Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 10 octobre 2017 par laquelle le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse a confirmé la décision du 8 septembre 2017 du président de la commission de discipline de la maison d'arrêt de Grasse prononçant à son encontre une sanction de sept jours de cellule disciplinaire, d'enjoindre à l'administration pénitentiaire d'effacer toute mention relative à la procédure disciplinaire et à la sanction dans son dossier et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par un jugement n° 1705376 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2020, M. A..., représenté par Me Lendom, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 10 octobre 2017 par laquelle le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse a confirmé la décision du 8 septembre 2017 du président de la commission de discipline de la maison d'arrêt de Grasse prononçant à son encontre une sanction de sept jours de cellule disciplinaire ;
3°) d'enjoindre à l'administration d'effacer de son dossier les mentions relatives à la procédure disciplinaire et la sanction ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la sanction a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que le dossier de la procédure disciplinaire ne lui a pas été notifié préalablement, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale ;
- la commission de discipline a siégé dans une formation irrégulière, en l'absence du second assesseur, en méconnaissance des dispositions des articles R. 57-7-6, R. 57-7-7 et R. 57-7-8 du code de procédure pénale ;
- le rédacteur du compte-rendu d'incident n'est pas identifié, ni, par conséquent, l'auteur de la fouille, ce qui l'a privé de la garantie fondamentale prévue par l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale, parce qu'il n'est pas établi que ce rédacteur ne siégeait pas au sein de la commission de discipline, ni que l'auteur de la fouille était habilité à y procéder ;
- la commission de discipline a siégé dans une composition contraire aux garanties procédurales d'impartialité et de séparation de l'autorité de poursuite et de celle de jugement, en méconnaissance des stipulations de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la blessure qu'il s'est faite à la main en escaladant un grillage n'a pas été prise en charge avec diligence ; il est fondé à solliciter à ce titre la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle ont été entendus :
- le rapport de Mme C... ;
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., incarcéré au sein de la maison d'arrêt de Grasse depuis le 1er juin 2017, a escaladé le 6 août 2017 la grille menant au chemin de ronde pour récupérer un ballon et s'est blessé à la main en touchant le fil barbelé. A la suite de cet incident, il a été convoqué le 8 septembre 2017 devant la commission de discipline de la maison d'arrêt de Grasse, dont le président a pris le même jour la sanction de sept jours de confinement en cellule à son encontre. Par un courrier du 13 septembre 2017 adressé au directeur interrégional des services pénitentiaires, M. A... a formé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision de sanction et a demandé le versement d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du défaut de prise en charge de sa blessure à la main. Par une décision du 10 octobre 2017, le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire Provence-Alpes-Côte d'Azur Corse a confirmé la sanction prononcée le 8 septembre 2017. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 10 octobre 2017, à ce qu'il soit enjoint à l'administration pénitentiaire d'effacer toute mention relative à la procédure disciplinaire et à la sanction dans son dossier ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En vertu de l'article 726 du code de procédure pénale, la commission disciplinaire appelée à connaître des fautes commises par les personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté doit comprendre au moins un membre extérieur à l'administration pénitentiaire. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du même code : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-7 du même code : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative ". L'article R. 57-7-8 du même code dispose que : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs./ Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement./ Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-12 du même code : " Il est dressé par le chef d'établissement un tableau de roulement désignant pour une période déterminée les assesseurs extérieurs appelés à siéger à la commission de discipline ".
3. Il résulte de ces dispositions que la présence dans la commission de discipline d'un assesseur choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire, alors même qu'il ne dispose que d'une voix consultative, constitue une garantie reconnue au détenu, dont la privation est de nature à vicier la procédure, alors même que la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires, prise sur le recours administratif préalable obligatoire exercé par le détenu, se substitue à celle du président de la commission de discipline.
4. Il appartient à l'administration pénitentiaire de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour s'assurer de la présence effective de cet assesseur, en vérifiant notamment en temps utile la disponibilité effective des personnes figurant sur le tableau de roulement prévu à l'article R. 57-7-12. Si, malgré ses diligences, aucun assesseur extérieur n'est en mesure de siéger, la tenue de la commission de discipline doit être reportée à une date ultérieure, à moins qu'un tel report compromette manifestement le bon exercice du pouvoir disciplinaire.
5. En l'espèce, s'il ressort des pièces du dossier que l'administration n'a été informée que le 8 septembre 2017 à 7h30 que l'assesseur extérieur ne pourrait pas siéger au sein de la commission de discipline prévue le même jour à 10h, elle ne fournit aucune précision quant aux diligences qu'elle aurait accomplies pour trouver un autre assesseur disponible pour le remplacer et n'établit ni même n'allègue qu'un report de la commission de discipline aurait été impossible. Quand bien même M. A... aurait donné son accord à la tenue de la commission de discipline dans cette composition, il a de fait été privé d'une garantie faute pour l'administration d'avoir respecté son obligation de convocation. Il s'ensuit que la procédure disciplinaire se trouve viciée et la décision litigieuse du directeur interrégional des services pénitentiaires entachée d'illégalité.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 octobre 2017 par lequel le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse a confirmé la sanction prononcée le 8 septembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement la suppression dans les registres visés à l'article R. 57-7-30 du code de procédure pénale de la mention de la sanction disciplinaire annulée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au directeur de la maison d'arrêt de Grasse, sous réserve que M. A... y soit encore écroué, de procéder à cet effacement dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions indemnitaires :
8. Si M. A... soutient que lors de l'incident à l'origine de la sanction annulée par le présent arrêt, la blessure qu'il s'est faite à la main n'a pas été prise en charge avec diligence, il n'apporte aucun élément de nature à établir ce défaut de prise en charge ni la réalité du préjudice allégué. Dans ces conditions, et en tout état de cause, les conclusions indemnitaires qu'il présente à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de justice :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A....
Article 2 : La décision du 10 octobre 2017 du directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse confirmant la sanction prononcée le 8 septembre 2017 à l'encontre de M. A... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au directeur de la maison d'arrêt de Grasse, sous réserve que M. A... y soit encore écroué, de supprimer toute mention de cette sanction du dossier de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au directeur interrégional de l'administration pénitentiaire Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente-assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2022.
N° 20MA03349 2