Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société l'Immobilière Patrimoine SA et la société civile immobilière (SCI) les Chalets du Soleil ont demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de condamner la commune de Saint-Etienne-en-Dévoluy à la répétition de la somme de 575 473,44 euros indûment perçue au titre de la convention du 7 février 2006, avec intérêt au taux légal majoré de 5 points à compter de la date d'enregistrement de la requête et capitalisation des intérêts et à titre subsidiaire, de déclarer la commune de Saint-Etienne-en-Dévoluy responsable en raison de l'illégalité fautive de la participation instituée par la convention du 7 février 2006 relative à la création des réseaux et voirie primaires de la zone 1 et, par suite, de condamner la commune de Saint-Etienne-en-Dévoluy à lui verser la somme de 119 473,44 euros en réparation du préjudice subi ; de déclarer la commune de Saint-Etienne-en-Dévoluy responsable de l'illégalité fautive du titre exécutoire du 9 juillet 2007 imposant une participation au raccordement EU et, par suite de condamner la commune au versement de la somme de 45 960 euros en réparation du préjudice subi.
Par un jugement n° 1104041 du 15 juin 2015, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Saint-Etienne-en-Dévoluy à verser à la société l'Immobilière Patrimoine SA et à la SCI les Chalets du Soleil, la somme globale de 575 473,44 (cinq cent soixante-quinze mille quatre cent soixante-treize euros et quarante-quatre centimes), cette somme portant intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 14 juin 2011, avec capitalisation des intérêts à compter du 14 juin 2012.
Par un arrêt n° 15MA03538 du 28 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 15 juin 2015 et rejeté les demandes des sociétés immobilières.
Par une décision n° 416201 du 21 décembre 2018, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 28 septembre 2017 et renvoyé l'affaire à ladite cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 janvier 2019 et 10 mars 2019, la commune du Dévoluy, représentée par la SELARL APAetC, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 juin 2015 ;
2°) à titre principal de rejeter les conclusions des demandeurs de première instance ;
3°) " à titre subsidiaire ", de condamner solidairement la société l'Immobilière Patrimoine SA et la SCI Chalets du Soleil à verser à la commune du Dévoluy la somme de 862 603,90 € à titre reconventionnel ;
4°) " à titre infiniment subsidiaire ", de condamner solidairement la société l'Immobilière Patrimoine SA et la SCI Chalets du Soleil à verser à la commune du Dévoluy la somme de 812 603,90 € ;
5°) de mettre à la charge des défenderesses la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article L. 131-3 du code monétaire et financier s'oppose à ce qu'il lui soit infligé des intérêts majorés de 5 points ;
- les conclusions des sociétés sont irrecevables faute de demande préalable ;
- les articles L. 332-6 et L. 332-1-1 du code de l'urbanisme donnent une base légale aux sommes réclamées et un autre acte que le permis de construire peut obliger les sociétés ;
- les contributions ne trouvent leur origine ni dans le contrat conclu avec les sociétés, ni dans le code du tourisme ;
- en tout état de cause, l'éventuelle irrégularité de la procédure devra être " danthonysée " ;
- à défaut les contributions trouvent leur base légale dans la théorie de l'offre de concours ;
- les sociétés ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité ;
- les sommes sont dues sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2019, la société l'Immobilière Patrimoine SA et la société civile immobilière les Chalets du Soleil, représentées par Me B..., concluent au rejet de la requête et à l'annulation partielle du jugement, afin de juger que la somme de 575 473,44 euros portera intérêt au taux légal majoré de cinq points à compter du 10 novembre 2006 pour 456 000 euros, du 17 octobre 2007 pour 91 200 euros et du 21 juillet 2008 pour 28 273,44 euros, outre capitalisation des intérêts à compter du 14 juin 2012, et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune du Dévoluy une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à chacune d'elles.
Elle soutiennent que :
- les moyens soulevés par la commune du Dévoluy ne sont pas fondés ;
- son appel incident est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le code de l'urbanisme. ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la commune du Dévoluy.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI les Chalets du Soleil, ayant pour gérante la société l'Immobilière Patrimoine SA, s'est acquittée, les mois de novembre 2006 et de juillet 2008, de sommes mises à sa charge par des titres exécutoires émis pour le compte de la commune de Saint-Etienne-en-Dévoluy, correspondant à la participation pour voirie et réseaux alors prévue aux articles L. 332-11-1 et suivants du code de l'urbanisme, à raison de l'aménagement d'une unité touristique nouvelle dans le cadre duquel, après que la société l'Immobilière Patrimoine SA eut conclu une convention avec la commune le 13 février 2006, la SCI les Chalets du Soleil a obtenu un permis de construire délivré par le maire de la commune le 19 avril 2006. Les deux sociétés ont ultérieurement demandé à la commune, le 8 juin 2011, la répétition des sommes versées à hauteur de 575 473,44 euros et saisi le lendemain d'une requête en ce sens le tribunal administratif de Marseille, qui y a fait droit par un jugement du 15 juin 2015. La cour administrative d'appel de Marseille, sur l'appel de la commune du Dévoluy, a annulé ce jugement et rejeté leur demande de première instance, par un arrêt du 28 septembre 2017. Sur pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat, par une décision du 21 décembre 2018 a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé l'affaire.
