Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... et Mme B... C... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 22 juin 2018 par lesquels le préfet des Pyrénées-Orientales les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par deux jugements nos 1803315 et 1803316 du 21 août 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé les arrêtés contestés et a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de réexaminer la situation de M. A... et de Mme C....
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête enregistrée le 17 septembre 2018 sous le numéro 18MA04305, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par la SCP Vial - Pech de Laclause - Escale - Knoepffler, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1803315 du 21 août 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... en première instance ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le pourvoi formé par M. A... devant le Conseil d'Etat à l'encontre de l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile ne faisait pas obstacle à ce que sa demande d'asile soit regardée comme définitivement refusée en application du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2019, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par le préfet des Pyrénées-Orientales ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me F... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le moyen soulevé par le préfet des Pyrénées-Orientales est infondé ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait, dès lors qu'il ne précise pas qu'il est retourné en Albanie en 2014 ;
- l'irrecevabilité opposée à sa demande de réexamen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) méconnaît les articles 2, 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le droit d'être entendu a été méconnu ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- son épouse ne pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine du fait de son état de grossesse.
La clôture de l'instruction été fixée au 15 février 2019 par une ordonnance du 17 janvier 2019.
Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 6 juin 2019.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2018.
II.- Par une requête enregistrée le 17 septembre 2018 sous le numéro 18MA04306, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par la SCP Vial - Pech de Laclause - Escale - Knoepffler, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1803316 du 21 août 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... en première instance ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le pourvoi formé par Mme C... devant le Conseil d'Etat à l'encontre de l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile ne faisait pas obstacle à ce que sa demande d'asile soit regardée comme définitivement refusée en application du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2019, Mme C..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par le préfet des Pyrénées-Orientales ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me F... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le moyen soulevé par le préfet des Pyrénées-Orientales est infondé ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait, dès lors qu'il ne précise pas qu'elle est retournée en Albanie en 2014 ;
- l'irrecevabilité opposée à sa demande de réexamen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) méconnaît les articles 2, 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le droit d'être entendu a été méconnu ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle ne pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine du fait de son état de grossesse.
La clôture de l'instruction été fixée au 15 février 2019 par une ordonnance du 17 janvier 2019.
Un mémoire présenté pour Mme C... a été enregistré le 6 juin 2019.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme C..., ressortissants albanais, ont présenté chacun une demande de réexamen de leur demande d'asile. Ces demandes ont été rejetées par deux décisions du 6 novembre 2017 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par deux ordonnances de la Cour nationale du droit d'asile en date du 22 mai 2018.
2. Suite à ces décisions, le préfet des Pyrénées-Orientales les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours par deux arrêtés du 22 juin 2018 fondés sur le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Le préfet des Pyrénées-Orientales fait appel des jugements nos 1803315 et 1803316 du 21 août 2018 par lesquels la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé les deux arrêtés du 22 juin 2018 et a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de réexaminer la situation de M. A... et de Mme C....
4. Les requêtes du préfet des Pyrénées-Orientales enregistrées sous les numéros 18MA04305 et 18MA04306 présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du moyen retenu par le tribunal administratif :
5. Il résulte du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusée.
6. L'article L. 743-1 du même code ajoute, dans sa rédaction alors applicable, que : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. "
7. Une décision de la Cour nationale du droit d'asile, statuant en dernier ressort sur les recours contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides relatives à la reconnaissance de la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire, présente un caractère définitif alors même qu'elle peut encore faire l'objet ou qu'elle a fait l'objet d'un pourvoi en cassation.
8. Il suit de là que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé les arrêtés contestés au motif que les ordonnances de la Cour nationale du droit d'asile se prononçant sur leurs demandes de réexamen avaient fait l'objet d'un pourvoi en cassation.
9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... et Mme C... tant devant le tribunal administratif que devant la cour.
Sur l'erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle des intéressés :
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... était enceinte de huit mois à la date des arrêtés attaqués, et a ultérieurement accouché le 18 juillet 2018 d'un enfant souffrant d'une pathologie neuromusculaire grave mettant en jeu son pronostic vital. Le préfet des Pyrénées-Orientales ne peut utilement faire valoir qu'il n'avait pas été informé de cette situation, dès lors qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité d'une décision au regard des éléments invoqués devant lui pour autant qu'ils se rapportent à des faits antérieurs à cette décision. L'état de grossesse de Mme C... faisait obstacle, dans les circonstances particulières de l'espèce, à ce qu'elle puisse voyager sans risque vers son pays d'origine. L'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre est, par suite, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Il en va de même de celle prononcée à l'encontre de M. A..., son époux, avec lequel elle forme une cellule familiale.
11. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Orientales n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les arrêtés du 22 juin 2018. Il n'est, dès lors, pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens invoqués par M. A... et Mme C....
Sur les frais liés au litige :
12. M. A... et Mme C... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à Me F..., avocate de M. A... et Mme C..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes du préfet des Pyrénées-Orientales sont rejetées.
Article 2 : L'État versera à Me F... la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... A..., à Mme B... C... épouse A... et à Me F....
Copie en sera adressée pour information au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. E..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 septembre 2019.
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Nos 18MA04305 - 18MA04306