Vu la procédure suivante :
M. G... H..., déclarant, dans le dernier état de ses écritures, agir en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de Mmes E... et Michelle H...,
et Mme F... C... épouse H..., ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Pietralba à leur verser les sommes de 50 000 euros,
de 100 000 euros et de 54 000 euros en réparation respectivement des préjudices matériel, moral et de jouissance qu'ils estiment avoir subis du fait de l'écoulement des eaux pluviales sur leurs propriétés, ainsi que la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral causé à
Mmes E... et Michelle H..., et d'enjoindre à la commune de Pietralba d'exécuter les travaux préconisés par l'experte désignée par l'ordonnance du 19 juin 2017 du président du tribunal administratif, seuls de nature à remédier aux causes d'inondations dont ils estiment la commune responsable, dans un délai de six mois à compter du rapport du bureau d'études aux services duquel il est demandé de recourir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de cette date.
Par un jugement n° 1901197 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté les demandes des requérants et mis à la charge définitive de la commune de Pietralba les frais et honoraires de l'expertise, décidée par ordonnance du 19 juin 2017 du président du tribunal administratif de Bastia, et liquidés et taxés à la somme de 5 111,16 euros par l'ordonnance du
30 janvier 2019 du même président du tribunal administratif de Bastia.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 septembre 2021 et 4 mars 2022, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 31 mai 2022, M. G... H..., déclarant agir en son personnel et en celui de Mme D... H..., sa sœur, dont il se dit l'ayant-droit, et Mme F... H..., représentés par Me Colombani, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 juillet 2021 en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires présentées par
M. G... H... au nom de sa défunte sœur, et rejeté ses demandes indemnitaires ;
2°) de condamner la commune de Pietralba à leur verser les sommes de
86 176,12 euros, de 100 000 euros et de 54 000 euros en réparation respectivement des préjudices matériel, moral et de jouissance qu'ils estiment avoir subis du fait de l'écoulement des eaux pluviales sur leurs propriétés, ainsi que la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral causé à Mmes E... et Michelle H... ;
3°) d'enjoindre à la commune de Pietralba d'exécuter ou faire exécuter les travaux utiles pour faire cesser les nuisances liées au ruissellement des eaux pluviales sur leurs propriétés, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et d'assurer la maîtrise d'œuvre des travaux d'assainissement, lesquels devront être réalisés dans un délai de
six mois à compter du rapport du bureau d'études, aux services duquel il est demandé de recourir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de cette date ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Pietralba une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- M. H... a qualité d'ayant-droit de sa sœur Mme D... H... et pouvait présenter une demande indemnitaire à ce titre ;
- le dommage qu'ils sont amenés à supporter est anormal et spécial en ce qu'il excède les sujétions inhérentes à la proximité de la voie publique ;
- la responsabilité de la commune de Pietralba est engagée en vertu des dispositions des articles R. 141-2 du code de la voirie routière et L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales ;
- ils sont fondés à obtenir la condamnation de la commune à les indemniser des préjudices matériel, moral et de jouissance qu'ils estiment avoir subis ;
- le préjudice matériel est constitué par les travaux nécessaires à la remise en état des murs partiellement détruits sur la propriété de Mme D... H..., s'élevant à la somme de 84 175,12 euros :
- le préjudice moral des époux H... résulte des désordres récurrents sur leur propriété, et celui de Mme D... H... des nombreuses procédures qu'elle a dû engager pour faire reconnaitre ses revendications ;
- la cause de leurs préjudices n'a pas pris fin, les travaux préconisés par l'expert judiciaire n'ayant pas été mis en œuvre.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 novembre 2021, 3 décembre 2021,
28 décembre 2021 et 1er juillet 2022, la commune de Pietralba, représentée par Me Bellagamba, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de M. et Mme H... ;
2°) au titre de l'appel incident, d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a considéré que la responsabilité sans faute de la commune était engagée ;
3°) de mettre à la charge définitive de M. et Mme H... les frais d'expertise ;
4°) de mettre à la charge de M. et Mme H... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête introduite par M. H... est irrecevable en tant qu'il ne justifie pas de sa qualité à agir au nom de sa mère et de sa sœur décédées, E... et Michelle H..., propriétaires des parcelles cadastrées section B nos 816, 817, 818, 820, 822 et 823, ni au nom de l'indivision ;
- la responsabilité de la commune ne peut être engagée, ni pour faute ni sans faute, dès lors que les dommages invoqués par les requérants ont pour cause l'artificialisation progressive des sols en amont, depuis l'acquisition des parcelles concernées, et l'attitude des époux H..., qui n'ont pas installé de drain périphérique autour de leur maison ou, du moins, pas de drain efficace, et ont fait interrompre les travaux réalisés par la commune aux fins de collecte des eaux pluviales, fautes exonérant la commune de toute responsabilité, alors qu'elle a
elle-même accompli toutes les diligences nécessaires au bon écoulement des eaux pluviales ;
- les demandes indemnitaires faites par Mmes E... et Michelle H..., ont été définitivement rejetées par une décision ayant autorité de chose jugée ;
- l'expert judiciaire n'a pas complètement répondu à la mission qui lui avait été confiée, dès lors qu'il s'est abstenu de déterminer les moyens de remédier aux désordres n'impliquant pas de passage sur les parcelles B n° 820 et B n° 821 ;
- les préjudices invoqués ne sont pas établis et sont, à tout le moins, excessifs dans leur montant.
M. G... H... a produit, sans le ministère de son avocat, sous le
n° 21MA03911, des pièces, qui ont été enregistrées les 14 novembre 2021, 16 novembre 2021, 20 novembre 2021, 22 novembre 2021, 24 novembre 2021, 13 décembre 2021,
14 décembre 2021, 17 décembre 2021, 18 décembre 2021, 20 décembre 2021,
23 décembre 2021, 25 décembre 2021, 30 décembre 2021, 4 janvier 2022, 12 janvier 2022,
24 mars 2022, 11 avril 2022, 27 avril 2022, 12 mai 2022 et le 4 juin 2022.
