Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé faute de satisfaire à cette obligation.
Par un jugement n° 2004920 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2021 et 12 décembre 2022,
M. C..., représenté par Me Garelli, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 juin 2021 ainsi que l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 3 juin 2020 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'obligation de quitter le territoire français est dénuée de motivation satisfaisante ;
- elle est entachée d'erreurs de fait et d'erreurs manifestes d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnait l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside depuis plus de 10 ans en France avec son épouse et leurs quatre enfants, dont deux sont nés en France, et qu'il justifie d'une intégration professionnelle.
Par lettre du 3 mars 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a été mis en demeure de produire, dans un délai d'un mois, ses observations sur la requête de M. C... en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 28 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 décembre 2022 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. D..., les parties n'étant ni présentes, ni représentées.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant turc né le 27 août 1983, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent accompagnant un enfant étranger malade. Après avoir obtenu en 2014 un premier titre sur ce fondement, qui a fait l'objet de plusieurs renouvellements, il s'est vu notifier un arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a abrogé son autorisation provisoire de séjour, a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé faute de satisfaire à cette obligation. M. C... relève appel du jugement du 11 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier.
3. En application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, la Cour a mis le préfet des Alpes-Maritimes en demeure de présenter ses observations dans la présente instance, demeurée sans suite à la date de clôture de l'instruction. Il est ainsi réputé avoir acquiescé aux faits exposés par M. C... et non contredits par les pièces du dossier.
4. M. C... soutient qu'il réside en France depuis le 26 janvier 2011, soit depuis plus de neuf ans à la date de l'arrêté attaqué. Outre qu'il est constant qu'il a déposé une demande d'asile le 3 mars 2011, laquelle a été rejetée le 31 janvier 2013 par la Cour nationale du droit d'asile, l'inexactitude des faits allégués ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, et notamment pas du dossier de première instance, lesquelles font au contraire apparaître que sa fille A... est scolarisée en France depuis l'année scolaire 2012-2013. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le requérant vit en France aux côtés de son épouse et de leurs quatre enfants, dont deux, qui sont nés en France en 2013 et 2016, n'ont jamais vécu en dehors du territoire national, où ils sont régulièrement scolarisés, étant précisé qu'un cinquième enfant est né en France au cours de l'année 2022 postérieurement à la décision d'éloignement en litige. S'agissant des deux aînés de la fratrie, ils sont scolarisés en France depuis leur arrivée en 2012 à l'âge de quatre ans et de six ans. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et notamment des attestations d'enseignants produites, que ces enfants font preuve de sérieux, de régularité, et réalisent des progrès constants. Le requérant justifie également avoir procédé, depuis
l'année 2016, à des déclarations d'imposition sur le revenu, lesquelles font apparaitre l'exercice d'une activité professionnelle, ce qui est corroboré par les bulletins de salaire produits ainsi que le contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la société M.G.B le 1er juillet 2018, et démontre une démarche positive en vue d'une insertion professionnelle effective. Enfin, il est constant que l'une des filles de M. C..., née en France en 2013, souffre d'une pathologie nécessitant des soins dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que cet enfant est suivi médicalement en France depuis sa naissance. Par conséquent, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard tant à la durée qu'aux conditions du séjour en France de l'appelant et de sa famille, l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du
3 juin 2020 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé et doit, pour ce motif, être annulé.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2020 du préfet des Alpes-Maritimes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Le motif qui s'attache à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2020 du préfet des
Alpes-Maritimes implique nécessairement que le préfet délivre à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu en conséquence d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un tel titre dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2004920 du 11 juin 2021 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 3 juin 2020 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. C... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judicaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023.
N° 21MA026972