Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MM. Richard G..., Serge G..., Guy G..., Joël G..., Ari G...,
et Mme I... G..., ont demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision par laquelle la commune de Hyères-les-Palmiers a implicitement rejeté leur demande du 31 août 2018 tendant à l'exécution des travaux de réfection du canal souterrain d'évacuation des eaux pluviales au droit des propriétés G... et Estelle et, d'autre part, d'enjoindre
à la commune de Hyères-les-Palmiers et, tant que besoin à la métropole Toulon-Provence-Méditerranée, d'exécuter ces travaux conformément aux descriptifs de la société TEMSOL du 1er février 2016 pour la propriété G... et du 16 décembre 2016 pour la propriété H... sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1900024 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a d'abord enjoint à la métropole Toulon-Provence-Méditerranée d'effectuer les travaux de réfection du canal souterrain d'évacuation des eaux pluviales au droit de la propriété G... conformément aux descriptifs de la société TEMSOL du 1er février 2016 dans un délai de
six mois à compter de la notification du jugement, a ensuite mis à la charge de la métropole Toulon-Provence-Méditerranée la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a enfin rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2021, la métropole Toulon-Provence-Méditerranée, représentée par Me Phelip, de la SELURL Phelip, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 23 septembre 2021 ;
2°) de rejeter la demande des consorts G... ;
3°) de mettre à la charge solidaire des consorts G... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La métropole soutient que :
- le canal enterré sous la propriété des intéressés n'appartient pas à la commune, qui n'est pas non plus l'auteur des travaux de couverture de ce cours d'eau circulant sous cette propriété, et n'entretient aucun lien fonctionnel avec les aménagements réalisés dans le lit du cours d'eau, dont il n'est donc pas l'accessoire indispensable, de sorte qu'il ne peut être considéré comme un ouvrage public, les travaux de couverture, purement privés, étant inadaptés et la cause de la ruine de ce canal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2022, MM. Serge G..., Richard G..., Guy G..., Joël G..., Ari G..., et Mme I... G..., ayant pour mandataire unique M. D... G..., et représentés par Me Herrou de la SELARL Herrou, concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté leurs demandes tendant à ce qu'il soit enjoint à la métropole d'exécuter les travaux de réfection du canal souterrain d'évacuation des eaux pluviales au droit de la propriété H..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) à ce qu'il soit enjoint à la métropole d'exécuter les travaux de réfection du canal souterrain d'évacuation des eaux pluviales au droit des propriétés G... et H... conformément aux descriptifs des devis de la Société Temsol du 1er février 2016 pour la propriété G..., du 1er février 2016 et du 16 décembre 2016 pour la propriété H..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) à ce que soient mis à la charge de la métropole les entiers dépens et la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- les moyens d'appel ne sont pas fondés ;
- ils ont intérêt à la réalisation des travaux au droit de la propriété H..., dès lors d'une part, que le canal en cause constitue un ouvrage public pour le tout et d'autre part, que le phénomène de marnage à l'origine de l'effondrement de ce canal souterrain concerne l'ensemble de la zone, toutes propriétés confondues.
Par une ordonnance du 14 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mai 2022, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Pitollet, substituant Me Herrou, représentant les
consorts G....
Considérant ce qui suit :
1. En novembre 2014, à la suite de fortes pluies, la propriété des consorts G..., située sur la commune de Hyères-les-Palmiers, a subi, du fait de l'effondrement d'un canal enterré en pied de fondation d'une des maisons édifiées sur cette propriété, passant en partie sous sa terrasse et se prolongeant sous la maison des voisins de ces derniers, des désordres consistant en l'effondrement de la terrasse et la mise hors service du système de puisage et de filtration. Par un arrêt n° 19MA01545 du 23 février 2021, contre lequel le pourvoi de la commune de Hyères-les-Palmiers n'a pas été admis, la Cour a déclaré la commune responsable des dommages survenus sur la propriété des consorts G..., l'a condamnée à verser à MM. Serge et Richard G... les sommes portées à 35 356 euros au titre de leur préjudice matériel, à 6 000 euros, chacun, au titre de leur préjudice d'anxiété, et à M. D... G... une somme portée à 12 000 euros au titre de son préjudice de jouissance et a assorti ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2016. Par une demande formée le 31 août 2018, et reçue le 3 septembre 2018, les consorts G... ont sollicité de la commune de Hyères-les-Palmiers qu'elle réalise sans délai les travaux de réfection du canal souterrain d'évacuation des eaux pluviales au droit de leur propriété et de celle de leurs voisins, les consorts H..., conformément au rapport d'expertise du 1er février 2016. Par un jugement rendu le 23 septembre 2021 dont la métropole Toulon-Provence-Méditerranée relève appel, le tribunal administratif de Toulon a d'abord enjoint à cet établissement public d'effectuer les travaux de réfection du canal souterrain d'évacuation des eaux pluviales au droit de la propriété G... conformément aux descriptifs du 1er février 2016 dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, a ensuite mis à la charge de la métropole la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a enfin rejeté le surplus des conclusions des parties. Par la voie de l'appel incident, les consorts G..., ayant pour mandataire unique M. D... G..., demandent qu'il soit enjoint à la métropole de réaliser les travaux de réfection du canal souterrain aussi bien au droit de leur propriété qu'au droit de celle de leurs voisins, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à ces prétentions.
