Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser une somme de 627 800 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'abattage de son cheptel bovin en raison d'une suspicion de tuberculose, ou, à titre subsidiaire, une indemnité d'abattage d'un montant total de 103 287 euros.
Par un jugement n° 1600943 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2018, régularisée le 12 octobre 2018, et des mémoires enregistrés le 21 octobre 2019, le 30 octobre 2019, le 4 novembre 2019 et le 9 mars 2021, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2018 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 627 800 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ou, à titre subsidiaire, une indemnité d'abattage d'un montant total de 103 287 euros ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise à fin d'évaluation de ses préjudices ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration a illégalement procédé à l'abattage de son cheptel, dès lors que la mise en demeure du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 mars 2013 de procéder à cet abattage a été annulée par le tribunal administratif de Marseille par un jugement rendu le 20 mai 2015 ;
- l'administration a illégalement procédé à l'abattage de son troupeau, dès lors que la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 5 juillet 2013 portant abattage total des bovins de son exploitation n'est pas justifiée ;
- l'administration a commis des actes de cruauté inutile envers les bovins qui composaient son troupeau ;
- à titre subsidiaire, il est en droit de bénéficier de l'indemnité d'abattage prévue par l'arrêté ministériel du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus et des denrées et produits détruits sur ordre de l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la Cour de rejeter la requête de M. A....
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus et des denrées et produits détruits sur ordre de l'administration ;
- l'arrêté du 15 septembre 2003 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovinés et des caprins ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Barthez, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 22226 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un arrêté du 14 avril 2011 du préfet des Bouches-du-Rhône portant déclaration d'infection au titre de la tuberculose bovine et plaçant sous surveillance l'exploitation de M. A..., et après que ce dernier a été mis en demeure par le préfet, le 19 mars 2013, de procéder à l'abattage total du cheptel, cet abattage a été ordonné par une décision préfectorale du 5 juillet 2013. L'abattage du cheptel concerné a été réalisé les 18 et 19 juillet 2013. Par jugement du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A... tendant à obtenir la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 627 800 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cet abattage, ou, à titre subsidiaire, une indemnité d'abattage d'un montant total de 103 287 euros. M. A... fait appel de ce jugement.
Sur les conclusions indemnitaires présentées à titre principal sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'administration :
2. En premier lieu, l'abattage du cheptel du requérant procède exclusivement de la décision préfectorale du 5 juillet 2013 portant abattage total des bovins de son exploitation, qui n'a pas le même objet que la décision préfectorale du 19 mars 2013 le mettant en demeure de procéder lui-même à l'abattage du troupeau. Par suite, l'annulation de la mise en demeure du 19 mars 2013 par le tribunal administratif de Marseille n'est en tout état de cause pas de nature à entacher d'illégalité la décision du 5 juillet 2013. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision préfectorale du 5 juillet 2013 portant abattage total des bovins de son exploitation serait entachée d'une illégalité fautive en raison de l'annulation de la mise en demeure du 19 mars 2013.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 de l'arrêté du 15 septembre 2003 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovinés et des caprins, applicable au présent litige : " Pour l'application du présent arrêté, les bovinés sont considérés comme : / (...) 3° Infectés de tuberculose dans les cas suivants : / (...) b) Après isolement et identification de Mycobacterium bovis ou Mycobacterium tuberculosis dans un laboratoire agréé (...) ". Aux termes de l'article 21 du même arrêté, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Pour l'application du présent chapitre, un troupeau de bovinés est déclaré : / (...) 3° Infecté de tuberculose lorsqu'un boviné infecté de tuberculose au sens de l'article 12 (3°, a, b, c, d et e) y est détenu ou en provient ". Aux termes de l'article 29 de cet arrêté : " Sauf dans les cas prévus à l'article 31, l'assainissement par abattage total d'un troupeau de bovinés déclaré infecté de tuberculose est obligatoire sur l'ensemble du territoire national (...) ". Aux termes de l'article 31 dudit arrêté, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - 1° Dans le cadre de la préservation de races d'intérêt local, le directeur départemental en charge de la protection des populations peut autoriser la mise en oeuvre de plans d'assainissement des troupeaux par abattage sélectif des animaux (...) ". Aux termes de l'article 11 de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 décembre 2009 fixant les mesures particulières de lutte contre la tuberculose bovine dans les cheptels bovins de " Raço di Biou " et de race " de Combat " : " Sans préjudice des dispositions de l'article 31 de l'arrêté ministériel du 15 septembre 2003 susvisé, l'arrêté préfectoral portant déclaration d'infection d'un troupeau reconnu infecté de tuberculose, et dans lequel est mis en oeuvre un plan d'assainissement par abattage sélectif, impose l'application des mesures suivantes : / a) Réalisation de contrôles sanguins par le test de dosage de l'interféron gamma, couplés à l'intradermotuberculination, sur tous les bovins de plus de six semaines. Ces contrôles sont réalisés à intervalles de 6 semaines au moins à deux mois au plus (...) ". Aux termes de l'article 13 de cet arrêté : " Dans un troupeau détenant des bovins de race " de combat " ou " raço di biou " reconnu infecté de tuberculose où est mis en oeuvre un plan d'assainissement par abattage sélectif, l'abattage total est immédiatement mis en oeuvre par le directeur départemental des services vétérinaires, si : / (...) les conditions d'assainissement par abattage sélectif définies par le présent arrêté ne sont pas respectées ; l'assainissement par abattage sélectif ne permet pas la requalification officiellement indemne de turberculose du troupeau en deux ans. ".
4. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qui est soutenu, une souche de Mycobacterium bovis a été identifiée par le laboratoire de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (ANSES) sur des prélèvements réalisés le 6 janvier 2011 sur deux des animaux de l'exploitation de M. A.... Par suite, c'est à bon droit que le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré le troupeau de M. A... infecté de tuberculose et l'a placé sous surveillance par l'arrêté du 14 avril 2011. Par ailleurs, alors qu'au demeurant l'abattage total du troupeau n'a pas été immédiatement mis en oeuvre malgré la circonstance que M. A... ne s'est pas conformé aux mesures d'assainissement prescrites par cet arrêté tenant à la réalisation de tests tuberculiniques couplés à des contrôles sanguins à intervalles réguliers, le laboratoire départemental d'analyses a identifié la présence de Mycobacterium bovis sur l'un des trois bovins abattus le 16 janvier 2013, et cette identification a été confirmée par l'ANSES le 16 mai 2013. Ainsi, le préfet était fondé à mettre en oeuvre, par sa décision du 5 juillet 2013, l'abattage total du cheptel en cause. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait illégalement procédé à l'abattage de son troupeau.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 231-6 du code rural et de la pêche maritime : " La mise à mort hors d'un abattoir est autorisée : / (...) 3° Pour les animaux se trouvant dans les cas suivants : / (...) d) Les animaux mis à mort comme dangereux ou susceptibles de présenter un danger ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 214-17 du même code : " Si, du fait de mauvais traitements ou d'absence de soins, des animaux domestiques ou des animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité sont trouvés gravement malades ou blessés ou en état de misère physiologique, le préfet prend les mesures nécessaires pour que la souffrance des animaux soit réduite au minimum ; il peut ordonner l'abattage ou la mise à mort éventuellement sur place (...) ".
6. Il résulte de l'instruction qu'en exécution de la décision portant abattage du troupeau de M. A..., les animaux ont été chargés sur l'exploitation le 18 juillet 2013, et transportés à Tarascon afin d'y être abattus le lendemain. Il est constant que trois animaux ont été abattus sur place et qu'un animal a été retrouvé mort, les pattes prises dans les fils barbelés de la clôture. Toutefois, il ressort notamment d'une lettre adressée le 7 août 2013 par le sous-préfet d'Arles à M. A... que ce dernier a lui-même estimé que le comportement du taureau qui s'était échappé et a été abattu sur place était dangereux, que le veau qui a été abattu sur place s'était également échappé et ne pouvait être rattrapé, que la vache qui a été abattue sur place se tenait à l'écart du troupeau et était affaiblie, et que le corps de la vache trouvée morte était déjà atteint de putréfaction. La seule production de photographies représentant prétendument les trois animaux abattus sur place le 18 juillet 2013 ne permet pas de démontrer que le taureau et le veau qui s'étaient échappés n'auraient pas été dangereux ou susceptibles de présenter un danger, ni que la vache n'aurait pas été en état de misère physiologique. Par ailleurs, la mort de la vache retrouvée les pattes prises dans les fils de la clôture ne saurait être imputée aux opérations de chargement des animaux. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait commis des actes de cruauté inutile envers les bovins qui composaient son troupeau.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'établit pas l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
Sur les conclusions subsidiaires tendant au versement de l'indemnité d'abattage :
8. Aux termes du I de l'article 6 bis de l'arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus et des denrées et produits détruits sur ordre de l'administration, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'indemnisation de la valeur marchande objective des animaux est versée à l'éleveur sur présentation des justificatifs de l'abattage de l'ensemble des animaux visés par la décision et, le cas échéant, de leur valorisation bouchère ".
9. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qui est soutenu, M. A... n'a pas justifié de l'abattage de quinze des bovins identifiés et recensés sur l'exploitation le 16 novembre 2012, qui n'étaient pas présents lors des opérations de chargement et d'abattage des animaux des 18 et 19 juillet 2013. Par suite, faute de justification de l'abattage de l'ensemble des animaux visés par la décision, l'administration était fondée à refuser à M. A... le versement de l'indemnité d'abattage.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise à fin d'évaluation des préjudices de M. A..., que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge d'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, où siégeaient :
M. Barthez, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 22226 du code de justice administrative,
Mme Carotenuto, premier conseiller,
Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2021.
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N° 18MA03548
nc