Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 16 avril 2020, le 11 janvier et le 22 janvier 2021, la société Sodipi, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le permis de construire délivré le 28 novembre 2019 par le maire de Roujan à la SAS Bordes Distribution et à la SCI Capcaroux Immo en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;
2°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête n'est pas tardive ;
- elle a intérêt à agir contre la décision attaquée ;
- elle disposait d'un intérêt pour contester le projet devant la Commission nationale de l'aménagement commercial ;
- la décision par laquelle la CNAC a rejeté son recours est irrégulière, dès lors que la Commission ne l'a pas préalablement informée du motif de rejet et ne l'a pas mise à même de présenter ses observations orales lors de la séance ;
- la zone de chalandise retenue par le pétitionnaire exclut à tort la commune de Pézenas ;
- le projet est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du Biterrois ;
- son impact sur l'aménagement du territoire et le développement durable est défavorable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2020, la SAS Bordes Distribution et la SCI Capcaroux Immo, représentées par la SCP CGCB et associés, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par la société Sodipi ;
2°) de mettre à sa charge le versement à chacune de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que les moyens soulevés par la société Sodipi ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2021, la commune de Roujan, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par la société Sodipi ;
2°) de mettre à la charge de la société Sodipi la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société requérante n'a pas intérêt à agir contre la décision attaquée ;
- les moyens nouveaux sont irrecevables en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme ;
- les moyens soulevés par la société Sodipi ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., substituant Me E..., avocat de la société Sodipi, de Me A..., substituant Me D..., avocat de la commune de Roujan, et de Me B..., représentant les sociétés Bordes Distribution et Capcaroux Immo.
Une note en délibéré a été enregistrée le 10 mai 2021 pour la société Sodipi.
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 octobre 2019, la commission départementale d'aménagement commercial de l'Hérault a donné un avis favorable au projet des sociétés Bordes Distribution et Capcaroux Immo portant sur l'extension de 1 920 mètres carrés de surface de vente d'un ensemble commercial situé à Roujan. Ce projet comprend notamment l'extension d'un hypermarché sous l'enseigne " Super U " " de 2 990 à 3 720 mètres carrés de surface de vente. Par une décision du 6 février 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté pour irrecevabilité le recours préalable présenté par la société Sodipi, qui exploite un supermarché sous l'enseigne " E. Leclerc " à Pézenas. La société Sodipi demande l'annulation du permis de construire délivré le 28 novembre 2019 par le maire de Roujan aux sociétés Bordes Distribution et Capcaroux Immo en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
2. Le premier alinéa du I de l'article L. 752-17 du code de commerce prévoit que : " (...) tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial ".
3. Pour l'application de cet article, un professionnel a intérêt à former un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis favorable donné à ce projet par la commission départementale puis, en cas d'avis favorable à nouveau donné par la commission nationale, un recours contentieux, lorsqu'il est implanté dans la zone de chalandise du projet. Un tel intérêt peut également résulter de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.
4. L'article R. 752-3 du code de commerce prévoit que : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. "
5. La commune de Pézenas est située en périphérie de la zone de chalandise du projet, à plus de dix minutes en voiture. Elle comprend un hypermarché " Carrefour Market " d'une surface de vente de 3 500 mètres carrés, un supermarché " E. Leclerc " d'une surface de vente de 1 600 mètres carrés, un supermarché " Aldi " d'une surface de vente de 1 011 mètres carrés, des magasins " Picard ", " Nourri Bio " et " Spar ", dont les surfaces de vente respectives s'élèvent respectivement à 200, 300 et 238 mètres carrés, ainsi que de nombreuses petites surfaces alimentaires. Ces équipements localisés dans une commune urbaine, alors que la commune de Roujan est située au centre d'une zone rurale, exercent un pouvoir d'attraction dont la délimitation de la zone de chalandise doit tenir compte. Réciproquement, la société requérante considère que son propre établissement à Pézenas n'exerce à Roujan qu'une " emprise marginale ". La commune de Pézenas pouvait donc, à bon droit, être exclue de la zone de chalandise du projet, quand bien même le magasin " Super U " procèderait à de l'affichage publicitaire sur son territoire.
6. La société requérante fait en outre valoir que son activité commerciale recoupe la zone de chalandise du projet sur quatre communes rurales. L'importance de son activité en lien avec ces quatre communes, qu'elle invoque, n'est cependant étayée par aucune pièce. Elle n'apporte ainsi aucun élément sur leur caractère significatif au regard de l'ensemble de son activité. En outre, le projet ne la concerne qu'en ce qu'il porte sur l'extension de l'hypermarché à dominante alimentaire. Or l'extension d'un équipement existant a un impact plus faible sur les flux de clientèle que la création d'un nouvel équipement. Il n'est pas donc pas établi que le projet litigieux serait susceptible d'avoir une incidence significative sur l'activité commerciale de la société requérante.
7. Il suit de là que la société Sodipi n'a pas intérêt à agir contre la décision attaquée. Sa requête ne peut dès lors qu'être rejetée.
8. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Sodipi le versement de la somme de 1 500 euros à la commune de Roujan et de la somme de 1 000 euros chacune à la SAS Bordes Distribution et à la SCI Capcaroux Immo au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.
9. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Sodipi sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Sodipi est rejetée.
Article 2 : La société Sodipi versera la somme de 1 500 euros à la commune de Roujan et celle de 1 000 euros chacune à la SAS Bordes Distribution et à la SCI Capcaroux Immo en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sodipi, à la commune de Roujan, à la SAS Bordes Distribution, à la SCI Capcaroux Immo, à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2021, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. C... et Mme F..., premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.
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No 20MA01642