Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C..., la Sarl Eden et la SCI Plage Mala, ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 28 octobre 2019 portant délimitation du domaine public maritime naturel intégrant les lais et relais de la mer sur le territoire de la commune de Cap-d'Ail, plage de la Mala.
Par un jugement n° 1906217 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2021, sous le n° 21MA03794, Mme C... et autres, représentées par Me Cressin-Bensa, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 6 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 28 octobre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les premiers juges n'ont pas rempli leur office en s'abstenant d'exercer un contrôle concret des vices affectant la légalité de l'arrêté contesté et ses effets sur l'information du public, du fait de l'absence des documents requis ;
- il a dénaturé sur ce point leur moyen et n'a pas apporté les réponses auxquelles elles étaient en droit d'attendre de sa part ;
- l'arrêté en litige intègre à tort la terrasse du restaurant " Eden Plage Mala " dans le domaine public maritime.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête de Mme C... et autres.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... et autres ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général de la propriété de personnes publiques ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 72-879 du 19 septembre 1972 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par des arrêtés des 18 février 1982 et 14 mai 1996, le préfet des Alpes-Maritimes a concédé à la commune de Cap d'Ail l'équipement, l'entretien et l'exploitation de la " plage de la Mala ". La commune de Cap d'Ail a accordé des sous-traités d'exploitation de la plage à divers occupants, dont Mme E... C..., gérante de l'établissement " Eden Plage Mala " et propriétaire de la parcelle cadastrée section AI5 correspondant au restaurant. La concession de la " plage de la Mala " est venue à expiration le 31 décembre 2010 et n'a pas été renouvelée. Par un arrêté du 6 juin 2019, le préfet des Alpes-Maritimes a prescrit l'ouverture d'une enquête publique portant sur la délimitation du domaine public maritime sur la plage de la Mala, enquête qui s'est déroulée du 2 au 31 juillet 2019. Après l'avis favorable du commissaire enquêteur, du 25 août 2019, le préfet des Alpes Maritimes a, par arrêté du 28 octobre 2019, procédé à la délimitation du domaine public maritime naturel intégrant les lais et relais de la mer sur la plage Mala située sur la commune de Cap-d'Ail, laquelle délimitation a pour effet d'incorporer la parcelle cadastrées section DP5 occupée par la terrasse de l'établissement de Mme C... dans le domaine public maritime. Mme C... et autres relèvent appel du jugement du 6 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2019.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a suffisamment répondu aux moyens de vices de procédure tirés de ce que la situation domaniale antérieure à la délimitation des lais et relais de la mer n'est pas décrite en application de l'article R. 2111-6 du code général de la propriété de personnes publiques, que les avis du directeur des services fiscaux et du directeur départemental des territoires et de la mer ne sont pas produits et de ce que les avis émis par les personnes publiques prévus par les dispositions du 4° de l'article R. 123-8 du code de l'environnement ne figurent pas au dossier de l'enquête publique et n'avait pas à répondre à tous les arguments des requérantes. Par ailleurs, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, Mme C... et autres ne peuvent utilement invoquer une dénaturation qu'auraient commise les premiers juges pour contester la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Selon l'article R. 2111-6 du code général de la propriété de personnes publiques dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Le service de l'Etat chargé du domaine public maritime établit le dossier de délimitation qui comprend : (...) / 5° En cas de délimitation de lais et relais de la mer, la situation domaniale antérieure ; (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 72-879 du 19 septembre 1972 portant modification de la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime et fixant les procédures d'incorporation et de déclassement des lais et relais de la mer : " L'incorporation au domaine public maritime des lais et relais de la mer ayant fait partie du domaine privé de l'Etat à la date de promulgation de la loi susvisée du 28 novembre 1963 est prononcée par arrêté préfectoral, après avis du directeur des services fiscaux et du directeur départemental de l'équipement ou de l'ingénieur en chef du service maritime. ".
4. Les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence au dossier de l'enquête publique de la description de la situation domaniale antérieure, ainsi que des avis du directeur des services fiscaux et du directeur départemental de l'équipement dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles appartenant à Mme C... et autres ne sont pas situées sur les lais et relais de la mer.
5. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : (...) / 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme ; (...) ". L'article R. 2111-7 du code général de la propriété de personnes publiques prévoit, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté en litige que : " Le dossier de délimitation est transmis pour avis au maire des communes sur le territoire desquelles a lieu la délimitation. / En cas de délimitation du rivage de la mer ou de ses limites transversales à l'embouchure des fleuves et rivières, le préfet consulte le préfet maritime ou le délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer. / L'absence de réponse dans un délai de deux mois vaut avis favorable. ".
6. En se bornant à se prévaloir de l'absence des avis qui auraient dû être recueillis au cours de la procédure de délimitation en application de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, sans toutefois préciser de quels avis il s'agissait, les requérantes ne mettent pas à même la Cour d'apprécier le bien-fondé de ce moyen, d'autant que le préfet des Alpes-Maritimes a fait valoir en première instance, que les avis du maire de la commune de Cap d'Ail du 3 avril 2019 et du préfet maritime du 6 mars 2019 ont été joints au dossier de l'enquête publique, conformément aux dispositions de l'article R. 2111-7 du code général de la propriété de personnes publiques.
7. Aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété de personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; / (...) / 3° Les lais et relais de la mer : / a) Qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; / b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. (...) / Les terrains soustraits artificiellement à l'action du flot demeurent compris dans le domaine public maritime naturel sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés. ". L'article L. 2111-5 du code précité prévoit dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté que : " Les limites du rivage sont constatées par l'Etat en fonction des observations opérées sur les lieux à délimiter ou des informations fournies par des procédés scientifiques. (...) ". Aux termes de l'article R. 2111-5 du même code : " La procédure de délimitation du rivage de la mer, des lais et relais de la mer et des limites transversales de la mer à l'embouchure des fleuves et rivières est conduite, sous l'autorité du préfet, par le service de l'Etat chargé du domaine public maritime. (...) / Les procédés scientifiques auxquels il est recouru pour la délimitation sont les traitements de données topographiques, météorologiques, marégraphiques, houlographiques, morpho-sédimentaires, botaniques, zoologiques, bathymétriques, photographiques, géographiques, satellitaires ou historiques. ".
8. Il ressort de l'arrêté contesté et du plan de délimitation qui y est annexé que la parcelle cadastrée section DP5, située sur la plage de la Mala, occupée par Mme C... et autres, a été incorporée au domaine public maritime. Dans le cadre de cette procédure de délimitation, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Alpes-Maritimes a établi, au mois de janvier 2019, un rapport relatif à la délimitation du domaine public maritime fondé sur des données historiques, cartographiques, cadastrales, topographiques, morpho-sédimentaires et houlographiques mentionnées à l'article R. 2111-5 du code général de la propriété de personnes publiques. Selon une carte du cadastre de 1874 figurant dans ce rapport, la totalité de la plage, à l'exception de l'éperon rocheux apparaît dans l'eau. Les photographies aériennes de ce rapport montrent que la plage de la Mala s'étendait au début du 20ème siècle jusqu'à la falaise et n'était quasiment pas occupée. A l'époque le site était déjà recouvert d'un matériaux clair exempt de toute végétation caractérisant un sédiment soumis à l'action régulière des flots. Ce rapport met également en évidence, sur la base d'une étude géotechnique et des photographies aériennes anciennes, la présence de remblais anthropiques indiquant que le domaine public maritime a été soustrait artificiellement à l'action des flots, sans y avoir été expressément autorisé par une concession translative de propriété. Le rapport de la DDTM fait aussi état d'une étude du déferlement de la houle établie à partir des constats de terrain opérés les 11 et 25 janvier 2016 par un agent assermenté de la DDTM, le rapport d'un expert du 25 mars 2016 et sur les conclusions d'une expertise du centre d'études sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). Les constats montrent qu'entre 2014 et 2018, la houle a dépassé la hauteur de 2,5 m quatorze fois et celle de 4 m deux fois