2. Si la commune fait valoir que le jugement n'aurait pas été lu en audience publique, la mention dudit jugement selon laquelle il a été lu le 15 juin 2015 fait foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est en l'espèce pas apportée. Le jugement est donc régulier.
3. Il résulte de l'instruction que les sociétés ont demandé à la commune, le 8 juin 2011, la répétition des sommes versées à hauteur de 575 473,44 euros. Ainsi, la commune du Dévoluy n'est pas fondée à soutenir que la demande formulée devant le tribunal administratif de Marseille serait irrecevable, faute de demande préalable.
4. Aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux participations en litige : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / (...) 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics mentionnées à l'article L. 332-6-1. (...) ". Aux termes de ce dernier article, dans sa version alors en vigueur : " Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévues au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : / (...) 2° (...) / d) La participation pour voirie et réseaux prévue à l'article L. 332-11-1 ". Aux termes de ce dernier article, dans sa version alors en vigueur : " Le conseil municipal peut instituer une participation pour voirie et réseaux en vue de financer en tout ou en partie la construction des voies nouvelles ou l'aménagement des voies existantes ainsi que l'établissement ou l'adaptation des réseaux qui leur sont associés, lorsque ces travaux sont réalisés pour permettre l'implantation de nouvelles constructions. / Pour chaque voie, le conseil municipal précise les études, les acquisitions foncières et les travaux à prendre en compte pour le calcul de la participation, compte tenu de l'équipement de la voie prévu à terme ". Aux termes de l'article L. 332-28 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les contributions mentionnées ou prévues au 2° de l'article L. 332-6-1 (...) sont prescrites, selon le cas, par l'autorisation de construire, l'autorisation de lotir, l'autorisation d'aménager un terrain destiné à l'accueil d'habitations légères de loisir ou l'acte approuvant un plan de remembrement. Cette autorisation ou cet acte en constitue le fait générateur. Il en fixe le montant, la superficie s'il s'agit d'un apport de terrains ou les caractéristiques générales (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 332-30 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées... Les sommes à rembourser au titre des deux alinéas précédents portent intérêt au taux légal majoré de cinq points. ".
5. Il résulte de ces dispositions, notamment celles précitées de l'article L. 332-28 du code de l'urbanisme, que la participation qu'un conseil municipal peut instituer pour le financement de voies nouvelles ou des réseaux réalisés pour permettre l'implantation d'une nouvelle construction ne peut légalement être mise à la charge du pétitionnaire que par l'acte autorisant l'opération de construction, de lotissement ou d'aménagement ou approuvant le plan de remembrement. L'autorisation de construire du 19 avril 2006 ne mentionnait pas cette participation. Dès lors, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir qu'elles n'étaient pas redevables de la participation pour voirie et réseaux.
6. Les dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme fixent de façon limitative les contributions qui peuvent être mises à la charge des constructeurs à l'occasion de la délivrance du permis de construire. Il en résulte qu'aucune autre participation ne peut leur être demandée. Eu égard enfin au caractère d'ordre public des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, toute stipulation contractuelle qui y dérogerait serait entachée de nullité. Il en résulte que la commune du Dévoluy ne peut utilement invoquer l'application de la convention du 7 février 2006, ni d'ailleurs le principe de loyauté des relations contractuelles, même requalifié par elle en " offre de concours ".
7. La réalisation des équipements publics en cause n'ont pas été, par leur seule réalisation, à l'origine d'un enrichissement des sociétés requérantes. La commune n'est dès lors pas fondée à se prévaloir d'un enrichissement sans cause des sociétés requérantes.
8. Selon les principes dont s'inspirent les dispositions de l'article 1378 du code civil, il n'y a lieu de fixer le point de départ des intérêts au jour du paiement que lorsqu'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu les sommes dont il est demandé répétition. En l'occurrence, la commune du Dévoluy n'a fait preuve d'aucune mauvaise foi. Les sociétés requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir que les intérêts devraient courir à compter de la date où elles ont acquitté les sommes en cause. Leur demande relative à la réévaluation des intérêts ne peut qu'être rejetée. La commune n'est, quant à elle, pas fondée à critiquer le jugement en invoquant les dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, dès lors que les intérêts ont été appliqués par application des dispositions de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme.
9. Il résulte de ce qui précède que la commune du Dévoluy n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a fait droit aux demandes des sociétés l'Immobilière Patrimoine SA et les Chalets du Soleil. En revanche les conclusions incidentes des sociétés tendant à ce que les intérêts perçus sur les sommes en cause soient majorés ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais du litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune du Dévoluy fondées sur ces dispositions, dès lors que sociétés l'Immobilière Patrimoine SA et les Chalets du Soleil n'ont pas la qualité de partie perdante à l'instance. Il n'y a pas lieu sur le fondement des mêmes dispositions de mettre à la charge de la commune les sommes que demandent les sociétés requérantes.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune du Dévoluy est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par les sociétés l'Immobilière Patrimoine SA et les Chalets du Soleil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Dévoluy, à la société l'Immobilière Patrimoine SA et à la SCI les Chalets du Soleil.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. C..., président assesseur,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 février 2020.
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N° 19MA00177