M. A....
7. En premier lieu, il résulte de la réponse aux observations du contribuable adressée à M. A... qu'après sa demande d'entretien avec le supérieur hiérarchique de la vérificatrice, il a été procédé à une pesée contradictoire, en présence du comptable de M. A..., avec le matériel de ce dernier, dont il est résulté des poids de 220 et 320 grammes de viande de kebab respectivement dans les sandwichs et assiettes, et que l'administration a alors retenu ces quantités de viande pour les sandwichs et assiettes de kebab et de poulet au curry. Si M. A... se prévaut devant la cour des chiffres 250 et 350 grammes respectivement pour les sandwichs et les assiettes, l'intéressé n'apporte aucune précision, ni justificatif, à l'appui de ses allégations. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a retenu respectivement les poids de 220 et 320 grammes pour les sandwichs et les assiettes de kebab et de poulet au curry.
8. En second lieu, si M. A... conteste un taux de perte de 34 % qui aurait été retenu par la vérificatrice, il ne soulève que des arguments afin de contester le taux de perte retenu par l'administration à hauteur de 25 % pour la viande à kebab. Si le requérant se prévaut d'un taux de perte de 51 % pour la viande de kebab suite notamment à sa cuisson, l'administration soutient, sans être contestée, que l'application d'un taux de perte de 51 % aboutirait, pour l'exercice clos en 2016, à un chiffre d'affaires reconstitué inférieur à celui déclaré par le requérant. De plus, il résulte de la proposition de rectification adressée à M. A... au titre de son activité professionnelle qu'il a demandé, par un courriel du 4 octobre 2019, que la perte sur la viande à kebab s'établisse à hauteur de 30 %. En outre, si M. A... produit un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 20 mars 2017, établi en présence de contrôleurs fiscaux, concernant un autre restaurant géré par un tiers situé à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), qui indique un taux de perte de viande de kebab de 45 %, il n'établit pas que les opérations de cuisson ont été réalisées dans des conditions d'exploitation similaires. Si son fournisseur de viande à kebab mentionne que la perte sur ses broches de viandes de kebab est de 45 %, l'attestation ne présente pas de caractère probant eu égard à ses termes succincts. Enfin, si M. A... produit un procès-verbal d'huissier de justice du 29 mars 2021, qui constate les pertes liées à la cuisson d'un bloc de viande à kebab de 25 kilogrammes au sein du restaurant du requérant, ce procès-verbal, qui a été établi environ un an et demi après les opérations de vérification, mentionne un taux de perte de la viande de kebab chaude de 37,2 %, et non de 51 % qui ne concerne que la perte de viande à kebab une fois refroidie. Par suite, le taux de perte retenu de la viande de kebab par l'administration doit être regardé comme justifié et M. A... n'est pas fondé à demander que le taux de perte soit porté à 51 %.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et celles en tout état de cause relatives aux dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02040