Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 du préfet des Alpes-Maritimes lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2201229 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2022, et un mémoire, enregistré le 30 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Hmad, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice n° 2201229 du 16 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 16 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " étudiant " dans le délai de deux mois, et dans l'attente, lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler ; à défaut, lui enjoindre de réexaminer son droit au séjour et lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ou une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation par le préfet ;
- il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions du 2°) de l'article L 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est également illégale dès lors qu'il pouvait prétendre à un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Le préfet des Alpes-Maritimes, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chenal-Peter,
- et les observations de Me Hmad, représentant M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité tunisienne, demande l'annulation du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 16 février 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative peut accorder une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " sans que la condition de visa de long séjour soit exigée, en cas de nécessité liée au déroulement des études, ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures.
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... B..., né le 29 septembre 2003, est entré régulièrement en France à l'âge de 12 ans, le 4 août 2016, sous couvert d'un visa court séjour valable 90 jours. Le 5 septembre 2021, alors qu'il était en classe de terminale, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de la lecture de l'arrêté préfectoral contesté, que le préfet, pour justifier son refus de lui délivrer un tel titre, s'est borné à constater que ses parents, ainsi que son frère et sa sœur, étaient dépourvus de titre de séjour sur le territoire français, que l'intéressé ne justifiait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, et que par conséquent, il n'entrait dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce faisant, le préfet des Alpes-Maritimes, qui ne s'est pas prononcé sur les conditions d'octroi du titre de séjour sollicité, telles qu'elles sont précisées à l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas procédé à l'examen particulier de la situation de l'intéressé au regard de ces dispositions.
4. D'autre part, il est constant que M. A... B... réside en France depuis l'âge de douze ans. Il établit également suivre une scolarité régulière depuis environ six ans à la date de l'arrêté attaqué, lequel a été pris durant son année de terminale, avant qu'il passe les épreuves du baccalauréat, qu'il a obtenu le 5 juillet 2022. Dans ces conditions, et dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. A... B... en France, le préfet des Alpes-Maritimes, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle. Compte tenu de l'illégalité entachant la décision de refus de titre de séjour, M. A... B... est fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, privées de base légale.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait, que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à M. A... B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, le munisse d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... B... de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du 16 février 2022 du préfet des Alpes-Maritimes sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- M. Prieto, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2023.
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N° 22MA02119
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