Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Di.Fa. a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er février 2010 au 31 janvier 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2011 à 2013.
Par l'article 1er du jugement n° 1603245 du 11 février 2019, le tribunal administratif de Toulon a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande à hauteur de 133 796 euros et par l'article 2 a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2019, la SARL Di.Fa., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 février 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités demeurant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a constaté un non-lieu à statuer à hauteur de 133 796 euros, alors que le total des sommes remises par l'administration s'élève à 133 496 euros ;
- la méthode de reconstitution de ses recettes est radicalement viciée ;
- le vérificateur aurait dû tenir compte des stocks ;
- les abattements pour pertes et offerts qui ont été retenus sont insuffisants ;
- elle propose une méthode de reconstitution de ses recettes qui tient compte des conditions d'exercice de l'activité ;
- l'administration ne pouvait faire application de la majoration pour manquement délibéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Di.Fa. ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SARL Di.Fa., qui exerce à Sanary-sur-Mer une activité de restauration, l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité de la société et procédé notamment à la reconstitution du chiffre d'affaires, l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er février 2010 au 31 janvier 2013, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, et lui a infligé au titre des années 2011 à 2013 l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts. La SARL Di.Fa. a contesté ces impositions et pénalités devant le tribunal administratif de Toulon, qui par jugement du 11 février 2019 a constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge de la demande à hauteur des sommes remises en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La SARL Di.Fa. fait appel de ce jugement.
I. La régularité du jugement :
2. Par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande à concurrence de 133 796 euros, correspondants aux intérêts de retard et amendes remis par l'administration sur le fondement de l'article 1756 du code général des impôts après que la SARL Di.Fa. a été placée en redressement judiciaire. Il est toutefois constant que le total des sommes remises ne s'est élevé qu'à 133 496 euros. Ainsi, le tribunal administratif s'est mépris sur l'étendue du litige dont il demeurait saisi. L'article 1er du jugement attaqué doit dès lors être annulé en tant qu'il prononce un non-lieu pour un montant supérieur à la somme de 133 496 euros.
II. Le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant des périodes du 1er février 2010 au 31 janvier 2011 et du 1er février 2012 au 31 janvier 2013 :
3. En premier lieu, la méthode retenue pour reconstituer les recettes de l'activité pour la période du 1er février 2012 au 31 janvier 2013 a consisté à déterminer, dans un premier temps, le coefficient des vins et champagnes vendus par rapport au total des notes. Le vérificateur a déterminé le chiffre d'affaires des vins et des champagnes à partir de la totalité des factures d'achat, corroborées par les informations obtenues auprès des fournisseurs, en tenant compte des tarifs et dosages indiqués par le représentant de la société au cours du contrôle, ainsi que de l'utilisation en cuisine de certains alcools, de la consommation du personnel, des pertes et des offerts. Faute de présentation du détail des recettes de la période, il a ensuite déterminé le rapport existant entre le chiffre d'affaires des vins et des champagnes et le chiffre d'affaires de l'activité de restauration à partir des notes des mois de février à mai 2014, soit 16,23 %. Ce rapport a ensuite été appliqué aux achats de vins et de champagnes afin de déterminer les recettes omises pour la période. Pour la période du 1er février 2010 au 31 janvier 2011, le vérificateur, faute de production de la comptabilité, a reconstitué les achats de vins et de champagnes à partir des renseignements obtenus dans le cadre du droit de communication, et déterminé le chiffre d'affaires correspondant à partir de la marge dégagée sur l'exercice clos en 2013. Il a ensuite appliqué le rapport de 16,23 % pour déterminer le chiffre d'affaires total. Cette méthode, contrairement à ce qui est soutenu, tient nécessairement compte de la période de fermeture du restaurant dès lors qu'elle est fondée sur les achats réels de vins et de champagnes. Par ailleurs, le vérificateur n'était pas en mesure de tenir compte des variations de stocks, à défaut d'inventaire probant et de concordance entre le stock comptabilisé et l'inventaire. Enfin, si le rapport existant entre le chiffre d'affaires des vins et champagnes et le chiffre d'affaires total a été déterminé à partir de notes établies entre les mois de février et mai 2014, faute d'autre élément mis à la disposition du vérificateur et permettant de déterminer ces ratios, cette circonstance ne suffit pas à faire regarder la méthode suivie comme étant radicalement viciée, dès lors que la SARL Di.Fa., en se bornant à faire état de ses difficultés financières au cours du premier exercice vérifié et de la cession de ses parts sociales en 2012, ne justifie pas d'un changement dans les conditions d'exploitation.
4. En deuxième lieu, le vérificateur, ainsi qu'il a été dit précédemment, a tenu compte, pour déterminer les achats revendus, de la consommation du personnel, des pertes et des offerts. Il a retenu à ce titre un abattement de 3 % sur l'ensemble des produits vendus au verre ou en pichet, porté à 5 % pour tenir compte des offerts en ce qui concerne les apéritifs, et de 12,5 % s'agissant de la bière pression. Si la SARL Di.Fa. soutient à titre subsidiaire que ces abattements sont insuffisants en ce qui concerne les pertes et les offerts, elle n'apporte aucun élément précis et probant permettant d'établir que le vérificateur aurait dû accorder à ce titre une réfaction supérieure.
5. En troisième lieu, si la société requérante demande à la Cour de retenir une reconstitution de recettes tenant compte des conditions d'exercice de son activité, elle ne propose aucune méthode de reconstitution alternative.
S'agissant de la période du 1er février 2011 au 31 janvier 2012 :
6. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
7. La SARL Di.Fa. dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er février 2011 au 31 janvier 2012 et le supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012 ont été régulièrement établis selon la procédure de taxation d'office, supporte la charge de la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition.
8. Faute de présentation de la comptabilité, et compte tenu des incohérences constatées entre les informations relatives aux achats de vins obtenues dans le cadre du droit de communication exercé auprès des fournisseurs, les autres achats destinés à l'exploitation et les encaissements sur le compte bancaire de la société, le vérificateur a reconstitué les recettes à partir de ces encaissements. Il a déterminé à partir du compte de caisse de l'exercice clos en 2013 la proportion des recettes en espèces par rapport aux chèques. Ce rapport a été appliqué aux encaissements de la période en cause, qui correspondaient presque exclusivement à des remises de chèques, afin de déterminer le chiffre d'affaires total. En se bornant à soutenir que cette méthode ne tiendrait pas compte de la période de fermeture du restaurant, alors qu'elle est fondée sur les encaissements, dont il n'est ni établi ni même allégué qu'ils ne correspondraient pas à des recettes réalisées au cours de la période d'ouverture du restaurant, la société, qui ne propose aucune méthode de reconstitution alternative, ne rapporte pas la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition.
En ce qui concerne les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
10. La SARL Di.Fa., qui ne conteste pas que sa comptabilité était entachée d'insuffisances graves, a, de façon répétée, fortement minoré le chiffre d'affaires déclaré. L'ensemble de ces constatations traduit une volonté délibérée d'éluder l'impôt. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré de la société requérante. Cette dernière n'est ainsi pas fondée à demander la décharge des majorations mises à sa charge.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Di.Fa. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
III. Les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SARL Di.Fa. présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1603245 du 11 février 2019 du tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il prononce un non-lieu pour un montant supérieur à la somme de 133 496 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Di.Fa. est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Di.Fa. et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2020.
6
N° 19MA01716
nc