Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 juillet 2020 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par deux jugements n° 2006314 et n° 2006316 du 7 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de M. et Mme A....
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 11 janvier 2021, sous le n° 21MA00139, Mme C... B... épouse A..., représentée par Me Melliti-Makki, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 juillet 2020 portant rejet de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur le refus de séjour :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et est donc contraire à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait ; elle établit se maintenir sur le territoire français depuis dix ans et doit se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale tel que le prévoit l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation ; son admission au séjour est justifiée par des motifs exceptionnels et des considérations humanitaires ;
- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations en défense.
II. Par une requête enregistrée le 11 janvier 2021, sous le n° 21MA00141, M. D... A..., représenté par Me Melliti-Makki, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 juillet 2020 portant rejet de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de séjour :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et est donc contraire à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait ; il établit se maintenir sur le territoire français depuis dix ans et doit se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale tel que le prévoit l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation ; son admission au séjour est justifiée par des motifs exceptionnels et des considérations humanitaires ;
- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par deux décisions du 23 avril 2021, les demandes des requérants au bénéfice de l'aide juridictionnelle ont été rejetées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Balaresque a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les époux A..., de nationalité algérienne, relèvent appel des jugements du 7 décembre 2020 par lesquels le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 8 juillet 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône portant rejet de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 21MA00139 et 21MA00141 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une même décision.
Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des arrêtés contestés, par des motifs appropriés, figurant aux points 2 des jugements attaqués, qu'il convient d'adopter en appel.
4. En deuxième lieu, si les époux A... soutiennent que le préfet aurait commis une erreur de fait quant à la durée de leur résidence, il ressort toutefois de leurs écritures mêmes qu'ils ne sont entrés sur le territoire français qu'à l'été 2013, soit moins de dix ans avant les décisions contestées.
5. En troisième lieu, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, et font ainsi obstacle à l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, ces mêmes stipulations ne s'opposent pas à ce que le préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, puisse apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation des intéressés, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. Si le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 ne peut être utilement soulevé par les époux A..., ces derniers peuvent toutefois être regardés comme soutenant que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de les admettre au séjour au titre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, compte tenu de l'ensemble des éléments de leur situation personnelle.
7. Les requérants font valoir qu'entrés en France à l'été 2013, ils y résident habituellement depuis lors avec leurs quatre enfants nés en 1999, 2003, 2007 et 2013, qui sont tous scolarisés en France et dont le dernier, né à Marseille, n'a jamais connu l'Algérie et que M. A..., titulaire d'une promesse d'embauche en qualité d'agent de propreté, est également bénévole au sein de plusieurs associations. Ils font également valoir que certains membres de leur famille résident régulièrement en France. Toutefois, ces circonstances ne suffisent pas à établir qu'en refusant de régulariser leur situation, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de leur situation personnelle alors que les arrêtés contestés n'ont ni pour objet ni pour effet de les séparer de leurs enfants, dont il n'est pas établi qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine, où les requérants ne démontrent pas par ailleurs être dépourvus d'attaches familiales et où ils ont vécu jusqu'à l'âge de 42 ans pour Monsieur et de 36 ans pour Madame.
8. En quatrième lieu, M. et Mme A... ne sont pas non plus fondés à soutenir que les arrêtés contestés porteraient atteinte à l'intérêt supérieur de leurs trois enfants mineurs, alors qu'ainsi qu'il a été dit, ces décisions n'ont ni pour objet ni pour effet de les séparer de leurs enfants, dont il n'est pas établi qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les décisions portant refus de séjour ne sont pas entachées des illégalités que les requérants leur imputent. M. et Mme A... ne sont donc pas fondés à exciper de leur illégalité à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français.
10. En deuxième lieu, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé ainsi qu'il a été dit au point 3, de mention spécifique. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des obligations de quitter le territoire français litigieuses doit être écarté.
11. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
12. Si M. et Mme A... résident en France depuis 2013 avec leurs quatre enfants nés en 1999, 2003, 2007 et 2013, le plus jeune étant né en France, il est constant qu'ils sont tous deux en situation irrégulière et qu'ils n'ont sollicité une demande de titre de séjour que le 9 mai 2019, soit près de six ans après leur entrée sur le territoire. Il ne ressort en outre d'aucune des pièces versées au dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dans leur pays d'origine. En particulier, il n'est aucunement établi que les décisions en litige priveraient les enfants des époux A... E... la possibilité de poursuivre leur scolarité. Par ailleurs, le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par les couples mariés, de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints non nationaux dans le pays. Enfin, si les requérants se prévalent de la présence régulière en France de plusieurs membres de leur famille, ils ne démontrent pas être dépourvus d'attaches familiales dans le pays dont ils ont tous deux la nationalité et où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 42 ans pour Monsieur et de 36 ans pour Madame. Dans ces conditions, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne portent pas au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que les époux A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 juillet 2020. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 février 2022 où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.
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N° 21MA00139 - 21MA00141