Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Aucar a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 23 novembre 2018 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé d'enregistrer l'installation d'entreposage, de dépollution, de démontage et de découpage de véhicules terrestres hors d'usage qu'elle exploite, ensemble la décision rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1901586 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête et a jugé que les prescriptions posées par le préfet des Alpes-Maritimes à l'article 2 de l'arrêté attaqué doivent s'entendre comme enjoignant à A... de procéder à la suppression de son activité et à la remise en état du site uniquement sur la partie de l'exploitation s'étendant sur une surface supérieure à 100 m².
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juin 2022, sous le n° 22MA01796, A..., représentée par Me Le Bretton, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901586 du 8 juin 2022 du tribunal administratif de Nice ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé d'enregistrer l'installation d'entreposage, de dépollution, de démontage et de découpage de véhicules terrestres hors d'usage qu'elle exploite ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 500 000 euros au titre du préjudice économique subi du fait du coût du transfert de l'activité et de la remise en état du site, assortie des intérêts légaux et du produit de leur capitalisation à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 639 972 euros au titre du préjudice économique subi du fait de l'accroissement du montant des loyers et taxes foncières du nouveau local, somme calculée sur une période de 12 années, assortie des intérêts légaux et du produit de leur capitalisation à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de condamner à l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ;
6°) de lui accorder un délai de six mois à compter de l'épuisement des voies de recours liées à la présente procédure afin de transférer son activité et remettre en état le site ;
7°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée ne mentionne pas les voies et délais de recours et la possibilité d'exercer un recours gracieux ou hiérarchique ;
- la société a été soumise à diverses obligations non visées à l'article 3 au titre des mesures conservatoires à mettre en œuvre ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 513-1 du code de l'environnement ;
- le délai fixé pour arrêter son activité et remettre le site en l'état est inadapté aux difficultés rencontrées pour transférer son activité ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée, pour faute et sans faute ;
- le coût du transfert de l'activité et de la remise en état du site s'élève à 500 000 euros et doit être pris en charge par l'Etat ;
- son préjudice moral s'élève à 50 000 euros ;
- la différence de coût entre le montant des loyers et taxes foncières du nouveau local qui lui est proposé et celui qu'elle occupait jusque-là s'élève à 639 972 euros sur les douze prochaines années et doit être prise en charge par l'Etat.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête de A....
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 82-756 du 1er septembre 1982 ;
- le décret n° 2012-1304 du 26 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Prieto,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Le Bretton, représentant A....
Considérant ce qui suit :
1. A... a été créée en 1986 en vue d'exercer une activité de négoce de véhicule neufs et d'occasion ainsi qu'une activité de démolition et négoce de pièces détachées neuves et d'occasion. A la suite d'une visite du site des services de l'inspection des installations classées réalisée le 1er septembre 2014, il a été constaté que cette société exploitait une activité de stockage, de dépollution et de démontage de véhicules hors d'usage sur une surface supérieure à 100 m². Le préfet des Alpes-Maritimes a alors, par un arrêté du 7 novembre 2014, mis en demeure la société de régulariser sa situation administrative dès lors qu'elle exerçait son activité sans l'enregistrement nécessaire. Par un courrier du 23 décembre 2014, A... a adressé à la préfecture des Alpes-Maritimes une première demande d'enregistrement qui a été déclarée incomplète. Par un courrier du 17 mars 2016, la société a déposé une demande d'enregistrement en régularisation. Par deux avis, rendus le 11 juillet 2016 et le 4 juillet 2018, l'inspection des installations classés s'est prononcée en défaveur de l'enregistrement sollicité. Le 14 septembre 2018, le Conseil de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) a rendu un avis défavorable à la demande d'enregistrement. Par un arrêté du 23 novembre 2018, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé d'enregistrer l'installation d'entreposage, de dépollution, de démontage ou de découpage de véhicules terrestres hors d'usage exploitée par la société, lui a enjoint de supprimer son activité relevant de la rubrique n° 2712 et de remettre en état le site. Par un courrier, reçu le 14 janvier 2019 par la préfecture des Alpes-Maritimes, la société requérante a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été implicitement rejeté. A... relève appel du jugement du 8 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2018 du préfet des Alpes-Maritimes et de la décision rejetant son recours gracieux, ainsi que ses demandes indemnitaires.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, l'absence de mention des voies et délais de recours contre une décision est sans influence sur la légalité de celle-ci. Par suite, la société requérante n'est pas utilement fondée à soutenir que la décision attaquée ne mentionne pas la possibilité d'exercer un recours gracieux ou hiérarchique.
3. En deuxième lieu, la circonstance que la société Aucar aurait été soumise à diverses obligations, non visées à l'article 3 de la décision attaquée, au titre des mesures conservatoires à mettre en œuvre, à supposer qu'elle soit établie, est également sans influence sur la légalité de la décision attaquée.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-1 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d'un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation, à enregistrement ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation, cet enregistrement ou cette déclaration, à la seule condition que l'exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l'année suivant l'entrée en vigueur du décret. / (...) ". Il appartient au juge administratif, pour se prononcer sur l'existence de ces droits acquis, de rechercher si, au regard des règles alors en vigueur et compte tenu de la date de mise en service régulière de l'installation, l'exploitant peut se prévaloir, à la date à laquelle elle est entrée dans le champ de la législation relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes ou de celle relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) par l'effet d'une modification de la nomenclature, d'une situation juridiquement constituée le dispensant de solliciter l'autorisation ou de déposer la déclaration prévue par les dispositions régissant une telle installation.
