Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Bouc-Bel-Air l'a radié des cadres de la commune à compter du 1er avril 2020 et d'enjoindre au maire de le réintégrer dans ses effectifs et de lui proposer un poste de reclassement conforme à son état de santé, dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par une ordonnance n° 2006387 du 1er mars 2022, la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 mai 2022 et le 23 avril 2023, M. A..., représenté par Me Barlet, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 1er mars 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 23 mars 2020 ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Bouc-Bel-Air de le réintégrer dans ses effectifs et de lui proposer un poste de reclassement conforme à son état de santé, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Bouc-Bel-Air la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande n'était pas tardive compte tenu des dispositions de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 qui ont eu pour effet de proroger le délai de recours jusqu'au
23 juin 2020 ;
- l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure, pour avoir été précédé de la consultation de la commission administrative paritaire en application des articles 17 et 35 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 qui n'étaient plus applicables à ce cas de figure à compter du 1er janvier 2020 ;
- cet arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation liée au manquement à l'obligation de reclassement.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 juillet 2022 et le 27 avril 2023, la commune de Bouc-Bel-Air, représentée par Me Del Prete, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir qu'il appartiendra à la Cour de se prononcer sur la recevabilité de la demande et que les autres moyens d'appel ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2006-1391 du 17 novembre 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Barlet, représentant M. A... et de Me Del Prete, représentant la commune de Bouc-Bel-Air.
Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 17 mai 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 23 mars 2020, pris après avis de la commission administrative paritaire, le maire de la commune de Bouc-Bel-Air a radié M. A... des cadres communaux, à compter du 1er avril 2020, pour avoir refusé les trois postes qui lui avaient été proposés au titre d'un reclassement, compte tenu de son inaptitude physique à ses fonctions de gardien de police municipale. Par une ordonnance du 1er mars 2022, dont M. A... relève appel, la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ".
3. L'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, rendu applicable aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif par l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, dispose que : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à
l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ". Aux termes de l'article 1er de la même ordonnance, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire : " I.- Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 23 mars 2020 prononçant la radiation des cadres de M. A... à compter du 1er avril 2020 lui a été notifié, avec la mention des voies et délais de recours, le 27 mars 2020, de sorte que le délai de recours contre cet arrêté, ayant commencé de courir le 28 mars 2020, expirait, compte tenu de l'application des dispositions citées ci-dessus, le 24 août 2020. La requête de M. A..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 23 août 2020, n'était ainsi pas tardive, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge par son ordonnance attaquée. Celle-ci doit donc être annulée.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande de M. A....
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2020 :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
6. L'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 dispose, en son cinquième alinéa, que : " La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. ". Aux termes de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier 1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. / Toutefois, si, à l'expiration de la troisième année de disponibilité, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions ou faire l'objet d'un reclassement avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement ".
7. Par ailleurs, aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 30 décembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire ". L'article 2 du même décret précise que : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ".
8. Il résulte du principe général du droit dont s'inspirent les règles statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un fonctionnaire se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement. Les dispositions législatives citées au point 7, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé, ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un reclassement, qui ne correspondrait pas à la demande formulée par le fonctionnaire, mais ne le dispensent pas de l'obligation de chercher à reclasser celui-ci, et n'imposent nullement que la demande qu'il présente ait à préciser la nature des emplois sur lesquels il sollicite son reclassement. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé ait été déclaré inapte à l'exercice de toute fonction, soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.
9. M. A..., ayant épuisé ses droits à congé de maladie à compter du 5 septembre 2015 et ayant été placé d'office en disponibilité pour raisons de santé à compter du 1er janvier 2016, devait ainsi être invité à présenter une demande de reclassement en application des dispositions citées aux points 6 et 7. Contrairement à ce qu'a considéré le maire dans son arrêté litigieux, le respect par la commune de son obligation de reclasser M. A... n'était pas subordonné à la proposition de trois postes à l'intéressé qui, en les refusant, se serait exposé à sa radiation pour inaptitude, dès lors qu'aucune des dispositions précitées, à la différence de
l'alinéa 2 de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 inapplicable à la situation de cet agent, ne limite à trois le nombre de postes à proposer au titre d'un tel reclassement.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté en litige :
10. D'une part, certes il ressort des pièces du dossier que les postes proposés par la commune à M. A..., les 15 mars, 25 juin, 8 octobre et 5 novembre 2019, relevant de la filière technique et ayant tous recueilli l'avis favorable du médecin de prévention, ont été refusés par l'intéressé, qui n'en critique pas le nombre. Il résulte néanmoins des termes mêmes de son courrier du 7 avril 2919 que sa demande de reclassement portait sur un emploi à caractère administratif, de préférence au sein de la police municipale, dont il n'est pas contesté qu'il était compatible avec l'inaptitude médicale de l'intéressé, malgré le silence sur ce point de l'avis du comité médical du 7 novembre 2018. Or, la commune, qui affirme pour la première fois dans le dernier état de ses écritures d'appel ne pas disposer d'un tel emploi dans ses effectifs, ne le justifie pas en se bornant à produire un organigramme de son service technique.
11. D'autre part, la circonstance, invoquée par la commune, qu'elle a saisi le centre de gestion des Bouches-du-Rhône dès le 15 juillet 2019, afin que celui-ci recherche lui-même des postes vacants, en lien avec le médecin de prévention, et que le centre de gestion, après avoir reçu en entretien M. A... les 9 et 26 septembre 2019, a procédé à la publication de son profil sur sa bourse d'emplois, ne saurait suffire à démontrer que d'autres postes, dont des emplois relevant de la filière administrative, lui auraient été proposés, ni que ce faisant, l'autorité territoriale compétente ou le président du centre de gestion se seraient acquittés de leurs obligations de reclassement prescrites par les dispositions de l'article 2 du décret du 30 décembre 1985, citées au point 7.
12. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que, l'instruction ne démontrant pas que son reclassement était impossible, son licenciement a été décidé par l'arrêté en litige en méconnaissance du principe rappelé au point 8, et que la commune ne peut utilement soutenir que, du fait des refus successifs par M. A... des postes qu'elle lui a proposés, elle aurait été tenue de le licencier.
13. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de légalité, il y a donc lieu d'annuler pour ce motif l'arrêté en litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
15. L'exécution du présent arrêt, qui annule le licenciement pour inaptitude médicale de M. A..., implique nécessairement, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation du requérant se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté en litige, la réintégration de cet agent dans les effectifs de la commune, son employeur ainsi que le réexamen de sa demande de reclassement. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de Bouc-Bel-Air de réintégrer M. A... dans ses effectifs, et de procéder au réexamen de sa demande de reclassement, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt. En revanche, au cas d'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bouc-Bel-Air, en application de ce texte, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2006387 rendue le 1er mars 2022 par la présidente du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : L'arrêté du 23 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Bouc-Bel-Air a prononcé la radiation des cadres communaux de M. A... à compter du 1er avril 2020 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Bouc-Bel-Air de réintégrer M. A... dans les effectifs communaux et de réexaminer sa demande de reclassement, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Bouc-Bel-Air versera à M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A..., et les conclusions de la commune de Bouc-Bel-Air présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Bouc-Bel-Air.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.
N° 22MA012622