Vu la procédure suivante :
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 octobre 2019, 27 et 29 janvier 2020, la société Le Muy Development, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 8 août 2019, par laquelle le maire de la commune du Muy a refusé de délivrer le permis de construire nécessaire à la construction du Pôle de la Mode et du Design ;
2°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est irrégulier en raison d'un défaut de motivation et d'erreurs de fait ;
- la Commission a méconnu l'article L. 752-6 du code du commerce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2019, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la société n'établit l'existence d'aucun intérêt pour agir ; le dirigeant ne dispose pas de qualité pour agir ;
- les moyens soulevés par la société Le Muy Development ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 26 juin 2020, la commune du Muy, représentée par Me B..., conclut au bien-fondé de la requête et à l'annulation de la décision du maire de la commune du Muy du 8 août 2019.
Elle soutient que :
- l'avis de la CNAC est irrégulier faute d'avoir été informée des décisions de justice intervenues ;
- c'est à tort que la CNAC se prévaut de l'autorité de la chose jugée ;
- son avis est entachée d'erreurs de faits ;
- le projet ne consomme pas d'espaces naturels et ne favorise pas l'étalement urbain ;
- la desserte est suffisante et le projet n'a pas d'impact sur cette desserte ;
- la sécurité incendie est assurée ;
- le projet n'a pas d'effet négatif sur l'animation de la vie locale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la société Le Muy Development, et de Me E..., représentant la commune du Muy.
Considérant ce qui suit :
1. La société Le Muy Development demande à la Cour d'annuler la décision du 8 août 2019, par laquelle le maire de la commune du Muy a refusé de délivrer le permis de construire nécessaire à la construction du Pôle de la Mode et du Design, ensemble commercial de type " village de marque ", d'une surface de vente de 21 690 m2, composé d'environ cent boutiques de moins de 300 m2, spécialisées dans l'équipement de la personne, vêtements, accessoires, articles de luxe, outre des restaurants et bars. La commune du Muy, par un mémoire en intervention du 8 juin 2020, conclut aux mêmes fins que la requête.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'intervention de la commune à l'appui des conclusions en annulation dirigées contre sa propre décision :
2. Si eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la Commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables, ni qu'elle doive répondre à chacun des arguments des parties. L'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 2 mai 2019 est notamment motivé par une consommation excessive d'espace naturel (30 000 m2) et le mitage du paysage naturel, un effet négatif sur l'animation de la vie urbaine, dans la zone de chalandise, un effet négatif en matière d'environnement, une mauvaise évaluation des flux en provenance des ports, une imperméabilisation des sols et des atteintes à des espèces protégés. Ainsi, et alors même qu'il ne mentionne pas deux jugements du tribunal administratif de Toulon, cet avis est suffisamment motivé.
3. Il ressort des pièces du dossier que le projet, de plus de 25 000 m2 de surface commerciale, prend place sur 4 parcelles de plus de 90 000 m2. Il est situé sur un terrain dont une partie limitée a la nature d'une friche, servant en partie de dépôt d'ordures selon la société requérante, à la suite de l'abandon d'un projet hôtelier antérieur. Par ailleurs, il se situe dans une zone 5 AU du plan local d'urbanisme de la commune du Muy, qui autorise " des activités économiques à vocation, notamment, commerciales, touristiques, sportives et de loisirs ". Toutefois, en relevant que " la réalisation de cette opération, bien que relativement compacte, entrainera néanmoins un étalement urbain significatif, absorbant une superficie importante d'espaces naturels, environ 30 000 m2 ; que par son positionnement, elle contribuera au " mitage " du paysage naturel environnement ", la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur de fait, dès lors que la majeure partie de la zone à construire n'a pas fait l'objet de terrassements, et ce quand bien même des mesures de compensation par la réalisation d'espaces verts seraient prévus. Elle a donc pu être qualifiée " d'espace naturel " sans que cette qualification ne révèle une altération de l'appréciation de la Commission ou une méconnaissance de la chose jugée par la juridiction administrative, et notamment par les jugements invoqués du tribunal administratif de Toulon.
4. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.- A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
5. Il ressort des pièces du dossier que la zone de chalandise du projet se situe dans un secteur isochrone de 1 h 30 minutes en automobiles, incluant notamment la ville de Marseille et celle de Monaco. Sa réalisation aurait des effets négatifs pour les commerces de centres de plusieurs villes telles que Draguignan, qui a fait l'objet d'une décision d'attribution du FISAC ou la Communauté d'agglomération Dracénoise, ou encore les villes de Grasse, Vallauris ou Brignoles, ces dernières étant engagées dans un partenariat dit " coeur de ville " avec l'Etat ayant pour objectif de les revitaliser. La Commission n'a pas indiqué, contrairement aux affirmations de la requérante, que la clientèle du projet serait exclusivement composée d'une clientèle touristique étrangère croisiériste. Au demeurant, si le projet concerne majoritairement des magasins de luxe, il est également prévu de réaliser une maison des territoires vendant des produits locaux, et plusieurs restaurants, qui auront un impact sur l'activité locale. La Commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation en se fondant sur l'impact négatif sur l'animation de la vie urbaine du projet, et en ce qui concerne la consommation de l'espace. Cette dernière n'a pas davantage commis d'erreur en soulignant les effets environnementaux négatifs s'agissant des déplacements par autobus de la clientèle en provenance des ports et des bateaux de croisières. A supposer même que l'étude de flux puisse être considérée comme suffisante, les motifs de refus de la Commission, qui ne s'est pas fondée sur l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat le 17 avril 2015 et n'a pas commis d'erreurs de fait, justifient légalement l'avis négatif qu'elle a émis.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Le Muy Development n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 8 août 2019, par laquelle le maire de la commune du Muy a refusé de délivrer le permis de construire nécessaire à la construction du Pôle de la Mode et du Design.
Sur les frais du litige :
7. La Commission nationale d'aménagement commercial n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance, les conclusions de la société Le Muy Development fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Le Muy Development est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Muy Development, à la commune du Muy et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. D..., président-assesseur,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2020.
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N° 19MA04491