le 5 novembre 2014 et le 11 décembre 2017, ce qui tend à démontrer le caractère non exceptionnel de l'évènement et que son occurrence se produit environ trois fois par an. Une photographie prise le 12 mars 2013 par un agent de la DDTM montre que la mer touche les constructions, y compris celles de Mme C... et autres. Le rapport conclut que l'intégralité du site de la plage de la Mala jusqu'à la cote 4 m A... est comprise dans le domaine public maritime. En outre, M. F... certifie, dans son rapport d'expertise du 25 mars 2016, d'après ses observations de terrain que la Mala subit, à l'image des plages de poche régionales, des submersions marines supérieures à 4-5 m A.... Par ailleurs, un rapport de visite du 12 décembre 2017 établi par un agent assermenté de la DDTM constate des dépôts de sable, de galets, de gravillons, de posidonies laissés par les coups de mer la veille à l'intérieur des établissements de plage dont celui de l'Eden. Il précise que selon deux bulletins météos du 11 décembre 2017, la force des vents sur le littoral niçois n'a pas dépassé les 100 km/h. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces submersions constatées à de nombreuses reprises relèveraient de perturbations météorologiques exceptionnelles lesquelles ne sont pas nécessairement constituées par des tempêtes violentes.
9. Mme C... et autres ne peuvent utilement se prévaloir du trait de cote établi sur la plage de la Mala, au mois de novembre 2017 par le service déplacements, risques, sécurité de la DDTM des Alpes-Maritimes, dans le cadre d'une procédure de porter à connaissance (PAC) en application des articles L. 132-2 et R. 132-1 du code de l'urbanisme, ainsi que du cahier de recommandations du PAC submersion marine, de la carte des niveaux marins et du rapport du 2 octobre 2014 du service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM), lesquels n'ont pas pour objet de délimiter le domaine public maritime en application des dispositions mentionnées au point 7. Concernant cette procédure de porter à connaissance, une note complémentaire du préfet des Alpes-Maritimes, du 26 juillet 2018, précise que " des études locales plus fines et les observations de terrain montrent que cette approximation conduirait le plus souvent à sous-évaluer l'action de la mer sur les rivages. " et que " pour le cas des plages, les niveaux marins de référence donnés à travers ce porter à connaissance doivent faire l'objet d'études complémentaires ". Si le rapport d'expertise du 30 septembre 2020 de M. B..., qui est en tout état de cause postérieur à l'arrêté attaqué, relève que l'adaptation brutale de cette cote au plan cadastral est inappropriée, le plan annexé à l'arrêté contesté montre que si la délimitation suit le pied de la falaise derrière les cabanons et donc le plan cadastral, elle s'en écarte à partir de l'allée de la Mala près de l'établissement " La réserve de la Mala ". En tout état de cause, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que cette délimitation serait erronée. Ce rapport n'est en outre pas de nature à remettre en cause les données relatives à la houle étudiées par le CEREMA lesquelles sont corroborées par le rapport d'expertise du 25 mars 2016. La circonstance que le CEREMA soit un établissement public placé sous la double tutelle du ministère de la transition écologique et du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'est pas de nature à écarter ces constatations. Quant au rapport de M. D..., du 2 novembre 2016, il ne concerne pas les parcelles des requérantes mais les cabanons au droit des parcelles cadastrées DP8a, DP8b, DP8c, DP8d, DP8e, DP8f, DP8g et DP 25a et n'a pas été réalisé sur le fondement des procédés scientifiques mentionnés à l'article R. 2111-5 du code général de la propriété de personnes publiques mais sur l'étude du SHOM qui à elle seule n'est pas suffisante pour déterminer les limites du domaine public maritime.
10. Par suite, compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 à 9, la parcelle cadastrée section DP5 occupée par Mme C... appartient au domaine public maritime en application du 1° de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété de personnes publiques.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2019.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme C... et autres au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., à la Sarl Eden, à la SCI Plage Mala et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la commune de Cap d'Ail.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juin 2023.
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N° 21MA03794
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