Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 août 2017 par lequel le maire d'Aix-en-Provence l'a placée en congé de maladie ordinaire, du 30 mai au 1er septembre 2017, d'autre part, de condamner cette commune à lui verser la somme totale de 8 000 euros, au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis, et, enfin, de mettre à la charge de ladite commune une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1708176 du 14 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté du 22 août 2017 et mis à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 1 200 euros à verser à Mme B... au titre des dispositions de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Lonqueue, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 janvier 2020 en tant qu'il annulé l'arrêté de son maire du 22 août 2017 et qu'il met à sa charge la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter l'ensemble des conclusions que Mme B... a présenté devant cette juridiction ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'expédition du jugement attaqué ne permet pas d'établir que cette décision juridictionnelle a été régulièrement signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- sur l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il annule l'arrêté du 22 août 2017 :
. c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a retenu que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre cet arrêté du 22 août 2017 étaient recevables alors que, d'une part, cet arrêté est confirmatif de celui daté du 8 août 2017 et que, d'autre part, cet arrêté du 22 août 2017 présente un caractère superfétatoire ne faisant pas grief ;
. c'est également à tort que ce tribunal a estimé qu'elle n'établissait pas l'existence d'un élément de nature à rendre l'accident du 29 mai 2017 détachable du service alors que le différend opposant Mme B... à son collègue de travail qui a abouti à cet accident est d'ordre purement personnel et privé ;
. c'est enfin à tort que ledit tribunal l'a condamnée au versement de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- ayant annulé le jugement attaqué, la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, devra rejeter l'intégralité des conclusions de première instance présentées par Mme B... :
. Mme B... n'ayant formé aucune demande indemnitaire préalable, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées comme irrecevables ;
. ses conclusions à fin d'annulation sont également irrecevables et, subsidiairement, les moyens invoqués par Mme B... sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2020, Mme B..., représentée par Me Salord, conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce qu'il soit enjoint au maire d'Aix-en-Provence de la placer sous le régime de l'accident du travail à compter du 30 mai 2017, et à ce que cette commune soit condamnée à lui verser une somme qui ne saurait être inférieure à 8 000 euros, en réparation des préjudices professionnel matériel et moral qu'elle estime avoir subis ;
- à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune d'Aix-en-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la Cour devra confirmer le jugement attaqué rendu par le tribunal administratif de Marseille et accueillir ses demandes.
Par une ordonnance du 4 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 février 2021, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Adjointe technique principale de 2ème classe, affectée au service des élections de la commune d'Aix-en-Provence, Mme B... expose avoir été victime, le 29 mai 2017, sur son lieu de travail, d'une agression de la part d'un collègue de travail. Par un arrêté du 8 août 2017, le maire d'Aix-en-Provence a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident et a placé Mme B... en congé de maladie ordinaire, à compter du 29 mai 2017. Par un arrêté du 22 août 2017, le maire l'a placée en congé de maladie ordinaire, du 30 mai au
1er septembre 2017. La commune d'Aix-en-Provence relève appel du jugement du 14 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille, saisi par Mme B..., a annulé ce dernier arrêté du 22 août 2017 et mis à sa charge la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En défense, Mme B... doit être regardée comme concluant, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint au maire d'Aix-en-Provence de la placer sous le régime de l'accident du travail à compter du 30 mai 2017, et à ce que cette commune soit condamnée à lui verser une somme totale qui ne saurait être inférieure à 8 000 euros, en réparation des préjudices professionnel, matériel et moral qu'elle estime avoir subis.
Sur la régularité du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 14 janvier 2020
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort de l'examen du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 14 janvier 2020 a été signée, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation de ce jugement qui a été notifiée à la commune d'Aix-en-Provence ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de cette décision juridictionnelle. Ce moyen doit dès lors être écarté.
Sur l'appel principal de la commune d'Aix-en-Provence :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 14 janvier 2020 :
S'agissant des règles de droit applicables au litige :
4. L'article 10 de l'ordonnance susvisée du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant, dans la loi du 13 juillet 1983, un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service (...) ".
5. L'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 a aussi, en conséquence de l'institution du congé pour invalidité temporaire imputable au service à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, modifié des dispositions de la loi du 26 janvier 1984 régissant la fonction publique territoriale. Le III de l'article 10, pour la fonction publique territoriale, dispose ainsi que : " A l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : / a) Au deuxième alinéa du 2°,
les mots : " ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions " sont remplacés par les mots : ", à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service " ; / b) Au 4°, le deuxième alinéa est supprimé ; / c) Au cinquième alinéa du 4°, les mots : " de la deuxième phrase du quatrième " sont remplacés par les mots : " du quatrième ". ".
6. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019.
7. Par ailleurs, les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.
8. Au cas particulier, Mme B... souhaite voir reconnaître l'imputabilité au service de l'agression survenue le 29 mai 2017. Ainsi, eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, sa situation est uniquement régie par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 19 janvier 2017 et du décret du 10 avril 2019, intervenue dans les conditions ci-dessus rappelées.
S'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Marseille :
9. Aux termes de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) ".
10. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service (Conseil d'Etat, Section, 16 juillet 2014, n° 361820).
11. Mme B... a fait valoir devant le tribunal administratif de Marseille que, le 29 mai 2017, sur son lieu de travail et durant son service, elle a été physiquement agressée par l'un de ses collègues de travail, qui l'aurait saisie par le cou. Le tribunal administratif de Marseille a admis la matérialité de ces faits, que la commune d'Aix-en-Provence ne conteste pas sérieusement devant la Cour. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que la cause certaine, directe et déterminante de l'agression dont l'intimée a été victime réside dans un différend d'ordre privé opposant cette dernière à ce collègue, au sujet de la vente d'un boudin d'hivernage pour piscine. Dans ces conditions, s'il est constant qu'elle est survenue sur le lieu et dans le temps de service, aucun lien direct entre cette agression et les conditions d'exécution du service n'est établi. Dès lors, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette agression qui est détachable du service, après qu'au demeurant, la commission de réforme des collectivités territoriales des Bouches-du-Rhône a émis, le 20 juillet 2017, un avis en ce sens, le maire
d'Aix-en-Provence n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Il suit de là que ce moyen devait être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de
non-recevoir opposée en première instance, la commune d'Aix-en-Provence est fondée à soutenir, d'une part, que le moyen retenu par les premiers juges n'était pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté contesté de son maire du 22 août 2017 et, d'autre part, et en l'absence de tout autre moyen invoqué par Mme B... en première instance comme en appel, que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué du 14 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.
Sur l'appel incident présenté par Mme B... :
13. Eu égard à ce qu'il vient d'être dit, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... par la voie de l'appel incident doivent être rejetées. Il en est de même, en l'absence d'illégalité fautive de l'arrêté du 22 août 2017 du maire d'Aix-en-Provence, des conclusions indemnitaires présentées par l'intimée, qui, au demeurant soulèvent un litige distinct de l'appel principal du ministre de l'intérieur et ont été présentées après l'expiration du délai d'appel.
Sur les frais liés au litige :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
En ce qui concerne les frais exposés en première instance :
15. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que la commune d'Aix-en-Provence, qui ne devait pas être la partie perdante en première instance, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué du 14 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a mis à sa charge une somme de 1 200 euros en application des dispositions précitées de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
En ce qui concerne les frais exposés en appel :
16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés dans le cadre de la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1708176 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de l'arrêté du maire d'Aix-en-Provence du 22 août 2017 et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aix-en-Provence et à Mme C... B....
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
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No 20MA01219