5. En l'espèce, la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement telle que modifiée par le décret n° 82-756 du 1er septembre 1982 impose que les activités classées au titre de la rubrique n° 286 " installation d'entreposage, dépollution, démontage ou découpage de véhicules hors d'usage ", étaient soumises à autorisation dès lors que la superficie de l'exploitation en cause est supérieure à 50 m². Cette même nomenclature, dans sa version issue du décret n° 2012-1304 du 26 novembre 2012, soumet à compter du 29 novembre 2012 ces mêmes activités, listées désormais au titre de la rubrique n° 2712, à enregistrement dès lors que la surface qui y est dédiée est supérieure à 100 m².
6. Il résulte de l'instruction que, à la suite d'une visite d'inspection du site exploité par la société requérante, le 21 avril 2009, l'inspecteur des installations classées de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) a constaté que celle-ci ne disposait pas de l'autorisation nécessaire pour exercer l'activité de récupération de carcasse de véhicules hors d'usage. L'administration a alors demandé à l'exploitant de justifier de la surface consacrée à cette activité et, par un courrier du 6 mai 2009, le gérant de cette société a déclaré que le poste de travail de démontage représentait une surface de 29 m². Cette surface déclarée étant inférieure au seuil alors applicable de 50 m², il a été considéré que l'établissement ne relevait pas de la législation relative aux installations classées, et en particulier de la rubrique n° 286. Puis, lors d'une autre visite du site du 1er septembre 2014, l'inspecteur des installations classées a constaté que A... exploitait en réalité une activité de stockage, de dépollution et de démontage de véhicules hors d'usage sur une surface supérieure à 100 m².
7. Dans ces conditions, et alors qu'il est constant que l'exploitant n'a pas fait de démarches pour une mise en service régulière d'une installation supérieure à 50 ou 100 m², A... ne saurait se prévaloir de l'existence de droits d'antériorité qui auraient été acquis sous l'empire de textes antérieurs, sur le fondement de l'article L. 513-1 du code de l'environnement, dès lors que le mécanisme prévu par ces dispositions vise à permettre aux établissements à continuer à fonctionner sans avoir à détenir l'autorisation à laquelle la modification de la réglementation postérieure à leur mise en service a soumis leur activité, mais n'a pas vocation à s'appliquer à des établissements qui fonctionnaient irrégulièrement sans autorisation alors que leur activité était déjà soumise à autorisation sous l'empire de la législation antérieure.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " (...) / S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations et ouvrages, la cessation définitive des travaux, opérations ou activités, et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code. / (...) ".
9. Les activités listées au titre de la rubrique n° 2712, " installation d'entreposage, dépollution, démontage ou découpage de véhicules hors d'usage " étant soumises à enregistrement dès lors que la surface qui y est dédiée est supérieure à 100 mètres carrés, c'est à bon droit que le préfet a prescrit à A..., à l'article 2 de l'arrêté en litige de procéder à la suppression de son activité et à la remise en état du site, uniquement sur la partie de l'exploitation s'étendant sur une surface supérieure à 100 m².
10. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que la société requérante a formé un premier recours gracieux en date du 26 décembre 2018, en vue d'obtenir la prolongation du délai fixé à 9 mois par l'arrêté du 23 novembre 2018 pour arrêter son activité et remettre le site en l'état, et obtenir un délai supplémentaire de six mois. Par une décision du 29 janvier 2019, le préfet a donné une suite favorable à cette demande et a porté ce délai à 15 mois. En tout état de cause, A... n'apporte aucun élément de nature à établir que le délai ainsi prolongé ne serait pas adapté à la nature des manquements constatés et aux caractéristiques de l'installation.
11. En dernier lieu, d'une part, A... n'établit pas que l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son encontre. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 7, A... ne peut se prévaloir de l'existence de droits d'antériorité acquis sous l'empire d'une réglementation antérieure, et ne justifie donc pas d'un préjudice suffisamment grave et par suite anormal, qui serait en lien avec l'arrêté par lequel le préfet a refusé d'enregistrer son activité et lui a imposé de remettre le site en état, au motif que celle-ci ne respecte pas les dispositions législatives et règlementaires en vigueur. Au demeurant, les prescriptions de l'article 2 de l'arrêté attaqué n'ont pas pour objet, contrairement à ce qui est soutenu, d'obliger la société requérante à cesser toute activité. Cette décision n'est donc pas davantage susceptible d'engager la responsabilité sans faute de l'Etat. Par suite, les conclusions indemnitaires de la société appelante ne peuvent être que rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Aucar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la commune de La Trinité et au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal Peter, présidente de chambre,
- M. Prieto, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2023.
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