Par lettre du 29 juin 2022, les parties ont été informées, en application de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen, soulevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices de Mmes E... et Michelle H... et à ce qu'il soit enjoint à la commune de Pietralba de procéder aux travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres affectant la propriété de feue Mme D... H..., qui n'ont pas été précédées d'une réclamation préalable permettant de lier le contentieux.
Par une seconde lettre du 29 juin 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen, soulevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions, soulevées par la commune de Pietralba, tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il reconnaît sa responsabilité sans faute, dès lors que, n'ayant fait l'objet d'aucune condamnation ni n'étant soumise à aucune injonction, la commune ne justifie pas, dans cette mesure, d'un intérêt à agir.
La commune de Pietralba a répondu à ces lettres le 1er juillet 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Michaël Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
M. H... a produit une note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2022.
Considérant ce qui suit :
1. M. G... H... et Mme F... C... épouse H..., propriétaires d'une parcelle cadastrée section B n° 819 située sur le territoire de la commune de Pietralba, relèvent appel du jugement du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a rejeté les demandes indemnitaires présentées en leur nom et en celui de
Mme D... H..., décédée, dont M. G... H... se dit ayant-droit, ainsi que leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de réaliser les travaux permettant de mettre fin aux désordres qui affectent, selon eux, leur propriété ainsi que la propriété de feue Mme D... H..., dont M. G... H... affirme être devenu depuis propriétaire indivis. La commune de Pietralba, demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en tant qu'il retient sa responsabilité sans faute et qu'il met à sa charge les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Bastia le 19 juin 2017.
Sur l'appel principal :
2. La personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d'une personne publique peut former devant le juge administratif une action en responsabilité tendant à ce que cette personne publique soit condamnée à l'indemniser des conséquences dommageables de ce comportement. Elle peut également, lorsqu'elle établit la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu'elle lui cause, assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets. De telles conclusions à fin d'injonction ne peuvent être présentées qu'en complément de conclusions indemnitaires. De la même façon, le juge administratif ne peut être saisi, dans le cadre d'une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, de conclusions tendant à ce qu'il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets, qu'en complément de conclusions indemnitaires.
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions présentées par
M. G... H... en sa qualité d'ayant droit de feue sa sœur
Mme D... H... :
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version applicable au litige : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. "
4. Il résulte de l'instruction que M. G... H... s'est borné, dans sa réclamation préalable, en date du 5 juin 2019, adressée, en son seul nom propre, à la commune de Pietralba, à demander la réalisation des travaux préconisés par l'experte désignée par l'ordonnance du 19 juin 2017 du président du tribunal administratif de Bastia et une indemnisation de son préjudice matériel, évalué à 50 000 euros, et de son préjudice moral, évalué à 300 000 euros. Par suite, les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices de
Mmes E... et Michelle H... et à ce qu'il soit enjoint à la commune de Pietralba de procéder aux travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres affectant la propriété de feue Mme D... H..., qui n'ont pas été précédées d'une réclamation préalable permettant de lier le contentieux, sont irrecevables. Ils ne sont, par suite, pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a jugé irrecevables les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices qui résulteraient des désordres affectant la propriété ayant appartenu à Mmes E... et Michelle H... et a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de mettre fin aux désordres qui persisteraient sur cette propriété.
En ce qui concerne les demandes propres de M. G... H... et
Mme F... C... :
5. Il ne résulte pas de l'instruction que M. et Mme H... auraient subi un quelconque préjudice de jouissance ou préjudice moral du fait des déversements d'eaux pluviales sur la propriété, avant son décès, de Mme D... H..., dont il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'ils affecteraient la parcelle B 819 et l'habitation édifiée sur cette parcelle, dont ils sont propriétaires. Dès lors qu'ils n'établissent aucun préjudice propre,
M. et Mme H... ne sont pas davantage fondés à demander que soient réalisés les travaux propres à mettre fin aux désordres qu'ils allèguent subir, sans toutefois l'établir.
6. Il résulte de ce qu'il précède que M. et Mme H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leurs demandes indemnitaires et leurs conclusions à fin d'injonction.
Sur l'appel incident :
7. Dès lors que le jugement attaqué, qui rejette les conclusions à fin d'indemnisation comme à fin d'injonction présentées par les requérants, confirmé en cela par les points 4 à 6 du présent arrêt, n'entraîne aucune condamnation de la commune, celle-ci n'a pas d'intérêt à agir contre ce jugement sinon en ce qu'il met à sa charge les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Bastia.
8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. ".
9. D'une part, en vertu des dispositions précitées, la simple circonstance que la commune de Pietralba n'était pas la partie perdante dans la première instance n'était pas de nature à faire obstacle à ce que, compte tenu des circonstances particulières de l'affaire et en l'absence de disposition particulière, les frais et honoraires d'expertise soient mis à la charge de celle-ci. D'autre part, il n'est ni établi ni même soutenu par la commune de Pietralba, qui n'articule aucune argumentation propre sur ce point, que cette mise à sa charge des frais d'expertise résulterait de la reconnaissance de sa responsabilité sans faute. Dans ces conditions, les conclusions d'appel incident de la commune de Pietralba ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme H... est rejetée.
Article 2 : L'appel incident de la commune de Pietralba ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H... et
Mme F... C... épouse H... et à la commune de Pietralba.
Copie en sera transmise à Mme B..., experte.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Ury, premier conseiller,
- Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2022.
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N° 21MA03911