Sur l'appel principal de la métropole :
2. Pour prononcer à l'encontre de la métropole Toulon-Provence-Méditerranée l'injonction de réaliser les travaux de réfection du canal souterrain situé au droit de la propriété des consorts G..., le tribunal administratif de Toulon a considéré, d'une part, que la responsabilité sans faute de la métropole, substituée à la commune de Hyères-les-Palmiers en application des dispositions combinées des articles L. 2226-1, L. 5217-2 et L. 5217-5 du code général des collectivités territoriales, était engagée à l'égard des intéressés, du fait du fonctionnement défectueux du réseau de collecte d'eaux pluviales dont relève le canal, d'autre part, que les dommages subis par eux perduraient au jour de son jugement et enfin, que la métropole avait commis une faute en s'abstenant de réaliser les travaux de réfection demandés.
3. Pour demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, la métropole se borne à remettre en cause la qualification d'ouvrage public au sujet du canal souterrain présent sous la propriété G... et dont l'effondrement partiel a causé à celle-ci des désordres.
4. Or, un bien immeuble résultant d'un aménagement et qui est directement affecté à un service public a la qualité d'ouvrage public, y compris s'il appartient à une personne privée. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'a jugé la Cour dans son arrêt du 23 janvier 2021 devenu irrévocable, et plus particulièrement du rapport d'expertise du 26 janvier 2017, pris en sa
page 28, que les propriétés des consorts G... et de leurs voisins sont situées en pied du bassin versant drainé par le cours d'eau la Ritorte les traversant, aujourd'hui enterré sur la totalité de son linéaire, à la suite d'aménagements réalisés à différentes époques : au cours des années 1960 pour le tronçon allant de l'entrée d'un lotissement situé en amont jusqu'à la propriété G..., au début des années 1990 pour le tronçon situé le long du cimetière en amont du lotissement, auquel se ramifient de nombreux ouvrages hydrauliques latéraux, dont l'expert note, page 30 de son rapport, que " l'implantation et l'affectation montrent qu'il s'agit d'un réseau public ", et enfin au début des années 2000 pour le tronçon situé entre la maison funéraire et le lotissement en amont des propriétés concernées par l'effondrement de l'ouvrage. Selon l'expert, " le cours d'eau traversant les propriétés G... et [de ses voisins] constitue l'exutoire du bassin versant de la Ritorte, tel qu'il apparaît sur la carte topographique IGN "
(p. 32). Il indique que l'ouvrage hydraulique le plus ancien, plus vulnérable du fait de son mode de construction, a été soumis à une augmentation du débit des eaux d'écoulement du fait de l'urbanisation de la partie amont du bassin versant et l'accroissement des surfaces imperméabilisées qui en a résulté, phénomène que l'ouvrage construit dans les années 1990 est en mesure de supporter, y compris à l'occasion d'un événement de type centennal, mais non la partie la plus ancienne de l'ouvrage (p. 32). Il ajoute que " le schéma directeur pluvial établi par la commune de Hyères confirme sa connaissance du fonctionnement hydraulique général du bassin versant [de la Ritorte] " et qu'elle avait connaissance de l'existence d'ouvrages hydrauliques anciens directement en aval lors de la réalisation d'aménagements publics et urbains en amont du bassin versant de la Ritorte au début des années 1990, tout en méconnaissant leur état (pp. 34 et 35). Dès lors que l'ouvrage en partie effondré se situe dans le prolongement des aménagements réalisés dans le lit du cours d'eau, qui présentent le caractère d'ouvrages publics affectés à la collecte des eaux pluviales, et qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas du simple fait que la couverture en béton du canal a permis la construction de la terrasse de la propriété G... et celle de la maison de la propriété voisine, que cet ouvrage aurait été destiné à ne récupérer que les eaux de pluie de ces propriétés, ce canal doit être regardé comme étant directement affecté à un service public de réseau de collecte d'eaux pluviales, et présentant le