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27/12/2021 | FRANCE | N°20MA01389

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 27 décembre 2021, 20MA01389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 20 février 2020 par lequel le préfet de la Haute-Corse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2000187 du 26 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia a annulé l'article 2 de l'arrêté du 20

février 2020 par lequel le préfet de la Haute-Corse a prononcé une mesure d'interdicti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 20 février 2020 par lequel le préfet de la Haute-Corse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2000187 du 26 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia a annulé l'article 2 de l'arrêté du 20 février 2020 par lequel le préfet de la Haute-Corse a prononcé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans à l'encontre de M. B... et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2020, M. C... B..., représenté par Me Lelièvre, avocate, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement du 26 février 2020 rejetant le surplus de ses conclusions ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 février 2020 par lequel le préfet de la Haute-Corse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce que le premier juge a écarté le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux sans justifier sa position ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation, dès lors que les éléments relatifs à sa vie privée et familiale n'ont pas été pris en compte, notamment son âge à la date de son entrée en A..., l'état de santé de ses parents, sa relation amoureuse avec une française et le fait qu'il n'a plus d'attaches au Maroc où il n'est pas retourné depuis 26 ans ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; le premier juge ne pouvait, pour écarter l'atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale portée par l'obligation de quitter le territoire français, mettre en balance les condamnations prononcées à son encontre ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au regard de l'ancienneté de sa présence en A..., de son absence d'attache dans son pays d'origine et de l'intensité de ses liens en A... ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs, le premier juge ayant annulé l'interdiction de retour sur le territoire français sans annuler la décision de refus de départ volontaire ;

- la décision refusant de lui accorder un départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; la seule circonstance qu'il ait été condamné ne saurait suffire pour considérer qu'il représente une menace grave, réelle et actuelle pour l'ordre public ; le risque de soustraction à l'OQT n'est pas établi dès lors qu'il bénéficie d'une adresse stable en A... ;

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il n'a pas exprimé l'intention de se soustraire à la mesure d'éloignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2020, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

A été entendu en audience publique le rapport de Mme Balaresque.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 février 2020, le préfet de la Haute-Corse a obligé M. B..., ressortissant marocain né le 26 mars 1980 à Marrakech, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement du 26 février 2020 du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En indiquant, au point 5 du jugement attaqué, que le moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux manquait en fait, après avoir relevé au point précédent que lors d'une audition le 14 février 2020, l'intéressé avait été avisé qu'il pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français et avait fait valoir à cette occasion qu'il s'y opposait car il avait en A... ses deux enfants ainsi que toute sa famille, y compris ses parents âgés et malades, et qu'il n'était pas retourné au Maroc depuis 26 ans, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia a suffisamment motivé la réponse à ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de l'arrêté contesté ainsi que de la notice de renseignements remplie lors de l'audition de M. B... lors du 14 février 2020, que les éléments relatifs à la vie privée et familiale de l'intéressé, en particulier la présence en A... de ses deux enfants et de ses parents ainsi que sa date d'entrée sur le territoire français, ont été pris en compte par le préfet de la Haute-Corse. Dès lors, ainsi que l'a jugé à bon droit le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté comme manquant en fait.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en A... en août 1994, à l'âge de quatorze ans, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. Il a obtenu le 25 juin 1997 une carte de résident d'une durée de dix ans. Si depuis l'expiration de cette carte en 2007, il soutient vivre de façon habituelle sur le territoire français, les pièces qu'il produit au soutien de sa requête ne permettent pas d'établir sa résidence continue en A... postérieurement à l'année 2013, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le tribunal administratif de Bastia, par un jugement devenu définitif du 4 octobre 2016 rejetant le recours de l'intéressé contre l'arrêté du 13 mai 2016 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer le titre de séjour " vie privée et familiale " qu'il avait sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par ailleurs, si M. B... fait valoir qu'il a deux enfants en A... dont une fille née en 2011, de nationalité française, qu'il a reconnue en mars 2016, il n'établit ni même n'allègue participer à l'entretien ou à l'éducation de ses enfants, qui vivent chacun auprès de leur mère, ou entretenir avec eux des liens affectifs étroits. S'il se prévaut également de sa relation avec une ressortissante française depuis juillet 2019, cette relation était très récente à la date de l'arrêté contesté, date à laquelle l'intéressé était incarcéré depuis décembre 2019 au sein du centre pénitentiaire de Borgo. M. B..., qui s'est maintenu de façon irrégulière sur le territoire français depuis 2007 et a fait l'objet de cinq condamnations pénales entre 2003 et 2019, dont la dernière par jugement du tribunal correctionnel de Bastia du 7 janvier 2019 qui l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement et à une interdiction de séjour d'une durée de 5 ans sur le territoire de la Corse pour violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité supérieure à 8 jours en récidive, ne saurait se prévaloir d'une bonne intégration au sein de la société française. Enfin, si l'intéressé soutient que depuis le décès de ses grands-parents, il est dépourvu de toute attache familiale au Maroc, il ne l'établit pas. Ainsi, eu égard aux conditions du séjour de l'intéressé, le préfet de la Haute-Corse, en obligeant M. B... a quitté le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive et disproportionnée par rapport aux buts en vue duquel cette mesure a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est entachée ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un départ volontaire :

6. Aux termes du II de l'article L. 511-1, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ".

7. Contrairement à ce que fait valoir M. B..., les cinq condamnations pénales dont il a fait l'objet entre 2003 et 2019 suffisent à établir le fait que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. En outre, M. B... n'établit ni même n'allègue avoir exécuté l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre le 13 mai 2016 par le préfet de la Haute-Corse et devenue définitive. Enfin, il ressort de la notice de renseignements remplie lors de l'audition de M. B... le 14 février 2020 que ce dernier a expressément indiqué son refus de quitter le territoire français. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un départ volontaire serait entachée d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 20 février 2020 du préfet de la Haute-Corse lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2021, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2021.

5

No 20MA01389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01389
Date de la décision : 27/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : LELIEVRE-CASTELLORIZIOS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-27;20ma01389 ?
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