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03/03/2023 | FRANCE | N°21MA04652

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 03 mars 2023, 21MA04652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 mai 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par une ordonnance n° 2100173 du 5 novembre 2021, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2021, sous le n° 21MA04652, M. C..., représenté par Me Melliti-Makki, demande à la C

our :

1°) d'annuler cette ordonnance du 5 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mai 2020 pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 mai 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par une ordonnance n° 2100173 du 5 novembre 2021, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2021, sous le n° 21MA04652, M. C..., représenté par Me Melliti-Makki, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 5 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mai 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour salarié ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- il habite bien à l'adresse indiquée en préfecture ;

- il estime que la non-délivrance du courrier est liée à la période post-confinement ;

- il est parfaitement inséré socialement et professionnellement et prouve sa présence en France depuis le 1er juin 2013 ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., de nationalité tunisienne, a sollicité le 14 décembre 2018 son admission exceptionnelle au séjour. Par une décision du 14 mai 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour. M. C... relève appel de l'ordonnance du 5 novembre 2021 par lequel le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. En vertu de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, les présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs peuvent, par ordonnance rejeter " les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ". Aux termes de l'article R. 421-1 de ce code : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies et délais de recours, dans la notification de la décision ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a sollicité le 14 décembre 2018 son admission exceptionnelle au séjour. Par une décision du 14 mai 2020, qui mentionnait les voies et délais de recours, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande. Il résulte en outre des pièces du dossier que le pli recommandé contenant la décision du 14 mai 2020 en litige a été expédié à l'appelant à l'adresse qu'il avait indiquée aux services de la préfecture, " 1 rue du Levant 13007 Marseille ". Ce pli est revenu en préfecture le 25 mai 2020 suivant avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Toutefois, alors que M. C... soutient que l'adresse de notification correspond à son adresse habituelle, il ressort des pièces du dossier que le courrier a bien été notifié à l'adresse que l'intéressé avait indiquée aux services de la préfecture, adresse identique en outre à celle figurant sur ses écritures de première instance et d'appel. Dans ces conditions, la non distribution du pli résultant d'une erreur des services postaux, M. C... est fondé à soutenir que les voies et délais de recours ne pouvaient être regardés comme ayant valablement commencé à courir. Il s'ensuit que la demande devant le tribunal administratif de Marseille n'était pas tardive, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, et que ce dernier a entaché son ordonnance d'irrégularité. L'ordonnance attaquée doit dès lors être annulée.

4. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2020.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

6. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. Si le requérant a présenté une demande d'autorisation de travail le 10 décembre 2018 pour un poste de manutentionnaire, et que la DIRECCTE a émis un avis favorable à cette demande le 17 octobre 2019, M. C... ne peut utilement soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône était seul compétent pour lui délivrer une telle autorisation de travail, dès lors qu'il a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail, et qu'il ne remplissait pas en tout état de cause les conditions posées par l'article 3 de l'accord franco-tunisien pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " . Par ailleurs, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas davantage tenu de suivre l'avis de la DIRECCTE. En outre, s'il ressort des pièces du dossier que M. C... justifie être entré régulièrement en France le 1er juin 2013 sous couvert d'un visa de tourisme, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, une résidence habituelle sur le territoire français, en particulier au titre des années 2013 à 2017. En outre, l'appelant n'établit avoir travaillé qu'à compter du 10 janvier 2018, soit une durée de deux ans seulement à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation en rejetant la demande de titre de séjour de M. C...

8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. M. C..., célibataire et sans enfant, est entré pour la première fois sur le territoire français le 1er juin 2013 et déclare y résider continuellement depuis. Toutefois, comme indiqué au point 7, les pièces versées à l'appui de ses allégations n'établissent une présence habituelle du requérant qu'à compter de l'année 2018. S'il fait valoir que son frère et sa sœur, titulaires d'un titre de séjour, résident en France, l'intéressé n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, la Tunisie, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en litige, n'implique aucune mesure particulière d'exécution au regard des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions de M. C... aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie, des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige. Les conclusions présentées par M. C... sur le fondement de ces dispositions doivent, dès lors, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2100173 du 5 novembre 2021 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 février 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 mars 2023.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04652
Date de la décision : 03/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : MELLITI-MAKKI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-03;21ma04652 ?
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