caractère d'un ouvrage public, sans que la métropole puisse y opposer la circonstance qu'elle n'est pas propriétaire de l'ouvrage litigieux, qu'elle n'en connaissait pas avec précision les caractéristiques, ou encore que l'ouvrage en question n'était pas adapté au service de collecte des eaux pluviales. Enfin, la circonstance que l'expert hydraulique, à qui la commune de Hyères-les-Palmiers avait confié une mission d'analyse hydraulique de la Ritorte au droit des propriétés des consorts G... et de leurs voisins, a considéré dans son rapport, remis en décembre 2020, que le vallon de la Ritorte est un cours d'eau naturel qui n'a pas été construit des mains de l'homme et que les nombreux ruisseaux couverts en centre-ville qui reçoivent des eaux pluviales n'ont pas le caractère d'ouvrage public, est sans incidence sur la qualification juridique de ces ouvrages, au regard de l'apport objectif de ceux-ci à la collecte des eaux pluviales.
5. Il résulte de ce qui précède que la métropole Toulon-Provence-Méditerranée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon lui a enjoint de réaliser les travaux de réfection du canal souterrain d'évacuation des eaux pluviales au droit de la propriété G....
Sur l'appel incident des consorts G... :
6. Pour apprécier si la personne publique commet une faute, par son abstention à prendre les mesures de nature à mettre fin à un dommage causé par l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public ou à en pallier les effets, il incombe au juge qui est saisi de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à cette personne publique de prendre de telles mesures, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.
7. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, en demandant qu'il soit enjoint à la métropole de réaliser les travaux de réfection du canal souterrain tant au droit de leur propriété qu'au droit de celle des consorts H..., les consorts G... n'ont pas entendu agir à ce second chef au nom de ceux-ci, mais ont recherché la réparation d'un dommage qu'ils disent propre à leur bien. Les intéressés sont donc fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté comme irrecevables leurs prétentions tendant au prononcé d'une injonction de réaliser les travaux de réfection du canal souterrain d'évacuation des eaux pluviales au droit de la propriété H..., et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement dans cette mesure. Au cas d'espèce il y a lieu d'évoquer l'affaire dans cette mesure et de statuer immédiatement sur ces conclusions.
8. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas du rapport d'expertise du 26 janvier 2017, que les travaux à réaliser sur la propriété H..., tels que préconisés par les descriptifs du 1er février 2016, sont nécessaires à la fin du dommage affectant la propriété G..., ni que l'abstention de la métropole à mettre en œuvre ces mesures ne serait pas justifiée par les droits des consorts H... qui, pour leur part, n'ont saisi ni la commune ni la métropole d'une demande de réalisation de travaux, ni la juridiction d'un recours tendant à ces mêmes fins. Les conclusions des consorts G... tendant au prononcé d'une injonction de réaliser les travaux de réfection du canal souterrain d'évacuation des eaux pluviales au droit de la propriété H... ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la métropole Toulon-Provence-Méditerranée est rejetée.
Article 2 : Le jugement rendu par le tribunal administratif de Toulon le 23 septembre 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions des consorts G... tendant à ce qu'il soit enjoint à la métropole Toulon-Provence-Méditerranée de réaliser les travaux de réfection du canal souterrain d'évacuation des eaux pluviales au droit de la propriété H....
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les consorts G... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Toulon-Provence-Méditerranée, à M. F... G..., M. D... G..., M. B... G..., M. C... G..., M. A... G..., à Mme I... G... et à la commune d'Hyères-les-Palmiers.
Délibéré après l'audience du 10 février 2023, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2023.
N° 21MA044442