Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association nationale des supporters a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a interdit à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club de football de l'Association sportive Saint-Etienne de circuler dans certaines communes du département des Alpes-Maritimes du samedi 12 mai 2018 à 00h00 au dimanche 13 mai 2018 à 06h00 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1805144 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2020, l'association nationale des supporters, représentée par Me Barthélémy, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a interdit à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club de football de l'Association sportive Saint-Etienne de circuler dans certaines communes du département des Alpes-Maritimes du samedi 12 mai 2018 à 00h00 au dimanche 13 mai 2018 à 06h00 ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant qu'il excède le périmètre situé autour du stade de l'Allianz Riviera où évolue le club de football de Nice ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance et 2 500 euros au titre des frais exposés en appel.
Elle soutient que :
- le préfet a commis une erreur d'appréciation ;
- les faits et les risques de troubles graves à l'ordre public ne sont pas établis ;
- aucune circonstance de temps et de lieu ne justifiait cette interdiction ;
- la décision attaquée est disproportionnée dès lors que des mesures moins contraignantes étaient de nature à maintenir l'ordre public.
Un mémoire du ministre de l'intérieur, a été enregistré le 13 avril 2022 à 22 h 34, après clôture de l'instruction. Il n'a en conséquence pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 4 mai 2018, le préfet des Alpes-Maritimes, à l'occasion de la rencontre entre les clubs de l'Association sportive Saint-Etienne (ASSE) et l'Association sportive (AS) de Monaco le 12 mai 2018 au stade Louis II de Monaco, a interdit à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club de football de l'ASSE ou se comportant comme tel, de circuler et d'accéder dans les communes de Nice, Villefranche-sur-Mer, Saint-Jean-Cap-Ferrat, Beaulieu-sur-Mer, Eze, Cap d'Ail, La Turbie, Beausoleil, Roquebrune-Cap-Martin et Menton du samedi 12 mai 2018 à 00h00 au dimanche 13 mai 2018 à 6h. L'association nationale des supporters relève appel du jugement qui a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 4 mai 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. En rejetant la requête qui lui a été présentée, le tribunal administratif de Nice doit être regardé comme ayant également rejeté, par les motifs du jugement, les conclusions subsidiaires en annulation partielle de l'ANS. Ainsi, le tribunal n'a pas statué infra pétita. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être rejeté.
Sur le fond :
3. Aux termes de l'article L. 332-16-2 du code du sport : " Le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté, restreindre la liberté d'aller et de venir des personnes se prévalant de la qualité de supporter d'une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d'une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d'occasionner des troubles graves pour l'ordre public. / L'arrêté énonce la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait et de lieu qui la motivent, ainsi que le territoire sur lequel elle s'applique (...) ". Les interdictions que le représentant de l'Etat dans le département peut décider sur le fondement de ces dispositions présentent le caractère de mesures de police. L'existence d'une atteinte à l'ordre public de nature à justifier de telles interdictions doit être appréciée objectivement, indépendamment du comportement des personnes qu'elles visent dès lors que leur seule présence est susceptible d'occasionner des troubles graves pour l'ordre public.
4. L'arrêté attaqué du préfet des Alpes-Maritimes est fondé sur les importants troubles à l'ordre public liés aux déplacements de l'ASSE et aux comportements des supporters de cette équipe. A cet égard, il est constant que la rencontre du 20 mai 2017 avec le football club de Nancy et le Dijon football Côte D'or, a donné lieu à des rixes entre supporters ainsi que des violences commises à l'encontre des forces de l'ordre aux abords des stades et dans les centres-villes. Il n'est pas sérieusement contesté que la rencontre du 16 septembre 2017 a, quant à elle, donné lieu à des incidents, notamment à la projection de fumigènes. Par ailleurs, la rencontre se déroulant sur le territoire de la Principauté de Monaco, un arrêté du ministre d'Etat de la Principauté du 18 avril 2018 a interdit l'entrée et la présence de personnes se prévalant de la qualité de supporters de l'ASSE du vendredi 11 mai 2018 à 00h00 au samedi 12 mai 2018 à minuit au motif d'un risque de troubles à l'ordre public par les supporters stéphanois. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la note des renseignements produite en défense par le préfet, que plusieurs groupes de supporters de l'ASSE avaient appelé à ne pas respecter cet arrêté et à se rendre à Monaco. Ainsi, il existait un risque que les supporters stéphanois, dont le nombre était évalué à 200 individus par l'administration, soient expulsés par la Principauté vers le département des Alpes-Maritimes. A la même date, l'Olympique gymnaste club (OGC) de Nice disputait une rencontre avec le Stade Malherbe de Caen à l'Allianz Riviera. Si cette rencontre ne présentait pas de risques particuliers, l'antagonisme existant entre les supporters de l'ASSE et ceux de l'OGC avait entraîné à plusieurs reprises des troubles à l'ordre public. A cet égard, de violents affrontements ont eu lieu lors de la rencontre entre les deux équipes le 24 novembre 2013, et des policiers intervenus ont été blessés. Par la suite, les déplacements de supporters des deux équipes ont été systématiquement interdits ou limités à un faible nombre de participants et aucun incident n'a eu lieu. L'association requérante ne peut dès lors invoquer sérieusement l'absence de confrontations violentes entre les supporters des deux équipes pour en déduire qu'il n'existait plus entre elles aucun antagonisme. Par ailleurs, l'arrêté se fonde sur le caractère violent des supporters stéphanois, plusieurs fois constaté, lequel n'est pas réellement contesté. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté litigieux, le préfet des Alpes-Maritimes ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts.
5. L'arrêté attaqué mentionne également la mobilisation particulière des forces de l'ordre dans le cadre de la lutte contre la menace terroriste, ainsi que lors du Grand Prix de Monaco du 11 au 13 mai 2018. Le préfet ne disposait pas de forces mobiles suffisantes pour qu'une mesure moins contraignante que celle édictée soit prise. Notamment, si l'interdiction porte sur l'ensemble des communes littorales situées entre Nice et Monaco, son importance résulte de l'objectif consistant à séparer, et éviter la rencontre, des supporters des deux équipes. La mesure d'interdiction est dès lors justifiée, et proportionnée.
6. Il résulte de ce qui précède que l'ANS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Sa demande fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit également être rejetée, l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association nationale des supporters est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association nationale des supporters et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- M. Merenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2022.
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N° 20MA02846